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Importation de véhicules: Entre assurances et scepticisme

par R. N.

Le ministre de l'industrie, Ahmed Zeghdar, a annoncé qu'il a mis en place «une commission nationale chargée d'élaborer un nouveau cahier des charges pour l'importation de véhicules avant fin janvier prochain», une échéance qui laisse sceptiques experts et concessionnaires «en raison du chamboulement législatif et réglementaire que prévoit le gouvernement d'apporter dans le dossier et aussi le manque de clarté sur les expériences précédentes».

C'est mercredi dernier, à partir d'un plateau télévisuel public, que le ministre de l'Industrie a fait cette annonce. Les concessionnaires ou du moins ce qui en reste, devront donc attendre encore pour savoir s'ils auront l'autorisation de reprendre ou non leurs activités de vente de voitures importées. Bien que «fin janvier» a été fixée par Zeghdar comme date butoir pour mettre au point ce dossier, l'on rappelle que ce n'est pas la première fois que ce ministère fixe des dates mais s'abstient de donner des suites à une question à laquelle les Algériens attendent une réponse depuis longtemps. Comme pour convaincre, il promet que «les agréments seront remis rapidement aux concessionnaires concernés» et «la procédure sera simplifiée et les obstacles seront levés». Il les assure même que «des instructions ont été données par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors du dernier conseil des ministres» pour que «des amendements immédiats soient apportés dans le cahier des charges pour l'importation de véhicules». Il a ainsi avancé que «le nouveau cahier des charges fixe les conditions d'importation et de distribution des véhicules en fonction de chaque catégorie, contrairement à ce que prévoyait le texte précédent». Ce qui se fera sous une première condition : «les concessionnaires sont appelés à ouvrir des filiales au niveau des wilayas du pays en vue d'assurer aux clients les services nécessaires, car il est inconcevable que le citoyen achète un véhicule à Ouargla et vienne ensuite à Alger pour acquérir les pièces détachées», a affirmé le ministre. Le tout laisse penser qu'acheter un véhicule ne pourrait pourtant être possible pour les Algériens que d'ici 2023.

Le scepticisme des experts

C'est en tout cas ce qu'ont affirmé des experts à des médias télévisuels privés, en précisant qu'ils basent leur analyse sur «une comptabilité économique, au regard de tout l'arsenal juridique qui sera prescrit par le cahier des charges et le temps nécessaire pour que les concessionnaires y adaptent les activités de leurs entreprises respectives ». D'autres experts que nous avons contactés préfèrent, «avant toute chose et toute décision que le gouvernement trouve des réponses à des questions qu'il se doit de se poser sur l'importation de véhicules». Entre autres questions «quid des bilans et enseignements tirés des expériences précédentes, à savoir décennie 2000-2010, période plus récente 2014-2018?, des critères pour l'agrément des concessionnaires et attributions ?, des objectifs économiques et financiers (gains attendus pour le consommateur et pour le Trésor public) ?, des modalités d'allocation des ressources (quotas à l'importation) ?, du degré d'intensité de la concurrence ?, des modalités de contrôle (prix à l'importation sur le marché algérien par rapport au prix pratiqué sur des marchés similaires ?». Ceci parce qu'ils estiment que «s'agissant de projets d'industrie automobile, l'Algérie a raté le rendez-vous et ne dispose d'aucun avantage compétitif.

Les éventuels investisseurs ne doivent plus parler d'étapes mais s'engager franchement sur un investissement global intégré (exemple de Peugeot et Renault qui investissent à eux deux 1 milliard d'euros».

Des remarques qui n'empêchent pas le ministre de promettre de «développer une industrie automobile effective et efficiente en Algérie».Il a fait part de l'existence «de contacts avec des sociétés mondiales qui désirent investir en Algérie, (à l'exemple) de constructeurs asiatiques et européens de renommée mondiale avec lesquels des consultations ont été engagées pour parvenir à un accord au titre du partenariat gagnant-gagnant». Il a précisé que «nous ne voulons pas réaliser des usines de gonflage de pneus mais une véritable industrie comme l'a affirmé le président de la République».

«Le secteur public est globalement malade»

Il a en même temps fait savoir que «l'Algérie aspirait à construire des véhicules électriques et hybrides à l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays dans le cadre de la transition énergétique» en précisant que «l'Algérie est membre d'organisations internationales qui œuvrent pour la préservation de l'environnement, d'où la nécessité de disposer de voitures répondant aux exigences environnementales». Zeghdar indique aux Algériens que «les prix des nouveaux véhicules seront déterminés en coordination avec les services des ministères du Commerce, de l'Energie et des Mines et des Finances et des Douanes, en tenant compte de la marge bénéficiaire».

Autres annonces du ministre de l'Industrie «le gouvernement entend relancer 51 entreprises économiques publiques en partenariat avec des opérateurs nationaux ou étrangers». Non sans rappeler que «l'Etat avait consacré, au cours des dernières années, plus de 1.200 milliards de dinars à l'assainissement de ces entreprises sans atteindre l'objectif escompté à cause des dettes cumulées en raison de plusieurs facteurs, notamment la pandémie de Covid-19». Il ne donnera cependant, aucune garantie de réussite de cette autre décision d'assainissement qui bénéficiera selon lui, «aux entreprises publiques qui étaient leaders dans leur secteur comme le Complexe sidérurgique d'El-Hadjar, confronté ces dernières années, à plusieurs problèmes qui appellent une révision de son mode de gestion, et l'Entreprise nationale des Industries de l'électroménager (ENIEM), dont le taux d'intégration a beaucoup reculé après avoir atteint 70%». Au titre de ce programme de relance des entreprises publiques, le ministre a en outre, indiqué qu'«un accord sera conclu la semaine prochaine, entre l'Entreprise nationale des Industries électroniques de Sidi Bel-Abbès et une société italienne spécialisée dans la fabrication de batteries pour tablettes électroniques avec un taux d'intégration de plus de 60%, les 5 prochaines années». Un accord qui assure, selon lui, «un transfert de technologie» et à la mise en œuvre duquel, «seront associés l'Université de Sidi Bel-Abbès et les centres de recherche».

Ce nouveau programme d'assainissement des EPE fait réagir nos sources parmi les experts, qui estiment que «pour les usines à l'arrêt, ce ne sont pas des décisions administratives qui pourront assurer leur reprise d'activité» parce qu'ils affirment que «le secteur public est globalement malade et ne peut s'accommoder de mesures de raccommodage.

Il ne peut y avoir de mesures ou de solutions déconnectées d'une stratégie globale mettant en œuvre des politiques appropriées dans tous les domaines».

Le satisfecit du ministre

Ceci étant, Zeghdar a salué «les efforts consentis par les groupes publics, tels que le groupe de cimenterie ?Gica' et le groupe ?Agrodiv' dans l'optimisation de la production, de la qualité et de l'exportation», en soulignant que «grâce au partenariat et à la sous-traitance, il est possible d'instaurer une base industrielle forte et solide».

Le ministre est revenu aux assises que son secteur a organisé la semaine dernière en indiquant à propos des projets réalisés et en suspens que «la commission installée par le Premier ministre, ministre des Finances à l'effet d'examiner ces projets, s'attèlera à lever les obstacles en vue de permettre l'entrée en activité de ces projets dans les prochains jours». Il a promis encore que «plus de 60% des 400 projets en suspens entreront en activité avant la fin de l'année en cours». Le ministère est tenu, a-t-il affirmé, «de soumettre un rapport détaillé, toutes les deux semaines, au gouvernement, en vue de s'enquérir de l'état d'avancement de l'application des procédures de levée des obstacles à ces projets».

Il a aussi noté que «les textes juridiques relatifs à la création de l'Agence nationale du Foncier industriel sont en phase de finalisation et seront prêts avant la fin de l'année». Il a rappelé que «plus de 14.000 lots de terrain non exploités ont été recensés. Le ministère tend à récupérer ces assiettes non exploitées, en vue de les distribuer en toute transparence et équité, après évaluation de la rentabilité de l'investissement et des postes d'emploi qui seront créés, sachant que la priorité de l'investissement sera déterminée en fonction des régions».