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Quand le pays ne dort pas, il rêve !

par El-Houari Dilmi

Oui, quand le pays ne dort pas, il rêve... C'est là une histoire à ne surtout pas raconter aux mioches de peur de les voir perdre leurs dents. Parce que toute sa vie durant, H'mida a été usé, abusé, (dés)abusé, taxé, (re)taxé, ponctionné, embobiné, embobeliné, embabouiné, emberlificoté, il décida, avant le grand départ pour le monde des Allongés, de léguer au monde des Debout (s), laissé derrière son dos arqué, un message crypto-testamentaire, peu accessible à l'esprit trop carré des bipèdes.

Avant d'avaler son acte de naissance, H'mida voulut battre publiquement sa coulpe, en reconnaissant, dans un fou rire agonisant, que si l'argent n'a jamais fait le bonheur de personne, alors pourquoi lui, l'ultra argenté, il ne l'a jamais rendu à ceux qu'il a, toute sa vie durant, volé... sans jamais compter ? Pour H'mida, après l'argent, il y a le flouze, puis l'oseille, vient juste après de l'argent encore, puis encore le pognon et ensuite le blé, la galette fraîche, puis encore et toujours la thune et enfin le trésor...

Parce qu'après l'argent, il y a la mort, le néant au-delà, puis plus rien du tout. A l'article non écrit de la Faucheuse, H'mida se regarda, pour la dernière fois de sa vie, dans un miroir sans tain, pour déclamer d'une voix d'orfraie que beaucoup de blé nuit au blé.

Un peu comme celui qui clamse d'une overdose... de bonheur; après une vie délavée de grand malheur !... Alors en quittant son monde à lui, H'mida se souvint que celui qui a de l'argent, met dans ses deux poches, celle de devant et celle de derrière, tous ceux qui n'en ont pas. Démarrant de ce vrai-faux postulat, H'mida, avant de passer, avec un sourire mi-jaune mi-blasé, vers l'autre monde, se rendit compte que l'argent, c'est bien tout ce qui lui reste lorsqu'il aura tout perdu. Il décida alors de léguer un message écrit sur du papier mâché à tous ses congénères du douar qui passeront toute leur vie en noir et blanc à essayer de le décoder sans jamais arriver à déflorer le sens réel de la lettre cabalistique de H'mida.

Et H'mida écrivit: «Moi H'mida, en picorant toute ma vie dans la main calleuse des sans-le-sou, je compris pourquoi mes terres aussi vastes que mon appétence monstrueuse, ne donnèrent jamais du bon blé et brûlèrent toutes, écrasées sous les pas trop lourds de vos vies de loosers enguenillés.

C'est pourquoi avant de fermer les yeux à jamais, j'ai décidé de cacher dans mon estomac sans fond tout votre pain noir avant de vous crever vos yeux avec ma baguette en blé empoisonné. Parce que de ma mort à moi H'mida, naîtra un litige sans fin, ensuite adviendra le grand déluge qui vous noiera tous dans la paume creuse de vos mains trop souillées, pour prétendre à un traître sou...». Ainsi, aimait parler H'mida au peuple des sans-le-sou !