
Après ses propos «scandaleux»
rapportés par le journal Le Monde dans son édition du jeudi 30 septembre, le
président sortant, Emanuel Macron, est revenu sur la brouille qu'il a
déclenchée avec Alger, et la crise diplomatique qui s'en est suivie. Cette
fois-ci, sur les ondes de France-Inter, où il était l'invité «exceptionnel» de
Léa Salamé.
Dans cet entretien consacré
à «la Journée spéciale pour les Afghanes», Léa Salamé
interpelle son invité du jour à la fin de l'émission par une question sur «le
regain de tension avec l'Algérie», laquelle, a-t-elle rappelé, «a interdit son
espace aérien aux avions militaires français» et «demandé le rappel immédiat
pour consultation de son ambassadeur en France». Des actions, qui répondent,
a-t-elle souligné, en guise de préambule, «à vos propos dans le monde», où
«vous aviez dit que l'Algérie s'est construite après la guerre sur une rente
mémorielle entretenue par le système politico-militaire» et où vous dénonciez,
a-t-elle ajouté, «une histoire officielle totalement réécrite qui ne s'appuie
pas sur des vérités mais sur un discours qui repose sur la haine de la France».
Des mots qu'elle qualifie de «durs» avant de demander au président français
s'il les maintenait. Dans sa réponse, Emanuel Macron a tenu d'abord à minimiser
l'ampleur de la tension entre les deux pays, en la qualifiant de «crispation
qui est la réplique de ce que nous avions connu au printemps 2020.» Il dit par
la suite souhaiter «l'apaisement» entre les deux pays, avant d'exprimer «tout
son respect pour le peuple algérien» en soulignant les «relations vraiment
cordiales» qu'il entretient avec le président Abdelmadjid Tebboune.
Dans une tentative de justifier les propos qu'il a tenus, le 30 septembre
dernier, lors d'une rencontre avec des jeunes Français et Franco-Algériens, et
dont des passages ont été rapportés par le journal Le Monde, Macron se défend :
«Quand la question m'a été posée sur l'accueil du rapport de Benjamin Stora sur l'Algérie, j'étais obligé de dire la vérité». Et
de poursuivre : «(...) Nous avons enclenché un
travail, avec le rapport que nous avons demandé à Benjamin Stora
(...), avec la jeunesse française et franco-algérienne, et je continuerai ce
travail», a-t-il soutenu. Le président Macron semble
conscient des répercussions de sa démarche et prévoit même d'autres tensions.
«Il y aura immanquablement d'autres tensions», a-t-il
dit, en affirmant que «ce ne sont que des histoires de blessures». «Le problème
c'est que beaucoup sont inconciliables les unes des autres. Or, on est tous
ensemble dans le même pays, et donc on doit avoir un projet national qui nous
embarque», a-t-il expliqué. Le président français a
tenté enfin de minimiser la portée de cette crise, en soutenant que «ce n'est
pas un problème diplomatique», mais qu'il s'agissait «d'abord d'un problème
franco-français».
Le sociologue et essayiste,
Jean Zigler a exprimé avant-hier, sur les ondes de la
Chaîne 3 de la Radio algérienne, sa vision sur le concept du colonialisme et
les propos du président Emmanuel Macron. «Les crimes coloniaux sont des crimes
contre l'humanité, ceux qui ont été commis par l'occupant français en Algérie
forment évidemment une longue série de crimes contre l'humanité», a-t-il déclaré, avant de souligner que «M. Macron a
totalement tort». «Ses propos sont scandaleux et ne correspondent en rien à la
réalité de la colonisation française en Algérie, jalonnée par les crimes contre
l'humanité qu'il faut dénoncer dans la durée», a-t-il
précisé. L'auteur de «La Haine de l'Occident» est revenu sur le sens du «crime
contre l'humanité» et rappelé qu'il est défini dans le droit international
public comme «une violation délibérée et ignominieuse des droits fondamentaux
d'un groupe d'individus, inspirée par des motifs politiques, philosophiques,
raciaux ou religieux». Quant à la tentative d'anéantir les composantes de
l'identité algérienne à travers différents moyens, Jean Ziegler y voit un crime
colonial à l'instar des massacres de Sétif, Guelma et Kherata,
les tortures et les meurtres quotidiens. «Tous ces actes sont justifiés par des
motifs raciaux ou politiques», ce qui en fait un crime contre l'humanité
«totalement scandaleux», ajoute-t-il. «Que la France ne reconnaisse pas ses
crimes contre l'humanité est inadmissible et il faudrait que l'opinion publique
mondiale force le gouvernement français à les reconnaître», a estimé Jean
Ziegler. Jean Ziegler est, pour rappel, un homme politique et sociologue
suisse. Il a été rapporteur spécial auprès de l'ONU sur la question du droit à
l'alimentation dans le monde. Il est vice-président du Comité consultatif du
Conseil des droits de l'homme de l'ONU depuis 2009.