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Afghanistan-OTAN: Retour sur une sale guerre

par R. N.

L'Organisation transatlantique nord a décidé en 2001 d'envahir l'Afghanistan pour le libérer des mains des Talibans. Engagés dans une «guerre contre le terrorisme» aux côtés des Américains, les Alliés devaient atteindre leurs objectifs le temps de ce qu'ils ont appelée «offensive du printemps».

«Depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, les pays de l'OTAN sont engagés militairement en Afghanistan sous mandat des Nations unies afin d'éviter que le pays ne redevienne plus jamais un sanctuaire pour terroristes», lit-on sur le portail de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. C'est donc sur insistance des Etats-Unis présidés alors par Georges W. Bush que les Alliés ont accepté de mener une guerre contre les Talibans avec comme objectifs l'arrestation du richissime homme d'affaires Saoudien Oussama Ben Laden, la destruction de son organisation El Qaïda et enfin la neutralisation des Talibans pour redonner le pouvoir aux civils afghans.

Qualifiés de «guerre contre le terrorisme», les premiers bombardements américano-britanniques aériens ont commencé le 7 octobre 2001. Créés par les Américains pour anéantir les forces soviétiques vers la fin des années 80, les Talibans se sont fortement implantés à travers de nombreuses régions de l'Afghanistan pour en devenir pratiquement le pouvoir absolu non sans déclencher une guerre civile sans précédent. A peine quelques semaines après les premières opérations militaires des Alliés, ces «moudjahidine» sont défaits et leur régime est renversé et remplacé en décembre de la même année par un gouvernement civil avec comme président du pays Hamid Karzaï. Un président que les Américains ont vu «grandir» dans leurs universités et évoluer au sein de leurs importantes firmes.

Intervenant «sous mandat de l'ONU», les Alliés créent la FIAS (la Force internationale d'assistance à la sécurité en août 2003. Activant sous un mandat onusien, «la FIAS avait pour objectif premier d'aider le gouvernement afghan à assurer efficacement la sécurité dans tout le pays et à mettre en place de nouvelles forces de sécurité pour faire en sorte que l'Afghanistan ne redevienne plus jamais un sanctuaire pour les terroristes», écrivait l'OTAN sur son site.

«La solution en Afghanistan n'est pas militaire»

En janvier de la même année, l'OTAN changeait de secrétaire général en remplaçant Lord Robertson par Jaap de Hoop Scheffer. Bénéficiant d'un prolongement de deux ans de son mandat initialement de 4 ans, Scheffer se plaisait à chacune de ses conférences de presse que nous avons couvertes notamment à Bruxelles, à assurer les journalistes de la victoire des alliés contre le terrorisme en Afghanistan. En 2006, Scheffer avait affirmé que «la solution en Afghanistan n'est pas militaire, elle est politique, c'est une solution de développement et de reconstruction(...). C'est une question d'une dizaine d'années, c'est une responsabilité collective».

Il est remplacé en 2009 par Anders Fogh Rasmussen qui lui aussi était «heureux d'avoir entendu le président américain annoncer le déploiement de nouveaux soldats en Afghanistan», écrivions nous en 2009 suite à la conférence qu'il avait animée à Bruxelles au quartier général de l'OTAN. En 2009, Barack Obama est aussi devenu président des Etats-Unis. Rasmussen avait affirmé que «la guerre en Afghanistan n'est pas seulement celle de l'Amérique». Il a noté que «les Etats-Unis ont suivi une approche multilatérale pour cette opération.

Nous devons maintenant apporter la preuve que le multilatéralisme donne des résultats concrets». Soutenant fortement l'annonce par Obama d'une «augmentation significative des troupes américaines en Afghanistan, le SG de l'OTAN déclarait qu' «il est crucial que les autres alliés suivent». A défaut a-t-il souligné, «l'équilibre de l'Alliance est en jeu». En cette année, les Etats-Unis avaient déjà déployé dans ce pays, 71 000 hommes. Ils devaient en rajouter 30 000. Nous écrivions que «d'autres membres de l'OTAN comptent en envoyer 5000 (bien plus selon des responsables militaires) en plus des 38 000 qu'ils avaient déployés. L'OTAN souhaiterait en avoir 480 000 pour disent ses responsables «régler une fois pour toute le problème afghan.» Les pays atlantistes avançaient que «notre objectif principal est très clair : transférer aux Afghans, le plutôt possible, la responsabilité principale de la gestion de leur pays».

«25% des Afghans formés par les alliés disparaissaient dans la nature»

Au fur et à mesure qu'ils assuraient une formation aux forces de sécurité afghanes, les Alliés en tête les Américains prenaient note d'importantes désertions dans les rangs militaires locaux. Jean-François Bureau, l'assistant du SG de l'OTAN en 2009, a déclaré comme rapporté dans ces colonnes, que 25% des afghans que les pays atlantistes forment pour assurer la sécurité de leur pays, disparaissent dans la nature. «Avec ou sans armes, ils partent on ne sait où,» a-t-il ajouté. Un responsable militaire a, pour sa part, déclaré lors d'une conférence de presse que «nous enregistrons la disparition de 1 à 2% par an d'hommes que nous formons en Afghanistan.» Il dira aussi que les formateurs occidentaux tentent de freiner ces disparitions en payant mieux leurs stagiaires et en les retenant un peu plus longtemps en stage». Avec ça, «à partir de 2011, la responsabilité de la sécurité a progressivement été transférée aux forces afghanes, qui ont pris la direction des opérations de sécurité dans l'ensemble du pays à l'été 2013. Le processus de transition s'est achevé et les forces afghanes ont assumé l'entière responsabilité de la sécurité à la fin de l'année 2014, au terme de la mission de la FIAS. Une nouvelle mission «non combattante» de plus petit format (Resolute Support) a été lancée le 1er janvier 2015 sous l'égide de l'OTAN dans le but de poursuivre les activités de formation, de conseil et d'assistance au profit des forces et des institutions de sécurité afghanes», faisait savoir l'OTAN à cette époque. Composée de 5000 hommes, la FIAS voit ses effectifs tripler en 2011 pour passer à 140 000 hommes, un nombre qui toutefois a diminué en 2014 pour descendre à un peu plus de 58 000. En septembre 2014, Hamid Karzaï est remplacé par Ashraf Ghani, un président afghan qui a aussi fréquenté les universités et d'autres officines américaines pendant de longues années.

Rasmussen déclarait en 2009 à Bruxelles que «les forces afghanes vont prendre le relais et nos forces auront plutôt un rôle de soutien.» Il a expliqué que «transition n'est pas synonyme de stratégie de sortie.(...) Nous n'avons nullement l'intention de relâcher notre effort avant la ligne d'arrivée, après avoir parcouru une telle distance et consenti un si grand sacrifice.»

Une alliance qui a effroyablement fait tout faux

Obama s'était donné à cette époque 18 mois pour ordonner le retrait de ses troupes de l'Afghanistan, c'est-à-dire en juillet 2011, une année à peine avant la fin de son mandat présidentiel. Mais au quartier général de l'OTAN, régnait une grande cacophonie entre les alliés à ce sujet. Rasmussen a fait d'ailleurs savoir en parallèle qu'en plus du déploiement de forces supplémentaires qui va commencer l'année prochaine, il y a aura plus d'aide au développement(...)». A une question sur l'éventualité de l'ouverture d'un dialogue avec les Talibans en vue «d'une réconciliation nationale», écrivions nous dans ces mêmes colonnes à partir de Bruxelles, Rasmussen a estimé que «les Talibans doivent accepter pour cela, certaines conditions, à savoir accepter la constitution afghane et de négocier avec le gouvernement afghan.»Nous écrivions aussi que «la situation afghane est dramatique. L'histoire retiendra que l'Amérique de Bush avait décidé de déployer des troupes en Afghanistan au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Ils ont été renforcés par des soldats des autres alliés en 2003 en pensant qu'ils allaient mettre les Talibans hors état de nuire en deux temps trois mouvements. A l'époque, les alliés avaient appelé leur intervention en Afghanistan «l'offensive du printemps.» Sept printemps sont déjà passés mais la situation s'est davantage compliquée dans un pays où des centaines de vies humaines disparaissent quotidiennement sous le fallacieux prétexte de «dégâts collatéraux» causées par les troupes atlantistes». Devant ce désastre, Donald Trump a décidé d'accéléré les choses en décidant le retrait des troupes américaines sans délais. Joe Biden, son remplacement a déclaré en 2020 à des médias américains que «l'idée que nous puissions utiliser nos forces armées pour résoudre tous les problèmes internes qui existent dans le monde n'est tout simplement pas dans nos capacités».

Le 25 juillet dernier, avant de le quitter et 20 ans après les avoir renversés, les militaires américains s'empressaient de faire sortir leurs diplomates de l'Afghanistan pour le céder aux Talibans. La sale guerre va continuer sous d'autres bannières après celle entretenues pendant 20 longs et épouvantables «printemps» par une alliance qui a effroyablement fait tout faux.

Dans ces mêmes colonnes, nous écrivions en 2009 que «l'OTAN prépare une nouvelle stratégie de défense antimissile avec comme seule cible l'Iran. Le Conseil OTAN Russie qui s'est tenu (vendredi) à Bruxelles se voulait en être le précurseur». En précisant plus loin que «l''Iran est donc «cette nouvelle menace» contre laquelle se prépare activement le monde occidental sous impulsion indéniablement américaine mais originellement israélienne.