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Tourisme de l'horreur

par H. Youcef

Ni les photos du plus professionnel des photographes, ni les vidéos des meilleurs vidéastes et encore moins les mots les plus éloquents ne peuvent rendre justice à cette contrée verdoyante devenue tout à coup hideuse et repoussante.

Rien ne semble disposé à décrire ce paysage affreux qui s'est emparé d'un bout du paradis en très peu de jours durant lesquels la vie s'est brusquement arrêtée pour la faune, la flore et les hommes. Les sangliers, les chacals, les lapins, les oiseaux et les autres espèces animales ont péri en silence sans avoir le temps d'hurler. L'olivier qui était la source principale de la matière première locale, la fierté et l'arbre fétiche de tous a vu sa propre sève le détruire. Les fèves se sont ridées subitement et les figues de barbarie ont vu leurs épines se ramollir. L'odeur des genets a cédé le piédestal à celle des cendres qui ont défiguré et désertifié forêts et clairières brusquement et en ont fait une tête teigneuse avec d'une part les mycoses et d'autre part quelques touffes de cheveux désemparées. Les hommes ne comprennent pas ce qui est arrive, mais sont sur le qui-vive. Le chef lieu de la région est déserté par les montagnards qui lui insufflaient la vie, le trophée gagné est insipide ; les gens n'ont pas le cœur au foot et n'ont plus le cœur à quoi que ce soit. La majorité des commerces a baissé rideau et les routes regorgent encore de convois de véhicules lourds et légers acheminant des aides à tout va. De mémoire d'homme, jamais la région n'a vu défiler autant de matricules.

Ces centaines de bénévoles ont vu de leurs propres yeux la désolation qui s'est abattue sur thamurth. Ils ont vu des maisons aux murs noircis, aux toitures envolées, des jardins enlaidis, des champs obscurcis et des routes visiblement enjambées par les feux qui se sont jurés de ratisser large et ne laisser qu'une terre brulée. De partout des volontaires sont venus avec des vivres et de l'équipement pour repartir avec des larmes aux yeux et un cœur meurtri par le martyr de cette contrée autrefois terriblement verdoyante. Ils pourraient essayer de raconter aux autres ce qu'ils ont vu, mais le ouï-dire ne saura pas non plus être expressif même s'il est plus loquace.

Pour véritablement avoir une idée de ce qui est advenu de cette contrée qui aurait aisément vécu du tourisme de montagne, il faut y aller sans la prétention de filmer, rédiger un reportage ou prendre des photos parce qu'il n'y a vraiment pas photo. Ce ne serait point de la villégiature, mais plutôt un tourisme de l'horreur à déconseiller aux âmes sensibles. De retour au pays, les émigrés ne reconnaitront véritablement le bled et la verte contrée qui a été lacérée de bout en bout, de long en large et qui a besoin tout autant que ses habitants d'une thérapie de groupe pour refleurir et renaître de ces cendres.