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Le temps du pouvoir et le pouvoir du temps en Algérie

par Mohamed El Bachir Louhibi

27ème partie



Nos cousins sémites n'étaient pas du tout préoccupés par un sort pourtant commun sous beaucoup d'aspects.

L'acquisition de la citoyenneté française les avait rendus imperméables aux problèmes du vécu quotidien de ceux qu'ils côtoyaient avec qui en ces moments ils vivaient en commun chacun a sa façon l'oppression, l'injustice.

Ils étaient inquiets et préoccupés par l'évolution des événements internationaux, au point ou dans une manifestation à Tlemcen ils crièrent« A bas la France ?A bas l'armée ? A bas Hitler».

Quelques temps après l'autre ecclésiastique qui faisait de la politique et de tendance dite socialiste, l'abbé Lambert maire d'Oran, comparait dans une émission de radio Séville, Franco à Jeanne d'Arc.

Voilà un ecclésiastique porteur aussi des fameuses 2 casquettes. Il avait la «socialiste» mais évoluait au grand jour et a droite et ne se gênait guère pour soutenir Franco en utilisant même la pucelle d'Orléans plusieurs siècles après Que pouvaient attendre les algériens d'un tel personnage, le fait de revendiquer et d'incarner des éléments antinomiques publiquement ne l'avait pas empêcher d'être le maire de la capitale de l'Ouest Algérien ,capitale économique de l'Algérie et sa deuxième ville.

Les questions qui se posaient alors avaient trait à la conscience des électeurs européens et a leur degré de maturité, a leur sens civique, aux degrés de leurs cultures sociale et politique et carrément à la signification et à la valeur de leur suffrage pour porter a la tête de cette ville un individu de cet acabit ex abbé de surcroît.

Homme d'Eglise sans cœur et sans raison engagé politiquement mais majeur accompli en eaux troubles.

Dans une de leurs multiples conversations l'abbé Perrin et Aissa mon père évoquaient, bien sur, la deuxième guerre mondiale et ses conséquences immédiates et multiples.

Les fracas des canons arrivaient inévitablement jusqu'à Ras El Ma.

L'abbé manifestait son soutien explicite au maréchal Pétain et à sa politique comme le montrait entre autre son attitude à l'égard des juifs internés dans le camp dit des travailleurs israélites de la commune dont il était aussi le maire.

Il ne s'embarrassait pas de beaucoup de scrupules pour afficher son hostilité à cette communauté qu'il rendait, lui aussi, responsable des maux de la France.

La ou il a eu du mal a cacher son opportunisme peut être plus que ses convictions c'est lorsque Ras el Ma, eut sa part de bien des retombées de cette confrontation qui s'avérait la plus tragique, sanguinaire et brutale jusque la dans l'histoire de l'humanité recevait encore une autre catégorie d'hommes.

Il s'agissait de la déportation de marins français qui s'étaient mutinés en France pour empêcher la main mise du vainqueur allemand sur certaines unités de la flotte de guerre française qu'ils avaient sabordés à Toulon, suite à l'attaque de l'aviation britannique qui avait coulé les bâtiments de guerre français stationnés a Mers El Kébir.

Leur réaction patriotique, plus que compréhensible leur valut de se retrouver à Ras el Ma aussi à la porte du désert algérien.

Ils s'habituaient difficilement à contempler un autre type d'Océan.

Le désert cette mer de sable leur offrait un horizon inconnu jusque la.

Parmi eux il y avait beaucoup de bretons, plus déterminés que jamais et qui s'assumaient avec beaucoup de dignité.

La misère des algériens ne les empêchait pas de leur afficher une sympathie qui s'était concrétisée par des échanges multiples voire même par quelques invitations à partager un repas ou a se retrouver autour d'un bon thé a la menthe.

Cependant l'exotisme occupait plus de place chez les marins déportés que le dénuement aveuglant qu'ils côtoyaient.

Cette attitude faite d'une indifférence jugée coupable dés lors qu'on ne leur demandait rien sinon que de prendre acte des ravages de la colonisation ajoutés aux malheurs de la guerre dont les algériens pâtissaient plus que personne.

Le dromadaire, ce vaisseau du désert, excitait beaucoup plus leur curiosité.

Une minorité d'entre eux manifestait même une forme de provocation.

L'un d'entre eux, de sortie une fin de journée, se présenta dans une épicerie.

Mon frère ainé Mokhtar âgé d'une dizaine d'années, blond aux yeux bleus fût confondu avec un européen par le provocateur qui lui dit «Nous allons nous foutre de la gueule de l'un de ces imbéciles si tu veux bien traduire»

- Demandes-lui s'il y'a des dattes ? L'épicier répondit par l'affirmative.

- A-t-il une variété appelée Charles Martel Poitiers 732 ?

Mokhtar , bien sur n'a pas traduit mais malgré son jeune age eut une réplique foudroyante :«Non Monsieur, il a surtout les batailles de la Berezina, de Waterloo et la défaite de Dunkerque et d'autres variétés de ce goût la si cela vous intéresse» !

Tout penaud notre provocateur ne demanda pas son reste. Si cet échange fit le tour chez les élites du village qui congratulèrent Mokhtar pour son esprit de répartie, il était significatif d'un comportement, d'une triste réalité.

Le complexe du colonisateur était là toujours et partout. Oui,ce besoin d'humilier, d'écraser même avec des mots cruels et méchants, l'autre, l'algérien.La chose s'expliquait en plus par le fait qu'ayant été vaincus et dominés dans les conditions que l'on sait, les nostalgiques incorrigibles éprouvaient le besoin à leur tour de dominer, de montrer que quoiqu'il arrive, on est toujours plus fort que quelqu'un d'autre même dans les moments les plus tragiques ou l'histoire des peuples avec celle de l'humanité toute entière devraient inciter à la réflexion, à la sagesse et à l'humilité.

Le système politique occidental qui se référait à l'humanisme restait toujours aveuglé par son avidité au point de produire en millions d'exemplaires des imbéciles souffrant de cécité politique tels que ce stupide marin provocateur.

Loin des siens, son pays occupé, divisé et vaincu, la majorité de ses compatriotes soumis dont beaucoup étaient des collaborateurs au grand jour, parjurant la déclaration de l'homme et du citoyen de la révolution française, la république et sa devise,

n'empêchaient pas ce marin des sables d'avoir une langue plus allongée qu'un chausse pied et plus encore des réactions racistes et provocatrices.

L'incident arriva aux oreilles de l'abbé Perrin par l'épicier a qui fort heureusement la traduction des termes provocateurs ne fut pas instantanée. Aissa qui cette fois fit d'une pierre deux coups pour mettre un terme à cette discussion mentionna à son interlocuteur que certains français clairvoyants disaient parfois opportunément que le coq gaulois était le seul animal qui continuait à chanter en ayant les pieds dans la merde.

L'abbé encaissa le coup qui ne se voulait pas spécialement méchant à l'égard de tous les français mais une réplique à l'égard de cette catégorie déterminée d'indécrottables parmi eux. A suivre