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Le temps du pouvoir et le pouvoir du temps en Algérie

par Mohamed El Bachir Louhibi

16ème partie



Ils souhaitèrent chacun a sa manière l'émancipation de l'Algérie par moult déclarations, mais que firent ils concrètement ? Leurs actions se limitèrent à des vœux pieux.

Elles eurent néanmoins le mérite d'ouvrir un peu plus les yeux aux algériens encore naïfs qui attendaient encore quelque chose de cette gauche française qui plus tard s'avéra à travers certains comportements lors des massacres de Sétif, Guelma, Kherrata le 8 mai 1945, ou lors de la guerre de libération, tout aussi réactionnaires que ceux des pires ultras de l'extrême droite.

Du reste dans les mois après l'audience accordée par Léon Blum, son gouvernement gratifia l'Algérie de «2 bonnes mesures ».

La première consista en l'envoi du sous secrétaire d'Etat à l'intérieur Raoul Auband venu faire une enquête.

A son issue, ce personnage et de gauche s'il vous plait, conclut a la nécessité absolue de maintenir la souveraineté française en Algérie mais par des mesures autoritaires et très sévères pour luter contre la propagande anti-française et tendant à enrayer l'action des agitateurs de tous bords.

Politique qu'il n'avait cessé de prôner publiquement et qui lui valut selon lui

«de chaleureux remerciements de tous les administrateurs représentant la France dans la colonie et dont leur action ne saurait être discutée».

Il ajouta «j'ai tenu à clamer hautement qu'elle s'identifiait à celle du gouvernement. Il est urgent d'opérer un redressement. C'est une question de poigne»

Les colons et l'administration complice et sous leurs ordres ne pouvaient trouver meilleur avocat. Ils manifestèrent leur satisfaction.

Le fameux abbé Lambert rendit un hommage appuyé au ministre et suggéra une mesure on ne peut plus provocatrice consistant à afficher sur les territoires français et algériens les propos de celui ?ci. A une déclaration de cette gravité, le gouvernement du Front Populaire ne trouva rien à dire.

A travers elle, il opposa une fin de non recevoir aux demandes raisonnables de la délégation du Congrès.Quelques commentaires non officiels et embarrassés émanèrent des partisans du Front Populaire.

Au lieu des mesures précises et convaincantes attendues, les algériens furent l'objet de menaces, d'intimidations qui du reste ne leur faisaient pas peur tant ils étaient fondés a exprimer des demandes légitimes et persévérantes. Cette attitude de Raoul Auband, donc des hommes du gouvernement du Front Populaire montrait à l'évidence au moins deux éléments essentiels.

En effet, la condition d'un homme politique c'est d'être ouvert avant et après son accession a une fonction ministérielle qui lui impose d'être un homme d'action et de décision et non pas un attentiste timoré, ballotté, dépendant des influences négatives et ne sachant pas où se trouve l'intérêt supérieur de son pays quand il ne le place pas

au-dessous de celui d'un groupe ou plus précisément de son groupe.

Tocqueville a dit en 1830 «Il faut punir ceux qui mettent en danger la société» mais en l'occurrence c'est bien les colons, l'administration française en Algérie et leurs complices parisiens, fussent ils d'une soi-disante gauche ou d'un Front dit Populaire qui mettaient en danger les sociétés algériennes et françaises.

A travers ces propos Raoul Auband exprimait non seulement la faiblesse du Front Populaire mais surtout celle, du gouvernement et de tout l'Etat français.

L'étendue de l'empire colonial, le nombre de peuples le composant, la diversité de leurs cultures, leurs richesses naturelles, tous ces éléments confondus n'ont pas incité une approche, une réflexion pour des rapports audacieux, nouveaux mutuellement bénéfiques.

Non certes pas. L'empire était vaste. Il donnait l'illusion de la grandeur et du prestige.

Les stratèges de la politique coloniale ignoraient justement que la étaient le piège, l'erreur qui allaient se révéler fatals par le fait que la décolonisation prendrait le système politique a contre-pied.

Les certitudes, les mythes finirent par forger le dogme colonial mercantile, exploiteur, dominateur, inhumain, au point d'aveugler même ceux qui se dirent progressistes niant farouchement les multiples différences culturelles et autres entre colonisateurs et colonisés et occultant leurs droits les plus élémentaires. Ils enfantèrent ainsi des drames aux dimensions imprévisibles.

Le fait National Algérien était pourtant une réalité intangible, incontournable. Même les leaders algériens qui trichèrent quelque peu avec l'histoire en demandant sincèrement le rattachement de l'Algérie à la France l'apprirent à leurs dépens.

Les français du reste ont été d'un illogisme stupéfiant en restant dans des zones floues et aux contours mal définis.

Ils n'optèrent jamais ni pour une assimilation pure et simple respectant bien sûr les différences culturelles, ni pour une émancipation franche, débouchant sur une coopération loyale.

Une fois le drame éclaté on s'oppose après tant d'injustices entre intégrationnistes qui découvrirent les vertus de l'égalité et indépendantistes qui se remémorèrent soudain celles de la liberté.

Que n'a-t-on appliqué ces deux hauts et nobles concepts bien avant hélas !

Lorsque les gros intérêts sont en jeux on trouve toujours des idéalistes, des idéologues, des juristes de service pour travestir une juste cause et l'habiller à la mesure de ces intérêts.

Dans tous les cas, le plus grave, c'était l'absence de conscience nationale française aux moments cruciaux ou elle avait le devoir impératif de se manifester.

Le champ de la conscience et de la morale a été fréquemment désert durant toute la période coloniale. L'interdiction de L'Etoile Nord Africaine en janvier 1937 par le gouvernement de Léon Blum, est un exemple parmi tant d'autres de son double langage.

Quelle contradiction entre les prétendus idéaux proclamés de cette gauche française impuissante, calculatrice et si peu courageuse à la fois pour ce qui relevait des problèmes qui se posaient à la classe ouvrière française, puisque les initiatives du patronnât furent pour beaucoup dans le déblocage de la situation grave qui régnait en France, mais plus encore pour tout ce qui avait trait au fait National Algérien, aux attentes, aux vœux et aux demandes des Algériens.

Quelles que soient la forme et la matière des revendications modérées et raisonnables par les membres du congrès qui souhaitaient le rattachement à la France, ou encore en termes d'indépendance par L'Etoile Nord Africaine, aucune suite ne fut donnée.

La gauche française porte une très lourde responsabilité dans le pourrissement de la situation.

Sa conscience fut muette devant tous les abus et ses actions plus qu'insignifiantes.

Le fameux projet Blum Violette qui se voulait audacieux ainsi conçu.

A suivre