Un peu
comme une infirmité «honteuse» dont le nom ne veut (ou ne peut) être prononcé
par personne, malgré des symptômes trop voyants, d'une douloureuse thérapie en
ces temps tourmentés, peut bien surgir le salut d'un pays, en proie à une
vieille maladie dite de «croissance». Mais comme personne ne
croit plus au «prodige» des bavardages sirupeux à faire roupiller les yeux
exorbités un insomniaque chronique, la jeune génération d'Algériens a perdu
jusqu'à l'envie de regarder devant elle, se transformant par une sorte de
mutation génétique, en une redoutable «machine à produire du désespoir», que
rien ne semble pouvoir enrayer, surtout pas ceux qui parlent d'une voix
synthétique pour dire que le bonheur du peuple pourrait bien venir le jour où
le soleil voudra bien se lever à l'Ouest, et que personne n'y pourra rien !
Mais la question «kafkaïenne» est celle de savoir si le peuple fait réellement
face à un grand danger, au moment où tout le pays a d'abord mal à la tête ?
Parce que celui qui passe sa vie à attendre, le ventre noué, que l'on veuille
bien porter la cuillère à sa bouche, peut-il à la fin de sa vie mourir de faim
et de pauvreté ?! Aujourd'hui, sous nos rues
«enguenillées», il suffit de fixer dans les yeux n'importe quel Algérien de la
rue pour comprendre que quelque chose ne va pas dans un pays où presque plus
personne ne veut plus vivre... A commencer par ceux qui veulent troquer leur
propre visage contre une hypothétique place dans un chimérique eldorado, qui
n'existe plus que dans nos caboches embrumées. C'est que, dans un pays où vivre
est déjà un impossible défi en soi, il devient trop dur de gagner à la loyale
son pain quotidien, à moins de laisser sa main «baladeuse» traîner là où il ne
faut pas; ou trouver un petit job sans casquer l'équivalent d'au moins six mois
de sueur... froide, avant même de toucher sa première solde, retirer quelque
document d'état civil sans daigner, bon gré mal gré, «graisser la patte», même
aux chats de gouttière. Voir encore des jeunes, par pelotons entiers, user
leurs neurones et leurs culottes sur les bancs des écoles et des campus
universitaires pour se retrouver à quémander un sou «usé» à leurs parents
devenus, eux aussi, des «sans-le-douro», finit par donner au pays les allures
d'une contrée qui meurt étouffée, ployée sous son propre poids écrasant.
Depuis que
le soleil de la liberté a été recouvré, le pays, et avec lui un peuple lassé de
(sur)vivre, ont désappris à vivre à la sueur de leur seul front. Et comme pour (sur)vivre à peu près normalement, il faut d'abord pouvoir
se nourrir de sa propre main, avant de penser à créer des partis politiques
«cliniquement morts» depuis des lustres, se soigner avec ses propres
médicaments plutôt que d'acheter sa santé «clefs en main», apprendre à se
défendre seul contre ceux qui veulent te voler ta croûte menacée, apprendre à
regarder la terre tourner sans croire naïvement à... sa rotondité, cela
suffit-il à préserver le garde-manger national dont l'on dit qu'il est
gloutonnement désiré par les «autres» ?! Faut-il rappeler que même seul,
le peuple a bien appris à aimer la solitude ? En attendant que quelqu'un, d'ici
ou d'ailleurs, veuille bien lui offrir une chaumière bien plus «rieuse» qu'un
palais aux murs vermoulus, menacé d'écroulement sous ses propres fondations mal
consolidées...