|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
En dépit de
la menace de disette qui pèse sur ses caisses qu'on n'a eu de cesse de déclarer
ruinées, malgré l'oisiveté, la vie sans but, mais surtout la mort qui semble
avoir un faible pour les gens fraîchement retraités, la retraite a acquis un
attrait certain depuis quelque temps. Elle s'est emparée de la majorité des
gens qui ont hâte de baisser les bras, abdiquer et battre en retraite quitte à
s'enliser dans l'inaction, l'inutilité, la vanité et tout ce qui anéantit
l'individu doucement mais sûrement. Malgré la menace de déclassement et de
déchéance qui les guette au sortir d'une vie formellement active, ça se
bouscule au portillon et les candidats qui ne sont pas encore en âge de faire
valoir leurs droits à la retraite escomptent un retour de la proportionnelle
et/ou la retraite anticipée.
Qui ne se souvient pas de la saignée des années 2015 et 2016 qui a vu des milliers de travailleurs, des enseignants en particulier, quitter le navire du marché du travail avant d'avoir atteint la soixantaine sans se soucier d'atteindre le nombre d'années à même de leur permettre de toucher les 80% versés chaque vingtième du mois au bout d'une queue usante ? Ceux que le complexe d'Hamlet a bridés ont vite regretté leur hésitation car la brèche fut aussitôt fermée et la retraite anticipée abrogée une année plus tard. Ceux qui ont eu la (mal)chance de sortir la cinquantaine accomplie ont dû tourner la page d'un demi-siècle de vie censée être active. Quoique monotone et faite d'un train de vie jalonnée par un ensemble de gestes et comportements pour le moins existentiels, cette vie active ou vraisemblablement active pour beaucoup se voit stoppée un beau/triste matin où les enfants vaquent à leur occupation, la mère aussi tandis que pour le retraité, le début de la fin enclenchée irrémédiablement. Pour beaucoup comme cet enseignant qui avait choisi de descendre de l'estrade définitivement et tirer sa révérence de la vie tout court, la retraite était double et irréversible. Et pourtant l'attrait de la retraite n'en finit pas de faire des ravages parmi des individus encore en âge de montrer beaucoup de générosité dans le travail, l'effort et l'initiative. C'est que les initiatives sont tuées dans l'œuf, la persévérance découragée et la probité au travail démoralisée et n'offrent alors que la retraite comme issue de secours pour bon nombre de fonctionnaires et travailleurs qui se laissent ensorceler par les charmes funestes du retrait. Le travail n'étant plus une vertu, on se hâte de se retirer au risque d'en payer les frais. Pour Serge Zeller, il faut savoir battre en retraite, quand le boulot te travaille, et le boulot sans éthique, sans reconnaissance et sans sanction est handicapant et ridant. Dès lors, on se dépassionne douloureusement, on remise ses outils, rend involontairement le tablier, ôte maladroitement vêtements de travail et uniforme et voici venus les temps de tourner en rond, toute la latitude de faire le poireau et comme dirait l'autre, la permission de rouiller officiellement. |
|