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La pandémie de la Covid-19 marque
depuis trois mois une accalmie que des spécialistes expliquent par l'existence
d'une immunité collective mais que certains de leurs confrères qualifient
d'irraisonnable. Sournoise certes mais la polémique autour de l'évolution de la
crise sanitaire en Algérie est bien là et divise les professionnels de la
santé. Elle enfle depuis que la pandémie de la Covid-19 a commencé à faire
moins de dégâts en termes de nombre de contaminations et de décès. Le chef de
service et coordonnateur de l'unité consultation Covid-19 du Centre
hospitalo-universitaire Mustapha Pacha d'Alger nous atteste qu'il y a bel et
bien une accalmie de la pandémie de la Covid-19 ces derniers mois. Rencontré au
CHU Mustapha, le Professeur Kamel Haiel nous en
décrit le cheminement. «On s'est stabilisé à la fin juin et dès le début de
décembre, nous avions commencé à avoir moins de pression ». Janvier 2021 est
pour notre interlocuteur « le mois où on a eu une vraie accalmie, fin janvier
on a atteint les taux actuels c'est-à-dire entre 7 et 10% par rapport aux pics
de l'année dernière». Prof Haiel nous fait savoir qu'
«actuellement, nous faisons 15 consultants en moyenne par jour ». Il affirme
même que «pendant les périodes des pics, on était entre 20 et 25
hospitalisations/jour de cas assez sérieux et graves dépendant de réanimation
et d'oxygène, aujourd'hui on est à environ 2 à 3 hospitalisations/jour en
moyenne ». Au 31 mars dernier, Haiel nous indique que
les dernières données montrent que « nous sommes à 28 cas d'hospitalisation, 7
malades en réanimation, on n'a plus de décès comme avant, depuis un mois on a
moins de pression en réanimation et moins de consultants ». Le coordonateur de l'unité Covid-19 du plus grand hôpital du
pays ne cache toutefois pas son étonnement face à cette situation d'accalmie de
la pandémie. «Ce qui est étonnant, c'est que ça reste stable sans que
l'épidémie ne s'éteint complètement, personne ne peut en expliquer les raisons,
ça défie toute logique épidémiologique ». Il note en outre que «ce ressenti, ce
n'est pas que chez nous, c'est tout le monde qui constate les mêmes chiffres».
La grande énigme Nos interlocuteurs de Mustapha regardent du côté de la Chine, point de départ de la pandémie mondiale, et font remarquer unanimement qu' «aujourd'hui, il n'y a plus de pandémie dans ce pays, c'est la grande énigme ». L'accalmie a permis, affirme Haiel, au personnel médical de Mustapha de reprendre toutes les autres activités dont les services ont été dédiés essentiellement à la prise en charge des malades de la Covid-19. Les raisons de cette accalmie de la pandémie, Haiel les explique : «en plus de la fermeture des frontières qui a été salutaire, nous avons probablement développé un niveau d'immunité collective parce qu'on a été très contaminé, on pense que plus de la moitié de la population a été contaminée, 60 à 70% de la population doit être ainsi immunisé, d'où notre sentiment qu'on a atteint une immunité collective». Il rapporte qu' «il y a une enquête qui se fait à la consultation, 99% des jeunes peuvent être contaminés sans n'avoir aucun symptôme, ils contaminent leur entourage mais développent une immunité tout autant que les personnes qui ont développé la maladie, la personne âgée n'a pas changé, elle reste la plus vulnérable à la Covid, ceux qui ont échappé au virus sont sans aucun doute ceux qui respectent les mesures préventives, il faut absolument continuer à le faire partout dans le pays». Haiel constate même qu'«après l'ouverture des restaurants et autres espaces publics ainsi que le retour du hirak, la baisse de la pandémie n'a pas été perturbée, ce qui explique l'immunité collective». Des spécialistes et responsables de structures publiques du même domaine s'insurgent pourtant contre les adeptes d'un tel constat et qualifient l'idée de l'existence en Algérie d'une immunité collective «d'irraisonnable». Leur argument principal «pourquoi cette immunité collective existerait-elle chez nous et n'existerait pas dans les pays développés qui ont mis tous les moyens y compris la vaccination pour l'atteindre ?!? C'est quand même insensé de penser qu'on a atteint cette phase d'immunité alors que la pandémie est encore là !», s'exclament-ils en tenant à garder l'anonymat parce que, disent-ils, «le pays n'a pas besoin qu'on se tape dessus alors qu'on active dans le même secteur et pour le même objectif, celui de gagner la guerre contre la Covid-19 !» Nos interlocuteurs constatent eux aussi «l'accalmie» de la pandémie « depuis quelque temps» mais l'attribuent à des facteurs précis. Une immunité collective contestée «La baisse des cas contaminés et des décès est le résultat incontestable en premier de la fermeture des frontières alors qu'elles ne l'ont pas été en Occident, les scientifiques pensent aussi qu'il y a un facteur environnemental, des diamètres qui sont en rapport avec l'industrialisation des pays, la Chine est un pays connu pour sa grande industrialisation, un pays pollué et pollueur, on parle de particules qui pourraient garder le virus dans l'atmosphère un peu plus élevé que dans des pays à moindre industrialisation comme nos pays africains, sinon comment expliquer que tous les pays africains soient moins touchés que ceux de l'Occident ?!? 3ème élément, on parle aussi d'un facteur génétique, on dit qu'en Europe, il y a un gène qu'on appelle le gène Neandertal que les Africains n'ont pas...». Ces trois facteurs sont avancés en opposition à celui de «l'immunité collective» constatée par les responsables de Mustapha. Les spécialistes qui objectent cette thèse lancent que «ceux qui soutiennent que cette accalmie est dû à ça se trompent ! Il ne faut pas se leurrer, nous avons le même profil épidémiologique que nos voisins mais ils ont plus de cas que nous en ce moment parce qu'ils ont laissé leurs frontières ouvertes !». Ils affirment même que « les gens qui pensent qu'on a atteint une immunité collective sont en train de perturber les mesures préventives! S'ils appellent en même temps à la vigilance, ce sont de fausses assurances». Nos interlocuteurs affirment que «ceux qui s'avancent à parler d'immunité collective ont tiré des conclusions sur des petites séries (échantillons) méthodologiquement insuffisantes, faites ici et là. Nous sommes une population de 43 millions, ce ne sont pas les 1.000 malades ou 1.000 personnes qui sont passées dans un cabinet -avec un effet centre-, qui peuvent permettre de conclure que nous avons une immunité à 50%. D'un point de vue scientifique, il est impossible que ça soit ainsi parce que chaque étude qui doit être faite doit respecter la méthodologie d'une étude de recherche et d'éviter les biais (ce qui est faux du point de vue méthodologique), il faut que les gens sachent que nous ne sommes pas dans une immunité collective jusqu'à preuve du contraire. Ceux qui le disent, on le répète, sont vraiment en train de perturber les mesures préventives ». |
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