Comment
limiter les pourvois en cassations sans porter atteinte à la liberté du
justiciable d'user de son droit de recourir à toutes les voies de recours
judiciaires offertes par la loi pour contester des jugements rendus par les
tribunaux et cours ? C'est la question qu'on devrait logiquement se poser quand
on souhaite sonder les pistes qui conduiraient à une réduction du nombre
d'affaires portées devant la Cour suprême suite à un pourvoi en cassation. Le
nombre considérable des affaires qui font l'objet d'un pourvoi en cassation
devant la Cour suprême est ahurissant, mais si le justiciable veut aller
jusqu'au bout de la logique, comment et pourquoi l'en empêcher ? Le bilan des trois dernières années (2018, 2019 et 2020) est
révélateur sur ce plan, à savoir une moyenne de 20,99% d'affaires pénales ayant
fait l'objet d'un pourvoi en cassation, soit un cinquième des affaires jugées,
et le même constat est fait pour l'action civile, puisque les statistiques
indiquent durant la même période que 15,11% des affaires civiles ont fait
l'objet de pourvoi en cassation, selon des données communiquées par le ministre
de la Justice, garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati, qui n'a pas manqué de juger que ce taux est «très
élevé». Cela se répercute fatalement sur le temps que prend le
traitement des affaires pénales et civiles, et les efforts visant à améliorer
la qualité des décisions de justice en pâtissent, devait-il avouer. D'où la
recommandation de proposer des voies à même d'apporter une solution à cette
problématique, faite par M. Zeghmati aux participants
aux travaux d'une Journée d'étude organisée par la Cour suprême à l'Ecole
supérieure de la magistrature (ESM) sur «les techniques de cassation en matière
civile et pénale en droit algérien et en droit français». Il n'y a pas à dire,
la Cour suprême croule littéralement sous le poids des nombreux dossiers qui y
atterrissent par milliers de toutes les cours du pays, mais comment arriver à
réduire le nombre de ces dossiers sans amputer les actions judiciaires. Car,
même si le pourvoi en cassation n'est pas une juridiction de troisième degré,
il n'en demeure pas moins qu'il reste une importante soupape de sécurité pour
protéger la société dans le cadre de la loi, comme le reconnaît le ministre de
la Justice.
Avant d'en
arriver à toucher aux mécanismes législatifs à même de rationaliser le recours
au pourvoi en cassation, il est utile de sonder l'introduction de solutions
pratiques en vue de limiter relativement le nombre croissant de pourvois en
cassation, comme relevé par le premier président de la Cour suprême, Abderrachid Tabi. A cela devraient s'ajouter d'autres
pistes à étudier en amont, dont la sensibilisation des avocats et des
représentants du ministère public, qui contribuent intimement à cet état de
fait du nombre croissant des pourvois en cassation devant la Cour suprême de
par leurs démarches et positions. Un avocat devrait conseiller son mandant
quant à l'inutilité d'un pourvoi de cassation «infondée», afin de lui éviter
une longue attente vaine et des pertes d'argent. Ainsi que les représentants du
ministère, qui doivent bien peser leur décision avant d'engager le pourvoi en
cassation. Il est également à se demander pourquoi les justiciables contestent
presque systématiquement, pour ceux qui ont les moyens financiers ou s'endetter
pour d'autres, tous les jugements rendus par les tribunaux et cours à travers
les voies de recours, les appels devant les cours et les pourvois en cassation
devant la Cour suprême?