Le Ramadhan
arrive à toute allure et les prix des produits alimentaires l'ont déjà pris de
court et de vitesse et le pouvoir d'achat est non seulement aux abois, mais
s'est mu en oxymoron au grand dam de la langue chère
à Molière, mais aussi au préjudice des consommateurs qui sont déroutés par sa
chute libre. Figure de style récurrente et sans cesse ressassée dans les
analyses des économistes, les papiers des journalistes et les causeries des
citoyens lambda qui croient tenir là un bout de la science de gestion, le
pouvoir d'achat est sans nulle doute la figure de rhétorique la plus sournoise
et la plus perverse du (tiers) monde. Pouvoir acheter des produits de première
nécessité n'est plus dans les cordes pas uniquement des smicards, mais aussi de
la majorité de la population qui doit aussi en plus s'accommoder des retards
dans le versement de la paye, mais aussi du caprice des liquidités. Les gens ne
peuvent plus acheter la sardine, n'ont pas pu s'offrir la viande rouge depuis
belle lurette et le poulet qui s'éloigne lui aussi et prend des airs et de
l'altitude pour s'aligner sur cette même viande rouge qu'il coudoie d'ailleurs
dans les étals des bouchers. Pouvoir et achat ne font pas bon ménage dans les
poches trouées et ne s'assemblent que dans les portefeuilles des veinards qui
dépensent sans compter, qui se moquent royalement de la hausse ou baisse des
prix, ne lorgnent jamais du côté des soldes, ne fréquentent point les marchés
hebdomadaires et ne connaissent rien aux braderies. Plutôt que pouvoir d'achat,
il y a lieu désormais de parler d'(in)capacité
d'achat, le préfixe pourra ainsi aisément s'unir ou se désunir du mot base au
gré du cours du marché, mais également au gré des commerçants. Les
consommateurs seront quelque peu soulagés eux qui ont appris à tanguer comme
les chiffres que les commerçants n'ont toujours pas appris à afficher à raison
sans doute puisque il faut à chaque fois remplacer les affichettes sans que le
nombre qui y figure ne décroisse presque jamais. Un jour, on acquiert telle
chose à tel prix et le lendemain elle est cédée au prix fort sans crier gare.
Les clients qui ont pour habitude de calculer mentalement l'addition bien avant
que le commerçant n'en ai finit avec sa calculatrice,
s'en mêlent les pinceaux et confondent addition et multiplication tant les prix
varient rapidement. A défaut d'avoir une emprise certaine sur ce prétendu
pouvoir d'achat, il faut tout au moins le dégommer et lui substituer
(in)capacité, ne serait-ce que par égard pour la langue qui ne voudrait pas
qu'on malmène les gens en son nom. Quand le pouvoir d'achat baisse, il cesse
d'être un pouvoir et compte pour du beurre lequel a par ailleurs disparu du
panier du client faute d'un pouvoir d'achat digne du nom. A cette allure, les
couffins de Ramadhan vont eux aussi connaître une majoration semblable sinon
supérieure à celle des prix qui ont fini par lâcher le pouvoir d'achat et le
montrer sous son vrai jour.