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L'avant-projet de loi
organique relative au régime électoral élaboré par la commission Laraba encourage la création de nouveaux partis politiques
et les candidatures indépendantes et suggère ainsi la recomposition du champ
politique partisan en faveur du pouvoir en place.
Entre autres principes généraux énoncés par l'article 1 de ce texte, « (...), l'alternance au pouvoir (...) » et surtout « rendre effective la participation des citoyens et de la société civile, notamment les jeunes et les femmes, à la vie politique (...) ». Principes qui projettent la société civile au-devant de la scène politique alors que la loi relative aux associations ne le permet pas. Le professeur Ahmed Laraba, spécialiste en droit constitutionnel et président de la commission chargée par Abdelmadijd Tebboune depuis le 19 septembre dernier de réviser les lois électorales de 2016 et de 2019, n'a, à aucun moment fait cas de cette interdiction, bien au contraire. En présentant mercredi dernier au CIC son avant-projet à la presse, il a noté que sa commission a reçu 5 avis de la société civile alors que les lois de la république toujours en vigueur interdisent à cette dernière d'intervenir dans le champ politique. Les spécialistes en droit indiquent que « si pour la Constitution, tous les citoyens ont un droit de regard sur sa révision, pour toutes les autres lois, la société civile ne l'a pas ». A moins que les rédacteurs du nouveau texte «soumis à débat» s'attendent à ce qu'elles soient toutes révisées. Un des membres de la commission l'a d'ailleurs insinué en déclarant aux journalistes qu' «il ne faut pas saucissonner les textes de loi mais en faire une vue d'ensemble en associant la loi sur les partis politiques, le code des collectivités locales... ». Pour l'heure, aucune instance n'évoque la révision de tout l'arsenal juridique qui codifie l'acte politique, l'exercice du pouvoir et le fonctionnement des assemblées élues. Un code des collectivités locales qui n'a pas encore vu le jour alors que le pouvoir veut dissoudre APC et APW, est un exemple qui laisse perplexe. Les nouveaux maires ne sauront pas quelles sont leurs prérogatives, les moyens de financement de leurs activités et le champ d'action au sein duquel ils peuvent agir. Ce qui est évident c'est que la charrue a bien été mise avant les bœufs depuis que Nazih Benramdhan a été choisi par le président de la République pour sillonner le pays aux fins de réorganiser la société civile, voire la recréer pour en faire «une force de proposition» ou plutôt un vivier de candidatures devant être boostées pour participer aux prochains joutes électoraux. De nouveaux soutiens pour le pouvoir en place Et bien que la loi régissant les associations ne le permette, l'avant-projet de Laraba n'en tient pas compte et suggère la mise en avant de la société civile dont les acteurs sont en général issus du mouvement associatif. Autre disposition qui cache mal la ferme intention du pouvoir en place de reconstituer le champ politique partisan et de faire remplacer ses acteurs par des jeunes « indépendants » figure dans le chapitre 2 au titre du «financement et contrôle de la campagne électorale et référendaire». L'article 120 stipule dans ce sens que «Nonobstant les autres dispositions prévues dans la présente loi organique, en vue d'encourager les candidatures indépendantes des jeunes à participer à la vie politique, l'Etat prend en charge les dépenses de la campagne électorale inhérentes aux frais d'impression des documents, frais d'affichage et de publicité, frais de location de salles, frais de transport». Les jeunes candidats «indépendants» sont donc pris en charge à « 100% » comme précisé par la commission, par le Trésor public. Le législateur a formulé cette disposition sans l'entourer de garde-fous qui les obligeraient en cas de mauvaise foi, à ne pas se contenter de profiter de l'argent de l'Etat qui, faut-il le dire, ignore ainsi l'égalité des chances entre tous. La commission Laraba a tenu, par ailleurs, à exempter de la condition des 4% de voix, les partis politiques nouvellement créés. Il leur suffit d'apporter 250 signatures d'électeurs. « (...), dans le cas où une liste de candidats est présentée au titre d'un parti politique ne remplissant pas l'une des deux conditions citées ci-dessus, ou au titre d'un parti politique qui participe pour la première fois aux élections ou lorsqu'une liste est présentée au titre d'une liste indépendante, elle doit être appuyée par, au moins, deux cent cinquante (250) signatures d'électeurs de la circonscription électorale concernée pour chaque siège à pourvoir », stipule l'article 200 de l'avant-projet. La parité entre les femmes et les hommes est celle-là, une aberration qui vient fortement conforter celle contenue dans la loi 2019. Une disposition qui transforme les femmes en une catégorie de mineures devant être adoubées par les hommes pour pouvoir participer à la politique. « La liste présentée, sous peine d'être rejetée, doit tenir compte de la parité femmes et hommes et réserver au moins un tiers 1/3 des candidatures aux candidats âgés de moins de trente-cinq (35) ans, et qu'au moins le un tiers 1/3 des candidats de la liste aient un niveau universitaire» (Art. 189 alinéa 3). Cette obligation faite aux partis politiques de constituer leurs listes électorales, moitié femmes moitié hommes, le laisse en tout cas croire. Quand les autorités narguent les lois Il est connu que la femme algérienne en général n'est pas trop portée sur la politique mais plutôt sur les révolutions, les révoltes et les actes de bravoure, notamment quand il s'agit de protéger et de sauver le pays des mauvais démons internes et externes. L'on n'a, en effet, jamais entendu dire qu'un parti politique, le plus conservateur soit-il, a rejeté une quelconque candidature de femme pour toute assemblée élue. L'on se rappelle que Cheikh Nahnah, alors président du MSP, poussait ses militantes à convaincre les femmes journalistes, universitaires, intellectuelles de venir grossir les rangs de son parti et même siéger au sein du madjliss echoura. L'on se demande alors pourquoi décréter la participation de la femme aux élections en obligeant les hommes à aller la chercher parfois chez elle en lui agitant les avantages de pouvoir, d'influence, d'argent et autres que s'arrogent notamment les parlementaires mais aussi les élus locaux. Ce qui est une forme de corruption qu'aucune loi ne remet en cause. Le pire est que les hommes se sont très souvent permis de placer des femmes dans leurs listes électorales juste comme faire-valoir « légal ». La dernière anecdote « électorale » s'est passée le jour du référendum pour la Constitution. C'est une femme qui a fait publiquement un pied de nez aux autorités du pays en refusant de prendre le bulletin bleu du non. C'était l'actuelle ministre de la Solidarité sans que le président de l'ANIE n'a daigné juger que son vote est nul et ce conformément à la loi en vigueur. L'avant-projet Laraba vient lui rappeler que « le vote est secret » (Art 131). Et aussi que l'article 11 stipule que «l'Autorité indépendante fait état aux pouvoirs publics concernés, de tous dysfonctionnements ou manquements enregistrés, relevant de sa compétence, susceptibles d'influer sur l'organisation et le déroulement des opérations électorales et référendaires. Les pouvoirs publics concernés sont tenus d'agir dans les plus brefs délais en vue de remédier aux manquements et dysfonctionnements constatés et d'informer par écrit l'Autorité indépendante des dispositions et mesures entreprises». Au-delà de toutes les affinités que pourrait partager l'ANIE avec les membres du gouvernement Djerad, les manquements au droit de Laraba comme celui de Krikou et de Chorfi ne doivent plus être permis tant ils ont fait tache d'huile dans le processus référendaire pour la Constitution. |
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