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Le dernier rapport de l'historien
Benjamin Stora sur la colonisation et la guerre de
libération nationale interpelle en premier l'ensemble de la classe politique
française pour qu'elle se «réconcilie» avec sa propre mémoire», et ne s'agit
pas d'une «nouvelle version» de l'histoire» de la colonisation française en
Algérie, mais plutôt d'un «état des lieux mémoriel», selon des historiens
algériens.
Dans un entretien à l'APS, l'historien Mohammed Ould Si Kaddour El-Korso estime que le rapport de Benjamin Stora, remis mercredi au président français Emmanuel Macron, «avant d'être une feuille de route pour des négociations sur des sujets sensibles entre l'Algérie et la France dans la perspective d'une future réconciliation pas seulement mémorielle, mais aussi politique, stratégique, scientifique, économique, culturelle, etc..., interpelle d'abord l'ensemble de la classe politique française à se réconcilier avec sa propre mémoire». «Un effort de vérité est demandé aux plus hautes instances françaises appelées à reconnaître les crimes commis pendant 132 ans en son nom, plus particulièrement entre 1945 et 1962. Le même effort est demandé aux citoyens français qui doivent d'abord se réconcilier avec leur propre mémoire», poursuit l'historien, considérant que la «guerre des mémoires» est d'abord une guerre entre «mémoires françaises». De son côté, le sociologue et historien Hassan Remaoun souligne que ce rapport correspond à la commande faite par le président Macron et «il ne s'agit pas de l'élaboration d'une nouvelle version de l'histoire de la colonisation française en Algérie et de la Guerre de libération nationale, mais plutôt de la présentation d'un état des lieux mémoriel et des retombées que cela suscite dans les relations franco-algériennes», dont l'objectif est «d'assumer le lourd contentieux légué dans ce domaine par l'histoire et d'apaiser autant que possible les mémoires de tous les concernés», a-t-il ajouté, affirmant que Benjamin Stora «a essayé de jouer un rôle de facilitateur en proposant des voies et moyens susceptibles, notamment du côté français, d'aller dans cette voie». Sur la question de la reconnaissance de la France de ses crimes commis durant la période coloniale en Algérie, Hassan Remaoun soutient que des «excuses ou une repentance des Français ne rendraient pas justice à tout ce que notre peuple a subi», même si, estime-t-il, «une reconnaissance des crimes commis nettement affirmée pourrait contribuer à l'apaisement des relations entre les deux peuples». «Franchement, je pense que nous avons lavé l'offense coloniale en libérant de haute main notre pays et que notre honneur est sauf. C'est désormais l'honneur des Français qui est en jeu face aux crimes que les colonialistes ont fait peser sur leur conscience. Passer à la phase de la demande du pardon ou de l'acte de reconnaissance des crimes coloniaux commis se fera lorsqu'ils se sentiront prêts pour un pareil acte de courage!», a déclaré l'historien à l'APS. Pour Mohammed El-Korso, le rapport Stora constitue une «avancée», par rapport aux positions de la classe politique française qui «ont prévalu au lendemain du recouvrement de la souveraineté nationale de l'Algérie et qui prédominent jusqu'à ce jour au niveau de certains cercles qui font preuve d'une grande crispation dés qu'il s'agit de la colonisation de l'Algérie et de Guerre de Libération nationale». Il ajoute que ce rapport n'a été possible que parce que les Algériens «n'ont jamais cessé depuis l'occupation, en passant par le mouvement national, la Proclamation du Premier Novembre et l'exercice de leur souveraineté, de revendiquer le droit imprescriptible à leur Histoire d'où l'ancien colonisateur les a exclut, leur causant un préjudice irrémédiable». La justesse de cette revendication, «ignorée puis minorée, semble prendre le chemin qui est le sien» grâce à une «prise de conscience» des présidents de la république française depuis la fin des années 1990", souligne l'historien. «Même s'il ne sous-estime pas la complexité d'une pareille question, Stora, lui-même, considère qu'une avancée pourrait être possible, comme il y a pu en avoir quelques-unes dans le passé», a déclaré M. Remaoun, ajoutant que le rapport aux mémoires n'implique pas seulement les Etats mais aussi «des segments très diversifiés dans chacune des sociétés concernées, avec des opinions parfois très clivantes dans chacun des pays concernés». L'historien Hassan Remaoun estime que l'émergence de nouvelles générations qui «renouvellent les questionnements et les projets de société, et le travail d'accumulation des connaissances opéré par les historiens à partir de postures critiques et méthodologiquement fondées» peuvent prêter à l'optimisme et ce, même si «les effets ne se font pas sentir dans l'immédiateté». Ce qui explique, selon lui, le fait que l'apologie de la domination et de l'idéologie coloniale est partout battue en brèche. M. Remaoun pense également qu'avancer dans la résolution des problèmes légués par le passé est «profitable pour les deux pays». A la question de savoir s'il y a un profit à tirer pour l'Algérie de ce rapport sur la mémoire, le professeur Hassan Remaoun a répondu par l'affirmative, mais avec la condition de «ne pas considérer que le problème sera complètement résolu sans les questions de mémoire», estimant qu'il faudra toujours «laisser du temps au temps, surtout avec un contentieux aussi lourd que celui légué par la colonisation et ses méfaits». L'Algérie, affirme-t-il, «n'est malheureusement pas la seule concernée par la question, même si nous nous considérons et sommes considérés par d'autres comme un cas emblématique». Concernant les différents points soulevés dans le rapport Stora qui reflètent «le point de vue français», selon Mohammed Ould Si Kaddour El-Korso, ce dernier considère qu'il y a «certes bien des questions qui sont passées à la trappe et qui seront soulevées et débattues en leur temps par la partie algérienne». Hassan Remaoun pense, lui, que «d'importantes questions ont été posées dans ce texte et c'est le cas notamment pour celle portant sur les archives et la question de la reconnaissance de la tragédie subie par les Algériens». Et de conclure que c'est une «négociation qui est en cours et le tout est de savoir en fixer les objectifs et les étapes à traverser». «Il faudra de même mobiliser toutes les ressources nécessaires pour la mener au mieux!», a-t-il suggéré. |
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