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Alors
qu'un remaniement voire un changement de gouvernement, conséquence directe de
la déclaration d'Abdelmadjid Tebboune qui a estimé «
qu'il y a eu dans l'action gouvernementale des aspects positifs et d'autres
négatifs », était attendu ces jours-ci, aucune annonce n'a été faite en
l'absence du chef de l'Etat.
Le suspense reste entier, même si à partir des observations émises lors du Conseil des ministres du 3 janvier en cours, l'on peut déduire que plusieurs départements ministériels devraient être touchés : - celui de l'Intérieur et des Collectivités locales à travers la gestion du dossier des zones d'ombre dans certaines wilayas. - le secteur des Ressources en eau qui a été critiqué suite à «la poursuite du phénomène d'approvisionnement en eau par les méthodes rudimentaires, une tragédie dont des enfants ont été victimes». - Le département des Finances dont le système bancaire reste «le point noir qu'il convient de revoir, par un travail d'inspection au niveau de toutes les banques, notamment en ce qui concerne la transparence dans l'octroi de crédits». Il en est de même concernant l'administration des Douanes qui doit procéder à l'accélération de la numérisation afin de lutter contre la surfacturation et d'absorber les fonds circulant dans le marché parallèle». - celui de l'Agriculture. Ne cachant pas son mécontentement, le président Tebboune a ordonné «l'ouverture d'une enquête sur l'affaire d'importation de blé avarié de Lituanie, et chargé le ministre des Finances de procéder à un audit au sein de l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC)». - Le ministère de la Santé, en raison notamment du retard enregistré dans le lancement, en janvier courant, de la campagne de vaccination contre la Covid-19. - Le chef de l'Etat ne semble pas également satisfait des «performances» du secteur du Numérique et des Statistiques, de celui de la Pêche et de celui de la Culture. Ceci étant dit, sur quel gouvernement va s'appuyer Abdelmadjid Tebboune pour commencer à mettre en œuvre ses 54 engagements électoraux? Il aura certainement un mandat limité à la gestion des affaires du pays, jusqu'à la tenue d'élections législatives dans les plus brefs délais. Au delà des nouvelles personnalités qui doivent composer ce gouvernement idéal, l'Algérie selon les experts, a déjà besoin aussi d'une nouvelle structure gouvernementale au lieu des 39 membres qui la composent actuellement. A savoir se doter de 10 ministères uniquement et de 15 secrétaires d'Etat et ce afin de réduire les dépenses onéreuses qu'impose l'actuelle lourde machine bureaucratique. Il est par exemple suggéré de créer des super-ministères regroupant plusieurs portefeuilles comme le ministère de l'Economie qui regroupera un secrétariat à l'Industrie et l'investissement et un autre dédié au Commerce au lieu de laisser ces secteurs dans deux ministères différents. Et pourquoi pas un Ministère de la Décentralisation et de l'Intérieur !(*) Ce sont les grandes régions, dit-on, qui font aujourd'hui les grands pays industrialisés et qui assurent une intégration intelligente des facteurs nécessaires au développement durable. Plutôt que d'avoir 50 walis, 50 rois, 50 princes ou 50 dictateurs avait dit en son temps, l'éclairé Salah Boubnider, il vaut mieux penser à créer entre 5 et 10 régions se complétant sur le plan économique, social et culturel et capables de mutualiser leurs moyens et leurs potentialités ! Notons déjà que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune à travers son programme contenu dans ses 54 engagements a évoqué : 1. La promotion d'une démocratie participative où le citoyen sera acteur et finalité de l'action publique à travers un dialogue collaboratif et un échange constant entre les collectivités territoriales, les citoyens, les associations, les entreprises et autres acteurs locaux, pour l'identification des problèmes et l'évaluation des politiques publiques. (7e engagement) 2. Une refonte totale de l'organisation territoriale et du fonctionnement de l'administration locale à travers des réformes qui définiront mieux les prérogatives et les compétences respectives de l'Etat et des collectivités territoriales dans une approche de complémentarité (nouveau découpage administratif en phase avec les nouvelles réalités du pays) (9e engagement). Après une année difficile, le chef de l'Etat va, selon toute vraisemblance, donner plus de visibilité à l'action de son Exécutif à travers de nouveaux profils plus consistants. Gouvernement bien entendu sans accointances politiques ; il ne peut en être autrement dès lors que le président Abdelmadjid Tebboune s'est présenté aux électeurs en tant que candidat indépendant ! Le président de la République va-t-il par exemple : 1. puiser encore une fois dans le corps des walis pour nommer ses ministres? 2. faire confiance aux technocrates ? 3. faire une sélection à partir du fichier de la société civile ? 4. s'en remettre aux « rares » partis politiques qui l'auraient soutenu dans sa campagne ? 5. ou les recruter sur Internet parmi les citoyens de son pays, comme à voulu le tenter Adel Abdel Mahdi, l'ancien Premier ministre Irakien ? S'agissant des walis promus ministres, il faut le rappeler, ils n'ont pas été à la hauteur des attentes, à voir globalement leurs bilans et pour certains les graves dérives dont ils ont été les auteurs ! De là à prétendre que la filière de ces hauts fonctionnaires reste, malgré tout, un vivier de compétences et les affubler du titre de «technocrates», alors qu'ils ne sont que des grands commis de l'Etat qui ont, pour la plupart, «touché à tout», sans être pour autant des experts dans un domaine précis, c'est aller vite en besogne ! Rappelons justement que dès l'annonce du gouvernement actuel, les observateurs se sont précipités à parler d'un «gouvernement de technocrates». Evidemment, ce n'était pas vrai, même si certains ministres, pouvaient s'en revendiquer. Précisons toutefois que dans un gouvernement de technocrates, ce sont ces derniers qui décident de tout et restent impuissants devant les problèmes de société ! L'idée d'une technocratie demeure pourtant hypothétique, même si des nations ont, par le passé, été considérées comme soumises à une forme de gouvernement d'experts. Pour fermer la parenthèse, «le phénomène semble aussi facile à expliquer que la théorie de la relativité d'Einstein», expliquait un politologue. Mais sinon, un gouvernement politique à 100% est-il envisageable pour 2021? Même s'il s'évertue à marteler qu'il a été élu en étant candidat indépendant écrivait un chroniqueur, Abdelmadjid Tebboune sera amené tôt ou tard à s'entourer de figures et de partis politiques pour mettre en œuvre son programme. Aussi se bousculent-ils déjà devant sa porte pour lui apporter leur soutien et afficher leur disposition à prendre part au dialogue auquel il a appelé. Sauf que ce beau monde, déjà trop marqué, rappelle le règne et la méthode Bouteflika. Opter pour un gouvernement exclusivement politique, une équipe de spécialistes indépendants, ou une formule mixte, c'est-à-dire un cabinet techno-politique appelé à contenter à la fois, si cela est possible, les milieux politiques, les investisseurs et entrepreneurs honnêtes et aussi et surtout les contestataires du «Hirak béni», c'est aussi une autre possibilité qui échoit au président de la République. Bref, autant de questions qui préoccupent les observateurs de la vie politique, tout comme la désignation du Premier ministre qui reste du ressort exclusif du président de la République, ce qui élimine tout suspense quant à celui qui conduira l'Exécutif, contrairement aux ministres qui composeront son staff. Justement, qui pourrait être l'homme à qui le président Abdelmadjid Tebboune confierait les rênes de son exécutif et dont le nom sera dévoilé prochainement ? Il devrait cumuler l'ensemble des pré-requis comme : 1. une forte personnalité et un esprit indépendant (l'un ne va pas sans l'autre) ; 2. une intégrité morale au-dessus de tout soupçon ; 3. une connaissance intime des questions économiques, sociales et financières ; 4. une grande capacité à mobiliser les ressources humaines auxquelles il ou elle devra s'adosser pour engager des réformes de structure indispensables, sans cesse différées depuis 40 ans. Le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, cumulant l'ensemble de ces critères a été le premier choix de Tebboune, jusqu'à présent, même si, une année après cette nomination et sept mois après le premier remaniement ministériel, il est encore difficile de définir l'état des relations entre les deux hommes. Bien que le Président ait relevé l'existence de points négatifs dans l'action du gouvernement, rien ne dit qu'il ciblait par ses propos le Premier ministre. Comme rien de ce qu'a affirmé, jusqu'à présent, le chef de l'Etat, ne laisse penser qu'il compte garder son Premier ministre. La grande question est de savoir s'il restera ? Aujourd'hui l'autre personnalité qui vient à l'esprit et qui réunit toutes les qualités pour permettre à notre pays de traverser, avec le moins d'encombres, les épreuves qui l'attendent et au président Abdelmadjid Tebboune de concrétiser ses 54 engagements électoraux est indéniablement Ahmed Benbitour. Ahmed Benbitour est resté huit mois à peine à la Primature, avant de démissionner, lorsqu'il lui apparut clairement que sa conception de l'Etat et de l'intérêt général était aux antipodes de celle d'un Président de la République résolu à détruire ce pays, objectif qu'il a hélas largement atteint. Abdelmadjid Tebboune en temps que premier ministre, n'a pas fait long feu lui aussi pour presque les mêmes raisons ce qui a fait dire à nombre d'Algériens qu'il y a, forcément, des atomes crochus entre ces deux hommes politiques. Beaucoup l'espèrent, croyant dur comme fer que ce binôme mènerait à coup sûr le pays à bon port dès lors qu'ils auraient aussi en commun la même vision d'une économie plutôt libérale et aussi la volonté ferme de lutter contre la corruption et de rapatrier, coûte que coûte l'argent détourné par les oligarques véreux et les délinquants «en col blanc » qui étaient au pouvoir ! Des atomes crochus, il en reste aussi entre Tebboune et Djerad! Ce dernier n'est pas impressionné par l'ampleur de la tâche, qui ne lui a pas été facilitée par la double crise sanitaire et économique. Jusqu'à preuve du contraire. il bénéficie d'un privilège rare en ces temps mouvementés, la pleine confiance d'Abdelmadjid Tebboune, avec lequel il était resté en contact après son limogeage, en août 2017. Le dilemme du Président Choisir un nouveau gouvernement et partant un nouveau premier ministre, a fortiori avant les élections locales et législatives, reviendrait pour le président de la République à trancher une épineuse interrogation: 1. S'agit-il de donner plus de poids politique à l'exécutif, au risque de favoriser les ambitions du premier ministre ? 2. Ou s'agit-il de ne pas se faire trop d'ombre? Le président de la République vit dans une contradiction: car si aucune tête ne dépasse, c'est lui qui porte tout le poids de la crise qui va s'aggraver. Mais s'il nomme quelqu'un pour en porter le poids, il sera au second plan, Et contrairement à Ahmed Benbitour qui semble-t-il aurait émis par le passé, des exigences pour s'installer au Palais du gouvernement, Abdelaziz Djerad accepterait de nouveau, de porter « La tunique de Nessus », même si sa marge de manœuvre est limitée par la situation économique et financière du pays qui risque de perdurer. (*) Un ministère de la décentralisation et de l'intérieur pour une meilleure gouvernance locale par Cherif Ali (Le Quotidien d'Oran , le 05/03/2020. |