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Sur fond d'un budget de «crise»: L'APC d'Oran s'en prend à la trésorerie et réclame plus de fiscalité

par Houari Saaïdia

Les contrats-programmes sont devenus un véritable étau pour la commune d'Oran, qui souhaite s'en débarrasser. Boukhatem a été tranchant : «Notre commune gagnerait à se passer des EPIC et à compter sur soi-même. Nous ne pouvons plus continuer dans cette illogique de gagnant-perdant. A l'égard des créanciers publics qui nous tordent le bras, nous appliquerons le principe de réciprocité».

Réaliste, cependant, l'APC d'Oran se sait incapable de bouleverser l'ordre établi, tant la souveraineté du Conseil municipal semble être un vain mot. Mais il y a des limites. L'ambiance électrique et le ton grave du Conseil exécutif, tenu jeudi au cabinet du maire, boulevard la Soummam, sont entre autres signes annonciateurs d'un changement à venir. D'un passage à l'acte. En des termes à peine voilés, Noureddine Boukhatem a, en effet, lui-même reconnu que la politique du «stand-by» et du «wait and see» n'a plus le droit de cité dans ce contexte financier extrêmement délicat. C'est que, d'après lui, les partenaires publics de la Collectivité d'Oran, au premier rang desquels figurent les établissements publics prestataires de services pour le compte de la commune via des contrats-programmes, n'ont fait montre d'aucun signe de changement et semblent, tout au contraire, se complaire dans le statu quo qui leur garantit des gains très faciles sur le dos du bon client qu'est l'APC. Le malaise ne date pas d'hier. Cela fait plus de huit ans que la commune ne cache plus son insatisfaction quant à ses conventions signées, bon gré mal gré, avec des EPIC départementales mises en place au nom de l'amélioration du service public, presque selon le même scénario à la SEOR qui a vu cette nouvelle société par actions s'approprier en 2008-2009, sans aucun acte de transfert ni formalité aucune, le parc roulant municipal et autre matériel et locaux de la DHA, la DVC et la DTNM, lesquelles structures municipales ont servi de faire-valoir pour l'intérêt suprême de la wilaya.

Contrats-programmes APC-EPIC : un choix imposé

Mise à mal par des conventions «public-public» qui lui pompent la trésorerie en contrepartie de services surfacturés, l'APC n'en peut plus, aujourd'hui, elle qui peine à couvrir même sa propre masse salariale. Or, la solution au problème -c'en est un à l'heure actuelle- ne doit pas être radicale, en effaçant tout, en optant pour la résiliation -si tant est que cela soit pratiquement faisable- qu'elles qu'en soient la forme et la voie. L'équipe de Boukhatem en est bien consciente. Sa démarche n'a pas pour vocation d'annihiler ce partenariat, qui lui a été d'ailleurs imposé par cette même tutelle autoritariste qui a usé des moyens communaux pour le sevrage d'entités créées «ex nihilo», mais a pour but d'en rationaliser l'impact financier. Et il est devenu handicapant, celui-là, pour la bonne marche de la commune d'Oran, à en juger du poids des dettes qui pèsent sur les frêles épaules de celle-ci. D'où cette décision annoncée par le maire lors du Conseil exécutif : l'installation d'une commission de vérification et de contrôle des dettes communales. Comprenant entre autres membres, le SG, le DRG, la directrice des Finances, le délégué aux Finances, l'avocat-conseil de l'APC assisté par un huissier de justice, cette commission a pour tâche principale de passer au peigne fin toutes les factures de vente de biens ou de service et autres pièces comptables transmises pour paiement auprès de la commune par les différents créanciers, au premier rang desquels figurent les EPIC «Oran Propreté», «Ermes Oran», «Oran Vert» et «Oran CET». «Notre commune veut compter ses sous», tonne Boukhatem, annonçant dans la foulée que son service de contentieux est déjà sur le pied de guerre.

Une commission pour éplucher les dettes des EPIC créancières

Mais le premier magistrat de la ville sait que cela ne suffit pas. Loin s'en faut. Il faut d'abord recouvrer ses sous. Là, dans ce registre, la tâche paraît bien plus ardue. C'est que là, plus qu'ailleurs, le mal est profond, complexe. «Des mauvais payeurs parmi les locataires de nos biens jouissent de la couverture de certains responsables communaux. Se sentant immunisés, ils ne s'inquiètent pas d'avoir une lourde ardoise parce qu'ils se savent être dans les bonnes grâces de certains gestionnaires», a reconnu le maire. Ce mal est endémique de la plus grande commune du pays, en matière de capitalisation du patrimoine, Boukhatem l'incombe à «des dysfonctionnements internes aggravés par certains agissements sournois». Le fait est là : considéré comme étant riche de par son sommier de consistance, Oran est pauvre de par ses recettes. Cette réalité amère, l'Exécutif communal ne s'en est pas détourné, jeudi. Il s'y est attardé. Et comme d'habitude, la trésorerie communale a été prise dans un tir croisé. Car c'est là où gît le lièvre, aux yeux des communaux. Au bout de compte, le coup de boost opéré par la commune d'Oran fin2018-début 2019, dans le segment du recouvrement des recettes au titre de ses produits domaniaux, notamment, aura eu des effets fort positifs mais éphémères. La pandémie du Covid-19, avec ses conséquences désastreuses en matière de recouvrement au profit de la trésorerie communale, peut-elle, à elle seule, expliquer cette chute libre des recettes après une ascension soutenue induite par de courageuses délibérations communales touchant un large éventail de droits et taxes ? Prendre pour seul responsable le coronavirus dans cet état de fait, c'est occulter les nombreuses tares caractérisant le système de recouvrement. Un système obsolète, stéréotypé, allergique au changement.

Les recettes patrimoniales en chute libre

Il y a près de 2 ans, la commune a fait des mains et des pieds pour améliorer ses recettes, qui demeuraient jusque-là en deçà de son potentiel et de ses perspectives et après le renforcement du recouvrement, l'actualisation des loyers et autres droits domaniaux, l'instauration de nouveaux droits et la concession de nouveaux espaces, l'équipe de Boukhatem envisageait alors d'agir sur un autre levier : la fiscalité. A l'instar de toutes les communes du pays, Oran est totalement tributaire de la redistribution de la fiscalité ordinaire, soit un taux de 20%. La commune d'Oran n'échappe pas à cette situation. L'Algérie dispose d'une mosaïque d'impôts. Et ils sont au nombre de 30. Toutefois, il y a des inadéquations entre cette redistribution et les missions attribuées aux communes.

Pire, il y a des taxes et des impôts qui ne sont point recouvrés par les APC, à l'image de la taxe sur l'assainissement, la taxe foncière. Cette dernière est considérée, par excellence, comme l'impôt fondamental. Depuis le changement des prérogatives des services extérieurs du Trésor, les impôts ne recouvrent pas les redevances qui ne leur sont pas directement dus ou qui ne constituent pas des recettes pour le budget de l'Etat. Il n'y a que 10% de la taxe foncière qui est recouvrée. «A quoi cela sert d'instaurer des taxes si elles ne profitent pas des communes ?», s'interroge un vice-président de l'APC d'Oran.