|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Dès l'achèvement
de sa mission en tant qu'archevêque d'Alger en 2008, après vingt ans à la tête
du diocèse d'Alger, Mgr Henri Teissier rentre à Tlemcen pour s'installer au
monastère St Benoit situé au quartier résidentiel de Birouana(sud) où il crée une
association culturelle qu'il baptisa «Dar Es Salam». «Il a confié à des amis
qu'il a préféré s'éloigner un temps de la capitale afin de ne pas faire de
l'ombre à son successeur, à l'évêché, en l'occurrence le Jordanien le père Ghaleb Bader du Patriarcat latin.
L'ex-archevêque émérite d'Alger troquera la soutane de prêtre contre un habit «civil» d'homme de culture en paraissant à l'occasion d'évènements culturels comme invité d'honneur ou à titre de conférencier. «Octogénaire, l'homme avait gardé une grande agilité physique et intellectuelle. On l'apercevait parfois, à la fin de la journée, au volant d'une voiture cabossée par les aléas de la route, emprunter la petite voie sinueuse qui grimpait jusqu'au monastère, au quartier de Birouana, ou bien au centre-ville, marcher d'un pas alerte, un cartable d'instituteur à la main... Au cours de son séjour à Tlemcen, Mgr Teissier s'est volontairement forcé à l'anonymat, n'attira l'attention d'aucune autorité, mais il ne refusa jamais une main tendue et encouragea les jeunes qui voulaient construire leur pays...», selon notre confrère Amine Bouali. «Régulièrement, il rejoignait la petite assemblée studieuse qui se tenait, chaque vendredi, qui avait accueilli, à la fin du 15ème siècle, la retraite spirituelle du grand savant mystique Cheikh Senouci. Lorsque l'Adhan de l'Asr le surprenait dans ce lieu béni, il se retirait provisoirement, tandis que ses hôtes accomplissaient leur prière commune, et plongeait de son côté dans une méditation émaillée de questions décisives. Mgr Teissier maîtrisait la langue arabe à la perfection et n'hésitait pas à citer à l'occasion un verset du Coran, notamment la sourate El Kaf qu'il appréciait particulièrement», une sourate par laquelle s'ouvre invariablement la séance académique animée par Si Mohammed Baghli. Dans ce sillage, un débat s'enclencha en sa présence à la suite de la découverte en Turquie en février 2012, d'une Bible vielle de 1500 ans, en l'occurrence l'Evangile de Barnabé qui annoncerait la venue du Prophète Ahmed (QSSL)... Mgr Henri Teissier avait été un vendredi 28 mai2010 l'hôte de la khalwa Cheïkh Senouci, ermitage sis à derb el Moqbi, voisine de la demeure du non moins illustre Sid Ahmed Tidjani, lovée au sein de la vieille médina.Il assista à cette occasion à une séance de lecture d'un extrait des « Foutouhat el mekkia » d'Ibn Arabi proposée par le Pr Baghli Mohammed, chercheur en legs universel. L'ecclésiastique évoqua à cette occasion un curé du nom de Père Poggi qui fut le prédécesseur de l'abbé Alfred Bérenger, militant et ami de l'Algérie, enterré dans le cimetière chrétien d'El Kalaâ inférieure(Tlemcen) où il repose en paix(depuis novembre 1996). Rappelons qu'une conférence sur la vie de ce dernier avait été donnée en octobre 2009 au siège de l'association Dar Es-Salem par son ami, M. Ahmed Benchouk, ancien membre du MALG, ex-wali de Béjaïa et ancien directeur de l'Ecole nationale d'administration d'Oran, au siège de l'association Dar Es-Salem. Après la khalwa, Mgr Tessier était l'invité d'honneur le lendemain(samedi 29 mai 2010) de la section locale de l'association Cheïkh Alaoui pour l'éducation et la culture sise à derb el haddadine(rue des forgerons), voisine de la mosquée Ibn Merzouk dite Djama' el kerma, à l'occasion de la journée d'étude sur le soufisme à Tlemcen organisée par cette dernière à la maison de la culture Abdelkader Alloula. «Les dimanches, il rejoignait tranquillement le presbytère attenant à l'ex-église Saint-Michel(aujourd'hui bibliothèque de lecture publique) sise à la place Kairouan, pour présider la messe avec des étudiants africains de confession chrétienne qui poursuivaient leurs études à l'université. Une fois, pendant son séjour à Tlemcen, il se rendit à Montréal pour donner une conférence sur l'Emir Abdelkader...», d'après un article de Bouali. Dans ce contexte, un incident survint en décembre 2008 à Maghnia, évoqué dans une interview de Mohamed Mehdi Cheriet avec Mgr Henri Tessier, paru en 2009 sur «Les cahiers de l'Orient», dont nous vous livrons un passage y afférent : MMC : Le 30 janvier 2008, le Père Pierre Wallez, du diocèse d'Oran, a été condamné à un an de prison avec sursis par le tribunal de Maghnia, pour avoir prié, un mois plus tôt, avec des immigrants camerounais «hors d'un lieu de culte». Un médecin algérien a été condamné à deux ans de prison ferme pour «avoir utilisé des médicaments du dispensaire public», des médicaments que l'Eglise affirme avoir payés. Nonobstant la question religieuse n'y a-t-il pas en toile de fond le problème des migrants sub-sahariens ? Mgr H.T :L'exemple que vous citez nous prouve bien qu'il y avait, quelque part, la volonté de porter tort à l'Eglise catholique. Les visites que certains d'entre nous faisaient à ces migrants existaient depuis plus de trente ans. Le Wali de Tlemcen en avait été informé, dès le début, par l'évêque du lieu, ainsi que la gendarmerie. Il suffisait de nous prévenir que de telles visites n'étaient plus possibles pour que nous soyons amenés à revoir notre attitude avec les autorités responsables. Au lieu de cela le choix a été fait d'arrêter le prêtre qui faisait ces visites humanitaires et pastorales, de le garder pendant trente heures en interrogatoire dans la gendarmerie de Maghnia, puis de lui faire un procès à lui et au médecin algérien musulman et bénévole qui l'accompagnait. Et le motif du procès n'était pas qu'il s'agissait d'une visite à des migrants, mais d'un culte non autorisé par l'ordonnance du 26 février. En réalité il n'y avait pas eu, d'ailleurs, de culte, mais une simple visite avec une prière au lendemain de Noël. Il est clair que certains milieux voulaient prendre en faute l'Eglise catholique d'Algérie. Lors du colloque qui s'était tenu les 30 et 31 mars 2011 sous l'égide de l'UABT au sein de l'auditorium de la faculté de médecine Dr Benaouda Benzerdjeb de Tlemcen autour de «L'Islam, l'orientalisme et le dialogue des cultures», Mgr Teissier présenta une communication intitulée «Mohammed Bencheneb entre authenticité et orientalisme», à travers laquelle il exhumera toute la biographie de l'illustre érudit algérien :«La communication entre les cultures et les civilisations passe à travers des médiateurs capables de représenter l'héritage culturel et humain de leur peuple au-delà des frontières de leur univers civilisationel. A la fin du XIX ème siècle et au début du XXè siècle, Mohammed Bencheneb, originaire de Médéa, a été l'un de ces»passeurs»», dira l'homme de culte. Et de souligner. «A travers lui, c'est la culture maghrébine originelle(asila) qui faisait signe dans le cercle fermé de l'orientalisme (istichrâq) européen et délivrait un message...». Bénéficiant d'une double culture celle, arabo musulmane, de ses origines et , française, de sa formation, il a pu proposer une soixantaine d'œuvres ou d'études qui faisaient connaître, en français et en arabe, le patrimoine arabo musulman. Les spécialistes de son époque (René Basset, Alfred Bel, William Marçais, Levy Provençal...) ont reconnu sa compétence en l'accueillant comme premier algérien titulaire de la chaire de littérature arabe à la faculté des Lettres de l'université d'Alger, succédant à son maître René Basset(1924). Ses collègues l'ont aussi délégué pour les représenter au congrès international des orientalistes de son époque(Alger-1905). Cet érudit était polyglotte puisqu'il maîtrisait outre l'arabe, le latin, le français, l'allemand, l'espagnol et l'italien. Mohammed Bencheneb, qui sera le gendre l'imam Kaddour Ben Mostefa, est né le 26 octobre 1869 à Takbou (Médéa) et décédé le 5 février 1929 (à l'âge de 60 ans) à Alger où il repose aux côtés de Sidi Abderrahmane Taâlibi...Par ailleurs, l'ouvrage « Anthologie des Mawaqifs de l'Emir Abdelkader le soufi de l'Ecriture» du Dr Hikmet Sari Ali,président du club de culture soufie de Tlemcen, a été préfacé par Mgr Henri-Teissier ex-archevêque émérite d'Alger (éditions AGM Pub, Tlemcen 2011). Il parait aux côtés de l'ambassadeur de France à Alger, M. Xavier Driencourt et le directeur de l'IFT David Queinnec , à l'occasion de la tenue des journées culturelles françaises organisées en octobre 2011 dans le cadre de la manifestation de 2011 «Tlemcen, capitale de la Culture islamique». Le défunt était parmi les invités de marque à l'occasion de l'ouverture du nouveau centre des études andalouses d'Imama en juin 2012, à la faveur d'une grande exposition en 3 parties : «L'âge d'or des sciences en pays d'Islam», «Sur les traces des Andalous» et «Les manuscrits scientifiques du Maghreb». D'autre part, on le voit sur une photo dans la revue Djazaïr 2003 à El Mouradia, en compagnie de Kamel Malti, un spécialiste de St Augustin et Mahmoud Bouayed, conseiller à la présidence. Le défunt aurait été même vu un vendredi au lieudit Blass lors d'une marche du hirak. Sympathie, curiosité ou simple coïncidence ? Il convient de signaler qu'une communauté ecclésiastique restreinte est installée à Tlemcen, outre l'ex-archevêque émérite d'Alger, Mgr Henri Teissier, le père Gérard du presbytère de Ghazaouet, les trois sœurs missionnaires de Notre-Dame-des Apôtres, en Algérie, Bernadette Laengy et Marie Claude Sohier (Françaises) et Flora Ferrario (Italienne) résidant à Hennaya, (ex-Eugène Etienne)...La culture du vivre-ensemble qui est bien ancrée à Tlemcen n'est pas un vain mot ni une vue de l'esprit. A souligner que l'abbé Alfred Berrenguer, l'Algérien humaniste, l'ami de la Révolution algérienne, repose en paix au cimetière chrétien d'El Qalaâ inférieure (Tlemcen) où il fut enterré en 1996 suivant son vœu. Profondément attaché à l'Algérie, Mgr Henri Teissier qui est né le21 juillet 1929 à Lyon habitait à Alger depuis 1947 ;il avait obtenu la nationalité algérienne en 1965. Rappelons que l'ancien archevêque d'Alger est décédé ce mardi(1er décembre 2020) à Lyon (France) à l'âge de 91 ans. Il sera enterré, comme il l'avait voulu, en Algérie, sa terre adoptive, selon Mgr Paul Desfarges, archevêque émérite d'Alger, l'actuel archevêque d'Alger. |
|