Dès la réouverture des cafés, bon nombre de gens ont
exprimé leur soulagement, sans le dire ouvertement. Et pour cause, ces
établissements commerciaux gardent leur vocation d'espaces publics où nombreux
s'y rendaient, plusieurs fois par jour, rien que pour « tuer le temps », en
grillant une cigarette et sirotant un café chaud, de chez ?Ghoul',
le cafetier du coin. Car le café reste un endroit privilégié, qu'on le veuille
ou non, par défaut le café, creuset de toutes les franges sociales, là où pour
certains retrouvent cette chaleur humaine qu'on n'a pas ailleurs, une
promiscuité, pas du tout gênante, autour d'une table pour parler de tout et de
rien, à la fois.
Dans ces villes de l'Algérie profonde, l'heure n'est
pas à la réflexion, on discute en voyant passer le temps. On fuit ces cités
dortoirs, pour venir s'entasser dans les cafés, même le coronavirus n'est plus
à l'ordre du jour, les masques de protection de la pandémie se font rares, un
air frisquet dehors pousse les gens à se mettre à l'abri et où, dans un café !
En cet automne, Tébessa ronronne dans une léthargie endémique, peu de choix
pour sortir de l'ornière, c'est toujours l'image d'une cité peu pourvue en
moyens de divertissements et de détente, le premier visiteur vous le dira,
quelques petits commerces tout autour de la place Carnot, les uns encastrés aux
autres, la vie coule au rythme des journées fades ; on se regarde tels des
chiens de faïence, le regard perdu, sans savoir quoi faire de son temps.
Peut-être virer du côté du marché couvert des légumes et fruits, histoire de se
dégourdir les jambes, ou encore aller sans but, dans l'une des ruelles de
l'ancien-ville, peut-être notre envie nous conduira jusqu'à Bab
Zouatine et son voisin Bouhaba,
aux senteurs exotiques des épices et denrées du terroir. Pendant ce temps mon
compagnon me parla de l'envolée des prix des légumes et volailles ; «comment se
fait-il que le prix du poulet passe de 190 à 320 DA le kilo, en seulement
quelques jours, combien sera-t-il àla fête d'El Mawlid Ennabaoui ? » lui le
retraité que sa maigre pension n'arrive plus à couvrir ses dépenses. La fumée
des cigarettes envahit la salle du café, les habitués du coin sont toujours là,
la pendule continue d'égrener les minutes, puis les heures, il est presque
midi, le lieu commence à se vider de sa clientèle. Chaouki
range ses freins, en pensant à l'après-midi, le temps de nettoyer le parterre
et essuyer les tables. On vous le dit « le café populaire est la rencontre de
toutes les sensibilités, c'est ici qu'on redécouvre notre âme de gens humbles
». L'écrivain public de service quitte, lui aussi, le l'endroit, au revoir à
bientôt !