Chez nous,
comme presque partout dans le monde, le sport-roi qu'est le football est
incontestablement sensationnel. Il est sensationnel non pas pour les prouesses
techniques de nos footballeurs, mais pour d'autres prouesses qui ont lieu
ailleurs que sur le rectangle vert. Celles des agents des joueurs, des
présidents des clubs, des responsables du football national en général, mais
aussi des supporters. Il y a d'abord les prouesses mercantiles qui font saliver
joueurs, agents et présidents; on se bouscule pour la
vente et l'achat des joueurs à chaque mercato, on
s'épie et se dispute les perles rares. Pour le grand bonheur de tous ceux qui
interviennent dans la transaction, il y a deux mercatos
durant la saison; celui d'hivers et celui de l'été qui
est autrement plus durable et plus rapporteur. Les manchettes des journaux
spécialisés et non spécialisés s'emparent des informations vraies ou fausses
qui placent tel joueur dans tel ou tel autre club, annoncent la somme requise
pour la cession de telle pépite prometteuse et le salaire mirobolant, 200 fois le
SMIG, de tel autre joueur dont l'expérience et le bref passage en équipe
nationale ont fait monter la cote au-delà des attentes. Les séances de
présentation des nouveaux joueurs jonchent la une des quotidiens sportifs,
jalonnent le quotidien des clubs et le nom des nouvelles recrues tient en
haleine les fans. Les nouveaux joueurs posent avec le nouveau maillot et jurent
fidélité et dévouement pour leur nouveau club. Ils en parlent avec enthousiasme
et semblent unis par les liens du sang, pour le meilleur et pour le pire.
Seulement, dans la plupart des cas, c'est le pire qui prend le dessus; les transactions tournent souvent au flop surtout
celles des joueurs étrangers qui finissent quand même par s'en aller avec des
indemnisations inespérées sans jamais avoir apporté le plus attendu. Les
joueurs locaux oublient fort souvent les promesses et les engagements faits aux
supporters lors de la signature du contrat, les promesses qu'on leur a faites
et de guerre lasse se fient à la chambre de résolution des litiges pour les
délivrer des griffes du club qui ne veut pas les laisser partir, mais aussi
souvent pour leur permettre de percevoir les nombreux mois de salaires impayés.
Ce ne sont là que quelques-uns des scandales qui émaillent depuis quelques
années déjà notre football et deviennent une seconde nature. Il y en a tant que
presque plus personne ne s'en offusque. Ce ne sont plus des joutes oratoires,
mais de la diffamation chronique, un arbitrage décrié par toute la population,
des accusations de trucage de matches, des révélations fracassantes dont
l'impact est tout de suite atténué par les scandales suivants et une longue
liste d'affaires scabreuses qui n'en finissent pas. Au
contraire, les scandales de notre football sont à la longue normalisés et
l'absence de scandale scandalise l'opinion publique qui en est devenue friande
à force de se voir gavée de tant de gabegie dans la gestion du sport, qui est
-on l'a compris ailleurs- une industrie dont le mercato
est justement le marché où ses produits se vendent et rapportent beaucoup aux
clubs formateurs comme cela se fait en France qui a réussi à gagner la dernière
Coupe du monde. Chez nous, le mercato, la CRL
et les scandales à répétition arrivent même à nous faire oublier les joies de
la Coupe d'Afrique acquise de haute lutte.