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Mo (Farah), Mo (Salah) ou la perversion d'un (pré)nom hautement symbolique

par Hatem Youcef

Les faits sont terriblement têtus et rien ne semble pouvoir freiner l'avancée du prénom Mohammed en France, en Angleterre, en Belgique, en Allemagne, en Amérique et dans beaucoup d'autres pays occidentaux. Alors que l'anthroponymie a tendance à se latiniser de plus en plus en Orient et dans la majorité des pays musulmans, les musulmans d'Occident se ruent sur le (pré)nom de l'ultime prophète pour en faire un des prénoms les plus répandus en Occident. Ce sont quelques milliers de nouveau-nés qui sont, chaque année, nommés Mohamed. On a beau essayer de noyer cet essor dans des considération orthographiques, en faisant dans le distinguo entre les différentes variantes dudit nom, à savoir Mohamed, Mohammad, Muhammad, Muhammed, Mohamad, voire Mohammed-Ali, Mohamed conquiert à nouveau le monde. Que ce phénomène touche uniquement les citoyens lambda, l'establishment n'en a cure, là où le bât blesse c'est quand ce prénom est porté par des personnes d'envergure comme les stars de sport, les politiques et tous ceux qui peuvent avoir de l'impact sur le village global.

Alors, il faut à tout prix tordre le cou à ce nom faute de quoi il se propage comme une traînée de poudre et propage l'Islam parmi les Occidentaux. Les médias se chargent alors de vulgariser le nom originel en généralisant l'utilisation de Mo qui ne tarde pas être adopté par les fans en particulier et le grand public en général. Mohamed Farah, le champion du demi-fond et Mohamed Salah, la star de Liverpool, en font les frais et deviennent du jour au lendemain méconnus parmi les leurs, alors que la notoriété mondiale est leur lot quotidien. Aurait-on fait cela avec Mohamed Ali ? Qui aurait osé envisager l'appeler Mo Ali ? Il aurait de toute évidence boxé tout le monde de rage, lui qui avait exigé que l'étoile qui lui était réservée au Hollywood Walk of Fame ne fut pas posée à même le sol, mais sur le mur pour que le nom Mohamed ne soit pas foulé aux pieds. Mohamed Ali était vraiment utile à Mohamed. Il avait mondialisé ce nom à l'ère du racisme et de l'islamophobie et s'était battu toute sa vie durant pour faire adopter son nom par le monde entier après avoir lutté, durant des années, pour se débarrasser de l'autre nom, Cassius Clay qu'il jugeait réducteur et esclavagiste. Au contraire, Mohamed Farah et Mohamed Salah sont d'une certaine manière et d'une manière certaine, battus sur ce terrain que seul Mohamed Ali maîtrisait; ils sortent amoindris, aux yeux des leurs, à tout le moins. C'est une partie, sinon toute leur identité qui en pâtit.

D'aucuns peuvent invoquer les bonnes intentions des journalistes, entre autres, d'utiliser un diminutif comme cela se fait habituellement en Occident pour le style et la diction surtout. Il y a bien des diminutifs et des dérivés de Mohamed tels que Moh, Mohand chez nous, mais ces petits prénoms affectueux ne sauraient égaler Mo en péjoration. Mohamed sonne différemment de Mo l'anglo-saxon, de Momo le français ou encore Moha l'espagnol. Shakespeare avait beau se demander ce qu'il y avait dans un nom «What is in a name ?», Mo a bel et bien des airs d'une perversion d'un (pré)nom hautement symbolique.