Des rassemblements
dénonçant le féminicide, organisés à la mémoire de Chaïma et de toutes les femmes victimes de violence et
d'assassinat, ont eu lieu à Alger, Oran, Béjaïa ainsi
qu'à travers plusieurs autres grandes villes du pays, et ce, au moment où le
site «féménicides Algérie» continue à recenser le
nombre des victimes. «Nous avons perdu l'une des nôtres», alertent les
concepteurs du site. Après le meurtre de la Chaïma,
le corps d'une jeune femme âgée de la trentaine a été retrouvé brûlé et couvert
de pneus dans la wilaya de Sétif, le 07 octobre dernier. «Halte aux violences
faites aux femmes et aux féminicides !» tel est le
slogan brandi par les femmes qui ont occupé l'espace public pour dénoncer
toutes les formes de violence exercées contre les femmes. Rassemblées près de
la faculté centrale à Alger, les protestataires ont dénoncé un phénomène qui
existait déjà, mais qui a connu une recrudescence très inquiétante en Algérie.
Tout en reconnaissant que ce fléau touche sans distinction tous les pays du
monde, Mme Soumia Salhi,
syndicaliste, militante des droits de la femme et ancienne présidente de
l'Association pour l'émancipation de la femme, a exigé au nom de toutes les
organisations féminines l'intervention urgente de l'Etat pour la protection de
ses citoyennes et citoyens. Elle réclame des dispositions urgentes pour la
protection des femmes contre toutes les formes de violence, notamment en cette
période de crise sanitaire. «Nous avons constaté une recrudescence des actes de
violence contre les femmes», confie-t-elle au Quotidien d'Oran. L'heure est
grave, précise-t-elle, sachant que 39 femmes ont été tuées, selon les chiffres
fournis par les services de police et de gendarmerie, durant toute l'année
2019. «Nous avons lancé des alertes pour adopter des dispositions capables
d'aider les femmes ou des conjoints en difficulté, sachant que le confinement
et la crise sanitaire sont source d'anxiété, de stress et de peur, notamment
pour les familles sans ressources». D'ailleurs, dit-elle, le SG de l'ONU avait
exhorté les Etats à protéger les femmes et les jeunes filles à la maison, à
prendre des mesures de prévention et à prévoir des mécanismes pour aider les
femmes à s'en sortir. Aujourd'hui, de nombreux cas de féminicide
sont enregistrés. Les agresseurs ciblent aussi bien celles qui portent le jeans
ou celles qui portent le voile. «D'ailleurs, même des garçons, des mineurs sont
violés et assassinés ». Donc, dit-elle, ce fléau ne doit pas être cautionné par
la société et par la famille, qui, parfois, justifient la violence contre les
femmes. Elle appelle à des mesures urgentes et plaide pour la création de
centres d'hébergement pour les femmes violentées. «Nous avons quatre centres
d'hébergement à travers le territoire national, celui d'Alger est d'une
capacité de 64 femmes, celui de Mostaganem ne peut prendre en charge plus de 40
femmes, ce qui est en deçà des besoins», dit-elle. A cela s'ajoute «le
protocole d'hébergement qui exige de prendre en charge la femme violentée sans
ses enfants, et avec une décision du procureur, ce qui complique davantage les
choses. Elle demande au nom du regroupement des associations de défense de
l'égalité et des droits des femmes que le numéro 15-20 mis à la disposition des
femmes et enfants violentés par le ministère de la Solidarité nationale, de la
Famille et de la Condition de la femme, soit accessible 24/24 et par le
téléphone fixe et par le téléphone portable.
Mme Salhi
a mis l'accent également sur la nécessité de développer la communication
institutionnelle. « Sur les 39 assassinats, les institutions compétentes se
sont prononcées notamment sur le cas des deux femmes tuées par leurs époux et
sur le meurtre de Chaïma et de l'avocate, mais
silence radio sur d'autres meurtres. Je cite par exemple l'affaire de la jeune
maman Ikram». Et de conclure : «il faut lancer des
campagnes nationales de sensibilisation, et ouvrir des centres d'écoute et
d'hébergement pour protéger les femmes et les enfants de leurs agresseurs »,
préconise notre interlocutrice.