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Oran :
Aïn El Turck: Les occupants du bidonville la Foire revendiquent leur relogement depuis 11 ans
par Rachid Boutlelis ![]() L'amertume et la répulsion
se lisaient clairement sur les visages du petit groupe d'indus occupants du
bidonville, communément appelé la Foire, niché face à la cité des 350 logements
sociaux, tel un sordide chicot encrassé de tartre dans la bouche d'un édenté.
«Mine de rien, cela fait onze années que nous glandons à attendre un
hypothétique relogement comme nous l'ont promis les autorités locales de
l'époque. Nous avons mis au clou toutes nos économies pour acquérir une masure
dans ce répugnant regroupement de constructions illicites. Nous n'avions pas où
aller, c'était à prendre ou à laisser, ou aller chercher ailleurs, ou loger
temporairement chez la famille. C'est le principe du pile je gagne, et face tu
perds», ont fait remarquer avec une humeur bilieuse nos interlocuteurs avant
d'ajouter : «On nous a taxés de tous les qualificatifs, alors que nous
demandons légitimement un toit pour nous abriter». Notons que la crise
sanitaire a décuplé les affres de l'indigence chez les indus occupants de ce
bidonville, situé en plein cœur de la municipalité d'Aïn
El Turck où des familles de quatre à six enfants sont
entassées dans une effroyable exiguïté de parpaing et de tôle ondulée et où les
allées serpentant entre les masures sont si étroites qu'on peut y faire passer
un cercueil mais pas une ambulance. Pour ces familles, le slogan «Restez chez
vous !» est d'une perturbante ironie. «Au fil des années d'attente d'un
hypothétique relogement, nous avons compris finalement que nos responsables
s'en carnent royalement l'oignon au sujet de notre
piètre situation. Ils viennent, toute honte bue, nous agiter leur grelot sous
le nez à chaque veille de joute électorale. Et puis, plus rien, jusqu'aux
prochaines législatives », s'est indigné un père de famille dudit bidonville
avant de renchérir : «A notre humble avis, être confinés dans ce putride
regroupement de masures sordides nous rend encore beaucoup plus vulnérable au
virus. La promiscuité démultiplie les risques de contagion. Hiver comme été,
nous devons faire face aux humeurs de la nature, dans des pièces qui
ressemblent plus à des geôles, en l'absence de toutes commodités. Sans eau, ni
gaz ni réseaux d'assainissement, avec des murs et des plafonds fissurés qui
laissent l'eau s'infiltrer, nos enfants souffrent le martyre et sont, pour la
plupart, atteints de maladies graves. La situation s'aggrave davantage durant
les nuits glaciales d'hiver avec les rafales de vents qui arrachent les tôles
faisant office de plafond et nous oblige ainsi à nous réfugier ailleurs».Toujours est-il que claustrées par le
confinement, qui démultiplie les déboires et les difficultés, ces familles
tentent de survivre dans des conditions de vie éprouvantes, effroyables et
humiliantes.
Une quadragénaire, qui tente de survivre avec ses enfants dans une baraque, a évoqué plus l'inquiétude que la plainte. Avec la fermeture des écoles, elle a dû arrêter le travail pour les garder. «J'habite dans une masure exiguë avec mes trois enfants en bas âge», raconte-t-elle, «à cause des punaises, j'ai tout jeté, on dort par terre. Il y a aussi des cafards, des rats et de l'humidité. Il y a une seule fenêtre, d'où peu d'air entre». Ce n'est pas tant le coronavirus que l'asthme de son fils de six ans qui la préoccupe. En cette période de confinement, ses poumons sont exposés en permanence à l'air malsain des lieux. «Le médecin m'a dit qu'il faudrait changer de maison. En principe, je devrais, comme tous les autres occupants de ce lieu infect, être prioritaire pour un relogement, mais j'attends depuis je ne sais plus quand et je ne sais pas jusqu'à quand», se désespère cette mère célibataire. |
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