«On entre chez soi avec des sachets pleins pour ressortir
avec des sachets pleins», dixit un citoyen lambda à l'adresse de son ami. Les
premiers sachets cités contiennent des denrées tandis que les seconds
contiennent les restes desdites denrées destinés aux décharges d'ordures. Cette
boutade résume à elle seule le train de vie effréné auquel sont réduits les
Algériens depuis quelques années déjà. Pris en sandwich entre une consommation
à tout va et des déchets ménagers de plus en plus envahissants, on ne sait plus
s'il faut commencer à refréner ce train de vie étourdissant et réduire ses
achats pour produire moins de déchets ou alors réduire ses déchets par une
hygiène de vie plus saine et des dépenses plus mesurées. Le même embarras
s'empare de l'auteur de ce papier quant à qui des premiers sachets ou des
deuxièmes doivent entamer cette chronique. Les monticules d'ordures ménagères
poussent partout comme des verrues énormes et il suffit qu'un intrépide dépose
un sachet de poubelle là où il n'y en avait pas avant pour que d'autres
l'imitent et inondent le lieu de leurs immondices. Les décharges publiques sont
mal organisées et ne semblent pas suffire laissant ainsi place aux décharges
sauvages qui pullulent à vue d'œil. En plus d'être un signe de dépenses
outrancières, ces monticules d'ordures sont doublement agressifs par le contenu
et la couleur des contenants, ces sachets noirs et bleus que moult tentatives
n'ont pu éradiquer. Malgré les campagnes de sensibilisation, les gens semblent
prendre un malin plaisir à défiler entre les superettes et leurs maisons avec
ces sachets sombres, mais transparents et laissant voir les achats dans le moindre
détail au grand dam de la retenue qui était le propre de nos parents qui
veillaient à ne rien laisser paraître de leurs emplettes pour ne pas offusquer
ceux qui ne peuvent se permettre. Le tout finissait alors dans un panier en
osier shopping qui ajoutait de la superbe au père de famille qui était économe
dans ses achats tandis que la mère transformait tout et ne jetait rien. Les
épluchures trouvaient preneur parmi les animaux domestiques, les quelques
sachets se muaient en matériel pour artisanat domestique et les boîtes de
conserves finissaient par trouver une autre utilité comme ustensile pour le
lavage des mains. Les gens ne produisaient quasiment point d'ordures et
l'environnement s'en portait nettement mieux, on mangeait sain malgré les
disettes et la frugalité tenait le haut du pavé. On ne faisait ses commissions
qu'une fois par semaine et on était rarement vu avec des sachets d'ordures.
Maintenant, les achats quotidiens se sont ritualisés et le sachet noir quel que
hideux qu'il soit, n'en est pas moins devenu un fétiche à l'entré
et à la sortie de chez soi. Signe d'aisance et de suffisance, il est
omniprésent et finit même par envahir le monde marin et l'immensité désertique
pour être ingurgité par les baleines et les chameaux. On entre chez soi avec
plein de sachets pleins et on en ressort avec plein de sachets pleins sans
pouvoir faire autrement malgré les professions de foi et le dépit que les
boutades et les blagues expriment peu ou prou.