L'histoire, d'une tragique vérité, a de quoi faire peur à
un pays qui a voulu rattraper le temps perdu en partant, à souffle perdu, à la
chasse à la licorne avec pour seul bagage un cerf-volant « crevé » à la main.
Un peu comme cet athlète tricheur qui, en voulant commencer la course trop vite
et avant les autres, termine très loin derrière la ligne... rouge. Hmida Sloughi a tout juste l'âge de l'acné et il vient
juste de décrocher son bachot avec mention « rabais ». Sollicité par son père
(très peu alphabétisé), Hmida Sloughi a un mal fou à
remplir un banal formulaire de demande de visa. Comme assommé par une telle «
hérésie», à une pichenette de la rentrée des classes de toutes les peurs, le
père, qui vida sa tête et ses poches en voulant remplir celle de son fils
indigne, réclame sans délai une authentification de la supposée attestation de
réussite attribuée à son cancre de rejeton. Tout juste moyen en arabe, un peu
moins bon en français, peut mieux faire en maths, faible en histoire-géo, sait
écrire mais à peine lire, le garçon paraît bien disposer d'une tête un tantinet
« pleine», faute d'une citrouille bien faite, se catastrophe son géniteur qui
regrette net d'avoir laissé le stylo prendre le large. Mais pourquoi Hmida Sloughi est comme ce maître-nageur qui dispose bien
d'un diplôme en natation mais sans jamais avoir trempé dans une bassine d'eau
de toute sa triste vie ? Depuis le retour du soleil de la liberté sur le pays
et jusqu'aux générations dites de « Benbouzid la
dé-science » arrivées sur les bancs des écoles à partir de la fin des années
quatre-vingt, l'Algérie consommait le quart de son budget dans l'éducation et
la formation pour se retrouver avec près de dix millions d'analphabètes sur les
bras, un demi-siècle plus tard. Sauf qu'avec ce score (ou record !) de
maréchal, la situation apparaît comme une véritable bombe à retardement (réglée
pour exploser sur nos têtes dans vingt ou vingt-cinq ans), quand on sait les
déperditions très importantes enregistrées dès la première année universitaire.
Malade de ses « réformes cobayes », l'Ecole algérienne et le système de
formation et d'enseignement en général n'apprennent quasiment plus rien à de
vrais-faux récipiendaires devenus de bien médiocres impétrants. Elle-même
victime des luttes idéologiques et politiques depuis l'ère de l'indépendance,
l'Ecole algérienne se retrouve aujourd'hui comme la première usine des recalés...
de la vie. Au point que la première université algérienne se classe à la...
2.142ème place sur douze mille établissements classés de par le monde. Si de
nombreux Algériens ont depuis longtemps fait le choix « cornélien » entre le
cartable et le pain, des générations entières se retrouvent aujourd'hui
sacrifiées pour avoir certes fréquenté l'école, mais pas celle qui vous apprend
à devenir un homme et de trouver sa place dans un monde où le non instruit ne
doit avoir sa place dans un enclos. L'onde de choc de l'enseignement au rabais
pratiqué depuis longtemps en Algérie se fait déjà ressentir avec la
non-reconnaissance des « papiers » délivrés par les universités algériennes, y
compris dans des pays qui ont commencé l'interminable course vers le monde «
clos » du savoir et de la connaissance bien après nous. La mission régalienne
d'éduquer un peuple et lui donner les moyens de faire face à un monde
impitoyable pour les « sans-lettres » est l'un des premiers éléments
constitutifs de la souveraineté d'un pays digne de ce nom. Aussi vrai que ne
pas réhabiliter l'Ecole algérienne dans son rôle originel de premier socle
solide de la République, c'est un peu comme un médecin qui assiste, les bras ballants,
à la mort d'un patient, faute d'avoir diagnostiqué sa maladie à temps. Au fait,
qui a dit qu'élevé à la rude école du malheur, il y
remportait tous les prix... ?