Des enjeux
occultes du marché du médicament ont-ils eu raison d'une entente naturelle
entre le Syndicat national algérien des pharmaciens d'officines (SNAPO) et le
Conseil national de l'ordre des pharmaciens (CNOP) ? Le projet d'ordonnance
portant sur le transfert de l'Agence nationale des produits pharmaceutiques
(ANPP) de la tutelle du ministère de la Santé à celle du jeune ministère de
l'Industrie pharmaceutique est à l'origine de ce qui ressemble à une bataille
de tranchées entre le Snapo et le Cnop.
C'est que l'Agence en question, dont on parle depuis au moins
cinq ans et qui est arrivée, enfin, à maturation ces derniers jours, avec
l'inauguration de son siège au début du mois de juillet, aura la mission
capitale de l'enregistrement des médicaments, l'homologation des dispositifs
médicamenteux, le contrôle et l'expertise des unités de production de
médicaments, la veille permanente sur la conformité des médicaments et de tous
les dispositifs médicaux et en signaler les défauts de fabrication ou d'utilisation
aux autorités publiques compétentes, ainsi que la lourde charge de veiller sur
la lutte contre la contrefaçon et l'octroi des agréments. En somme,
l'ANPP sera le gendarme du médicament.
Premier à
monter au front, le Snapo a sollicité l'intervention
du président de la République pour que cette Agence soit confiée au ministère
de la Santé et non au ministère de l'Industrie pharmaceutique, qui devrait la
prendre sous sa tutelle si le gouvernement approuve dans les prochains jours le
projet d'ordonnance en question. Pourtant, selon le Snapo,
rien ne justifie pareille décision qui confierait une Agence du médicament à
vocation sanitaire au secteur de l'industrie. Dénonçant un « conflit d'intérêt
» certain si l'ANPP passe sous tutelle de l'industrie pharmaceutique, le Snapo use de mots très lourds contre ceux qui tentent le
coup d'un « passage de force » dans ce contexte. Le ton alarmant, le Snapo estime encore que le fait d'accrocher l'Agence
sanitaire à la tutelle d'un secteur industriel va miner et corrompre notre
système de santé, car directement ou indirectement, l'Agence sera en situation
de dépendance vis-à-vis des firmes pharmaceutiques. Non sans rappeler la loi
sanitaire 18-11, qui place l'Agence sous la tutelle du ministère chargé de la
Santé. S'inscrivant en faux contre cette sortie du Snapo,
le Cnop condamne, lui, des manœuvres visant à
contrecarrer les réformes engagées dans le secteur pharmaceutique. Estimant à
ce propos que «le plan d'action novateur et ambitieux du ministère de
l'Industrie pharmaceutique, adopté en Conseil des ministres, intégrait
logiquement la tutelle de l'Agence nationale des produits pharmaceutiques,
noyau central de toute politique pharmaceutique». Le Conseil a conclu en
lançant un appel «à se démarquer des tentatives de manipulation et de
désinformation orchestrées par des parties soucieuses de préserver leurs
intérêts ou leurs positions sans se soucier de l'avenir de la profession et du
pays». Rien de moins. Cela augure-t-il d'une surenchère dans les prochains
jours autour d'une mise sous tutelle d'une Agence qui n'a pas encore fait ses
premiers pas ?