Les hommes d'affaires sont-ils complètement ruinés ou
cherchent-ils à bénéficier de plus de largesses consenties par les pouvoirs
publics dans le cadre du soutien aux entreprises impactées par le Covid-19 ? La
mise en œuvre des mesures d'assouplissement pour soutenir les entreprises
impactées financièrement par la crise sanitaire que traverse actuellement le
pays, dont le report des déclarations fiscales et de paiement des impôts et des
charges sociales ainsi que le report de paiement des tranches de crédits,
arrivant à échéance, ou leur rééchelonnement avec possibilité d'octroi de
nouveaux crédits à tout emprunteur qui a déjà bénéficié de ces mesures, ne semble
pas répondre aux réelles préoccupations des opérateurs économiques. Ces
derniers demandent plus, l'injection directe d'argent frais pour soutenir le
redémarrage de l'activité économique et le paiement des salaires des
travailleurs. Mais la demande officielle qui a été introduite dans ce sens par
des représentants du secteur économique algérien, y compris des grosses
entreprises, n'a pas trouvé écho positif auprès des pouvoirs publics. Le
ministre de l'Industrie et des Mines, Ferhat Aït Ali Braham
a, dans ce contexte, contesté cette demande, revendiquant pour sa part une
implication financière de la part des hommes d'affaires dans le sauvetage de
leurs entreprises, impactées par le confinement imposé pour lutter contre la
propagation de la pandémie du Covid-19. Doutant publiquement de leur sincérité
quant à leur détresse financière, exposée aux autorités, détresse qui les
empêche de remettre les moteurs en marche, allant jusqu'à affirmer qu'ils n'ont
pas de quoi payer les salaires des travailleurs, le ministre rappelle que ces
mêmes personnes cautionnaient, il y a deux ans, qu'ils font (ensemble) un
chiffre d'affaires de 40 milliards de dollars ! Où est passé alors cet argent ?
Les hommes d'affaires ne veulent-ils pas mettre la main à la poche pour remettre
en marche leurs entreprises, cherchant dans ce sens à bénéficier d'une aide
publique dans la logique d'un sauvetage de l'économie nationale ? Cela n'a pas
infléchi la position du ministre de l'Industrie, qui reste intransigeant sur ce
plan, précisant que l'aide de l'Etat n'est consentie qu'à titre complémentaire
et que les opérateurs doivent pour leur part mettre la main à la poche pour
financer les besoins de leurs entreprises. Pourtant, les pouvoirs publics
concèdent bien volontiers un soutien financier conséquent aux entreprises
étatiques. Y a-t-il une politique de deux poids et
deux mesures? Ce refus de venir en aide aux
entreprises privées ne met-il pas en danger l'économie nationale ? Le ministre
estime, à ce titre, qu'il n'était pas possible pour l'Algérie de «copier»
l'expérience des économies développées en matière de sauvetage des entreprises
en raison de «la différence constatée en matière de discipline et respect des
engagements». Certes, de nombreux hommes d'affaires évoluent dans la sphère informelle,
mais l'occasion est propice de séparer le bon grain de l'ivraie, en consentant
une aide financière aux entreprises impactées par la crise sanitaire sur la
base du chiffre d'affaires déclaré avant l'arrêt des activités. D'une part,
cela renfoncerait la confiance avec les opérateurs économiques privés,
respectueux de la réglementation, et, d'autre part, cela donnerait une belle
leçon aux autres, ceux qui fuyaient le fisc, en déclarant de faux chiffres ou
ne déclarant rien du tout, qui seraient de facto exclus de tout soutien des
pouvoirs publics. En rejetant en bloc la demande des représentants des
opérateurs économiques, ne risque-t-on pas de perdre des entreprises à l'avenir
prometteur, en les poussant à déposer la clé sous le paillasson et mettre des
milliers de travailleurs sur le carreau?