|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
En relation avec la
problématique du manque de places dédiées au culte musulman dans les cimetières
français, en particulier durant la période actuelle où sévit la pandémie du
coronavirus -une question que nous avons traitée récemment-, un autre phénomène
peu connu a été mis en lumière, celui du décès des personnes isolées de confession
musulmane, sans ressources ou sans domicile fixe. En France, plusieurs
associations accompagnent les personnes seules, isolées et sans ressources lors
de leurs obsèques. Composées généralement de bénévoles, leur mission est
d'assurer un dernier repos empreint de dignité aux défunts isolés et démunis
comme les SDF. C'est également l'un des objectifs de l'association Tahara, basée en Île-de-France, qui essaie d'assurer un
enterrement digne aux personnes démunies et isolées de confession musulmane (aussi
bien pendant qu'avant la pandémie). Pour le président de cette association, Abdessamad Akrach, «en France,
lorsqu'une personne décède seule en milieu hospitalier, la famille a 10 jours
pour réclamer son corps et organiser ses funérailles. Si personne ne se
présente lors de ces 10 jours, l'hôpital ou le funérarium a l'obligation
d'avertir la mairie dont dépend le lieu où a été constaté le décès, et c'est
cette mairie qui, en principe, devra organiser elle-même les obsèques de ce
défunt isolé.
Normalement, toutes les communes françaises sont tenues de réserver une parcelle de leur cimetière aux personnes sans-abri, isolées et nécessiteuses». «Pour le cas des musulmans sans familles qui décèdent abandonnés dans la rue ou dans une situation de grande solitude, c'est encore plus compliqué. Souvent, ce sont des «chibanis» qui vivaient seuls ou sans abri. Récemment, quelques-uns sont morts du Covid-19. Quand une personne musulmane isolée décède dans la région parisienne, notre association est souvent alertée par les assistantes sociales au niveau des hôpitaux, par les morgues ou les funérariums. Mais certaines personnes musulmanes isolées peuvent mourir sans que nous soyons mis au courant. Alors seul Dieu sait dans quelles conditions elles sont enterrées !» «Notre mission est de pratiquer la toilette rituelle des défunts et de les accompagner à leur dernière demeure dans la dignité. Parfois, nous réussissons à prévenir les familles avant les enterrements et des fois, ces dernières exigent le rapatriement des corps. Sinon, nous les enterrons sur place et essayons de retrouver leurs proches en lançant des avis de recherche sur Facebook ou Snapchat, et ça fonctionne généralement ! En cas d'échec, nous contactons alors les consulats des pays d'origine des défunts. Leurs familles peuvent se trouver soit en France, soit à l'étranger, au Maghreb ou en Afrique subsaharienne généralement». «Mais des fois, nos efforts restent vains. Il y a quelques jours, nous avons appelé le consulat d'Algérie de Bobigny pour essayer de retrouver la famille d'un ressortissant algérien qui était décédé depuis deux semaines et qui était resté à la morgue pendant tout ce temps parce qu'il n'a pas de famille en France. Malheureusement, au bout du fil, nous avons eu l'impression de déranger, alors que nous ne demandions aucun centime, juste un soutien moral et un moyen pour retrouver la famille de ce fils du bled décédé, abandonné et pauvre». «Financièrement, notre association vit grâce aux dons de la communauté et par les fonds que lui procure un pan de ses activités habituelles. En région parisienne, l'association Tahara est sollicitée par les pompes funèbres pour assurer la toilette rituelle des musulmans décédés, et c'est avec ces rentrées d'argent que nous achetons notamment les linceuls «kfène», le musc et payons les frais annexes comme le transport des corbillards vers les cimetières. Et c'est surtout ce qui nous permet d'assurer gratuitement un enterrement digne aux musulmans isolés et nécessiteux». «À ma connaissance, en moyenne, il y a environ une cinquantaine d'Algériens immigrés, isolés et sans ressources, qui meurent chaque année en Île-de-France seulement, des personnes âgées qui vivaient seules, sans la moindre famille, ou des SDF. Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons inhumé deux Algériens qui vivaient isolés à Paris : le lundi 18 mai, nous avons enterré à Villetaneuse (dans le 93) feu Tahar B., né en 1943 à El-Malah, dans la wilaya d'Aïn Témouchent, qui était resté 5 mois dans une morgue. Puis le lendemain, mardi 19 mai, nous avons inhumé au carré musulman du cimetière de Valenton (Île-de-France), feu Amar K., né le 3 décembre 1949 à Tlemcen, qui était sans domicile fixe. Il était depuis 16 jours dans une morgue avant d'être enterré. Nous sommes toujours à la recherche des familles». |
|