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Covid-19: Bavettes et confinement, un nouveau mode de vie

par Tahar Mansour

D'après ce que nous constatons et les allongements répétitifs du confinement sans même un léger assouplissement, nous ne sommes pas encore sortis de l'auberge, nous devrons peut-être même repenser notre mode de vie fait de bavettes et de confinement. Qui se souvient du premier jour quand le président de la République avait annoncé un confinement total de la wilaya de Blida pour une durée de 10 jours à compter du 24 mars 2020, après que la situation concernant la contamination par Covid-19, qui ne s'appelait alors que coronavirus, ait empiré ? Il n'y avait ce jour-là que la wilaya de Blida qui était concernée par un confinement total à domicile et interdiction, sauf cas de force majeure, à quiconque d'y pénétrer ou d'en sortir, et celle d'Alger pour laquelle un confinement partiel de 19h à 7h du matin avait été décidé.

Malgré la surprise et l'angoisse qui s'étaient emparées de la population ce jour-là, l'espoir était grand pour que les choses reviennent à la normale après ces 10 jours. Mais, au contraire, de nouveaux cas sont apparus aussi bien à Blida qu'à Alger et ont gagné d'autres wilayas encore, dont neuf ont été mises en confinement partiel. Au lieu du retour à la vie normal tant attendu, l'Algérie a procédé à la mise en confinement partiel toutes les wilayas du pays qui ont d'ailleurs été toutes touchées, à des degrés moindres pour certaines, mais il fallait prendre toutes les mesures préventives possibles. Les habitants de la wilaya de Blida étaient devenus comme des pestiférés et il n'était pas rare que vous soyez regardés d'une drôle de manière si vous vous dirigez vers les wilayas limitrophes, quand vous le pouvez, les gens évitant même de se rapprocher de vous, arrivant même à sortir de mauvaises plaisanteries du genre «tu viens de Blida, reste éloigné sinon tu pourrais nous contaminer». Puis nous sommes entrés dans une tornade qui a fauché de nombreuses vies.

Les prolongations de périodes de confinement pour l'ensemble du territoire national sont devenues courantes et les citoyens s'y attendaient plus ou moins. La modification apportée au confinement de la wilaya de Blida qui est passé de total à partiel a donné d'énormes espoirs à tout le monde, Blida étant devenue une référence concernant la lutte contre le Covid-19. La baisse sensible du nombre de décès entamée il y a près de deux semaines a conforté cet espoir mais le nombre de nouveaux cas confirmés a faussé toutes les donnes et noirci les horizons, même si les déclarations des hauts responsables de la santé en Algérie avaient averti de cette augmentation et l'expliquaient par le fait que c'est la multiplication des centres de contrôle et d'analyses qui est la cause de cette augmentation.

Mais il faut dire que cette explication ne faisait qu'augmenter les craintes car cela voulait dire qu'un nombre très important de personnes infectées par le Covid-19 circulaient sans être connues et, chaque instant, contaminaient d'autres personnes, dans une sorte de remise en cause infernale qui n'en finirait pas. Et c'est justement cela qui fait peur et qui nous fait dire que nous allons peut-être passer de prolongation du confinement à un autre jusqu'à la fin de l'année ou même au-delà. Mais les citoyens, fortement impactés par les mesures de confinement en perdant leurs sources de revenus, commencent à perdre patience et certains nous ont fait part de leurs situations catastrophiques : « ce qui nous oblige à contourner ces mesures en ouvrant nos boutiques de manière cachée, augmentant par là les risques de contamination », nous a confié un jeune propriétaire d'un magasin d'habillement.

D'ailleurs les appels au port de la bavette de la part des autorités sanitaires et l'obligation de son port confirment cette tendance et indiquent que le danger est loin d'être écarté, bien que le protocole à la chloroquine ait fait ses preuves et que le nombre de personnes à guérir du Covid-19 est de plus en plus important, faisant baisser en même temps le nombre de décès. Mais si les autorités publiques veulent que toutes les mesures prises aient un effet notable sur le comportement des individus et, de là, sur la propagation du virus, elles devraient prendre en compte la situation sociale de ces millions de travailleurs informels et de propriétaires de locaux commerciaux qui ne peuvent plus continuer ainsi. Prolonger la période de confinement, oui, mais il faudrait peut-être assouplir les mesures en autorisant la réouverture de ces magasins (sauf les cafés et les restaurants) afin d'éviter les ouvertures en mode caché, tout en étant très fermes sur les règles d'hygiène et de distanciation sanitaire dans ces magasins, le port de bavette étant déjà obligatoire. Tous les indicateurs actuels annoncent que nous allons passer un été confinés à la maison si les citoyens ne changent pas de comportement.