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Dans
mon article sur «la sécurité alimentaire : une priorité absolue», paru sur le
Quotidien d'Oran du jeudi 16 avril 2020 j'avais conclu en disant que dès cette
année, des mesures incitatives se doivent d'être prises en concertation avec
les acteurs représentatifs du secteur. Au titre de la loi de finances
complémentaire, la priorité devrait être accordée au soutien des prix à la
production des céréales, des légumes secs et des fourrages, mais aussi à ceux
des facteurs de production et du matériel agricole nécessaire pour le
développement de notre agriculture. S'ajoute à cela, la formation et la
coopération agricole à ne pas occulter ...
J'avais aussi souligné que cet effort financier se devait d'être accompagné par les actions indispensables de mise en place de brigades mobiles d'ingénieurs et de techniciens chargés du suivi des itinéraires techniques, de la vulgarisation, de la formation des agriculteurs au niveau des chambres d'agriculture, de réhabilitation et de renforcement de ce qui reste comme fermes pilotes, dans le souci d'en faire de véritables centres de rayonnement du système de Recherche Développement et d'appui aux exploitations agricoles (techniques de culture et d'élevage, gestion et comptabilité). J'avais aussi projeté de consacrer tout un article à la réintroduction du système coopératif de production et de services, en tant qu'instrument indispensable à la mise en œuvre d'une authentique stratégie nationale de sécurité alimentaire, de lutte contre la pauvreté en milieu rural et de réhabilitation des activités productives dans la création des richesses nationales. LES PETITS AGRICULTEURS EN FOURMIS ESSEULÉES ET DÉLAISSÉES L'état d'esprit qui s'est installé durablement dans notre société a entamé depuis les années 80, le processus d'une régression alarmante qui a fait manger à notre peuple, son pain blanc dans l'insouciance la plus totale des lendemains difficiles de « vaches maigres », sans qu'il ne sorte de son état de somnolence légendaire. Mais il est bien heureux que parmi les rares acteurs économiques et sociaux dignes de ce nom, droits dans leurs bottes, les « petits agriculteurs » sont restés conscients de leur rôle dans la société en tant qu'acteurs indispensables non seulement à la production de cultures vivrières mais aussi, à la préservation des terroirs et à l'aménagement des écosystèmes fragiles. Bien qu'en fourmis esseulées et délaissées, ces producteurs au pédigrée de vaillance bien établi et en véritables créateurs de richesses, sans tapage médiatique ni cliquetis des flashs d'instants à mémoriser et sans promesses faites en « fuites en avant » de l' « agriculture pionnière », celles des ranchs californiens, continuent à accomplir leur métier avec soin et du mieux qu'ils peuvent jusqu'à l'épuisement de leurs forces, en produisant de quoi nous nourrir. Ces Fellahs qui savent ce que signifient dignité, amour du travail bien fait et honneur, ne rechignent jamais face à la pénibilité du travail de la terre, eux, les braves laboureurs, moissonneurs, éleveurs et cueilleurs aux mains calleuses. C'est qu'ils ont pris conscience du rôle important qu'ils se doivent de jouer, à contre-courant de la tendance générale du compter sur les ressources publiques pour développer les cultures et les élevages spéculatifs et de rente, de la fuite en avant, du « laisser-aller », de la non obligation de résultats et comptes à rendre, cette négligence de « Bled Siba» ! Et pourtant ! Les pouvoirs publics n'avaient d'yeux que pour cette minorité d'oligarques et d'arrivistes, ces « heureux » bénéficiaires de milliers d'hectares, devenus même pour certains, des faiseurs de Ministres et de Walis, de par le fait de leur proximité avec les centres de décisions dispensateurs et allocataires de ressources et de bonnes grâces, sans se soucier de ce que pouvait penser le bon petit peuple sans voix et méprisé. Il fallait juste le nourrir à satiété pour qu'il ne puisse pas dire son mot. Du moins, le croyaient-t-ils, par cynisme et par calcul ! Ce peuple ô combien négligé, marginalisé et humilié, était considéré comme étant leur vassal et donc, n'avait nul besoin d'être informé, de donner son avis ou de participer pleinement à la prise de décision lorsqu'il s'agit de la cession et de l'utilisation des biens de la collectivité nationale et plus particulièrement, du foncier agricole déterminant pour sa survie et celle du pays. Cette ressource naturelle non renouvelable pour laquelle se sont battus avec bravoure nos moudjahidine pour chasser les puissants colons agraires français. Quant aux Fellahs présents sur leurs terres ou celles laissées en jachère et qu'ils louent au sein des EAI et EAC (exploitations agricoles individuelles et collectives), ils n'ont reçu en dehors de quelques programmes d'habitat, de désenclavement et d'électrification rurale, que des aides dérisoires du « Dâam errifi », en guise de soutien « tape-à-l'œil » quand d'autres nantis, se sucraient sans limites, sur les financements accordés au titre du PNDA et des concessions agricoles. Dans cette Algérie, devenue la « planète » et le monopole des passe-droit et du non respect de la chose publique, ces Fellahs sans gros moyens et sans gloire recherchée, eux qui n'ont pas le temps de se plaindre, continuent malgré tout, à se distinguer par leur travail et leur volonté des autres catégories de « rurbains » avachis, assis à longueur de journées, à voir passer le temps sur les bancs des placettes publiques de nos villes et villages. Mais aussi, au voisinage des très nombreuses mosquées, comme pour se dédouaner de cette paresse et nonchalance qui les ont envahies, recherchant ainsi le pardon et la miséricorde du Tout Puissant. Mais à qui incombe la faute ? N'est-ce pas que c'est la mauvaise gouvernance de ces quatre dernières décennies qui a fait perdre à notre peuple devenu rentier, sa vitalité et ses capacités productives en l'entretenant telle une « nichée d'oisillons » dans son nid, à ne pas s'organiser de façon autonome et volontaire pour mobiliser les moyens nécessaires pour travailler et produire des richesses ? De la sorte, partiellement corrompu et acheté par les miettes issues de la rente pétrolière et gazière pour lui fermer les yeux sur les malversations de « ses gouvernants », le peuple algérien a fini par perdre à la fois son dynamisme, ses rêves, sa fougue et son élan constructif, en ne sachant presque plus rien faire, jusqu'à preuve du contraire, lorsqu'il sera mis dans très peu de temps, dans une situation de survie, comme dans cette épreuve d'endurance de la télévision française « Koh-Lanta ». Celle où les aventuriers doivent survivre pendant une quarantaine de jours, en cherchant dans l'écosystème forestier de cette petite île qui les abrite, de la nourriture sans aucune aide extérieure. Oui ! C'est ce qui va nous arriver, car il nous faudra produire notre propre nourriture de base et vivrière à hauteur de nos besoins. Nous y sommes contraints et forcés, au regard de la chute vertigineuse des cours du gaz et du pétrole et probablement, en raison aussi, de la rétention des produits agricoles à l'international ! Le Monde change et il faudra bien s'adapter ! L'heure est à l'éveil citoyen ! Il faudra bien se décarcasser, se ressaisir et se prouver à nous-mêmes que nous ne sommes pas des bras cassés, des culs-de jatte ! Bien heureux sont ces petits agriculteurs du lève-tôt qui nous nourrissent pour l'instant, car n'ayant pas choisi, eux, la voie facile du commerce informel béni par le devenu référent du « yadjouz » made in Dubaï ou d'Ankara sans impôts payés et juste en glissant au passage la « tchipa » à des commis véreux, faisant ainsi fi des principes de l'État qui les emploie, cet État censé être celui du Droit et de la défense du droit de la majorité des Algériennes et Algériens. Mais quelle ingratitude manifestée à leur égard ! Alors qu'ils ont fait le choix d'être utiles pour le bien public, ces gros bras de la dignité et de l'honneur qui sacralisent le travail productif, sont « zappés » et délaissés par les pouvoirs publics qui ne se rappellent de leur existence, qu'en cas de pénurie de biens agricoles essentiels quand les mercuriales des marchés de fruits et légumes mais aussi des viandes, s'affolent et s'envolent par la faute de ces intermédiaires, ces sangsues sans scrupule. Ces écornifleurs activent librement sur les marchés de gros et de détail, du fait de l'absence criarde d'un État peu soucieux de ses prérogatives régaliennes, au point de s'être débarrassé il y a bien longtemps, de sa fonction de régulation après avoir dissout et démantelé les COFEL , ces coopératives qui ont montré toute leur efficacité et professionnalisme dans la régulation des marchés de gros de Wilayas et l'OFLA, cet office qui arrivait à placer certains produits agicoles sur le mythique marché de Rungis, à Paris, à l'époque où l'Algérie savait soigner son image et avait une véritable politique nationale de défense de ses intérêts. Cela a donné lieu par la suite, à la pratique de la vente des produits de première nécessité ; en seconde, troisième et parfois même en quatrième main dans la sphère spéculative du commerce des fruits et légumes mais aussi, des viandes, en volant aux petits agriculteurs et producteurs besogneux leur sueur et leur Valeur Ajoutée. N'est-ce pas que leurs marges bénéficiaires sont les plus réduites et les plus insuffisantes de toute la chaîne de vente et de revente de ces produits ? Mais qu'adviendra-t-il de nous si cette corporation paysanne si ancrée dans les terroirs et les écosystèmes oasiens, montagneux et steppiques délaissés par nos stratèges nationaux et locaux, venait à se rebiffer et à « lever-le-pied » en abandonnant le travail de la terre, devenu pour elle peu rémunérateur et peu conforme à ses efforts ? QUAND LES OLIGARQUES RÊVAIENT DE RANCHS ET D'HACIENDAS Cette paysannerie a été injustement éclipsée dès les années 80 par ces nombreux arrivistes venus sans aucun métier ni grand mérite pour l'accaparement de la terre de la collectivité nationale avec leur progéniture et proches, tels des vautours aux serres bien acérées, rêvant de recycler l'argent qu'ils ont facilement réussi à accumuler hors de tout encadrement fiscal et grâce à la bénédiction sinon la complicité de commis de l'État défaillants, pour le moins que nous puissions dire. Ils ont obtenu sans efforts apparents des crédits bancaires qu'ils injectèrent en partie, dans ce qui pourrait ressembler à des « Haciendas » et des « Ranchs » qu'on trouve en grand nombre dans les pays d'Amérique latine, particulièrement en Argentine et au Brésil leurs nouvelles sources d'inspiration et leurs modèles. Ces « vampires », suceurs du sang du peuple, squatteurs et collectionneurs de biens publics (entreprises dissoutes cédées au dinar symbolique, foncier industriel et touristique sans projets achevés, carrières d'agrégats, marchés juteux et constamment surévalués, équipes de « foot » et transferts lucratifs de joueurs par centaines de millions alors que nos stades sont devenus de véritables arènes pour gladiateurs et où la sportivité a disparu ...) ont volé la vedette aux authentiques producteurs et Fellahs de notre agriculture familiale, sans lesquels la production de nos biens alimentaires et agricoles serait en régression constante. Ils les ont relégués au rang de personnages sans intérêt dont on ne parle presque jamais et encore moins dans les médias lourds. Mais aussi, dans les chaînes satellitaires des oligarques qui sont devenues des spécialistes de l'abrutissement des consciences qu'ils veulent contrôler pour asservir davantage une population crédule, ignorante, grande consommatrice d'images malsaines et débilisantes, distillées par des esprits affairistes et moyenâgeux, sans aucune retenue et sans morale ni éducation. Oui ! Le Fellah ce mal aimé, est présent dans les différents écosystèmes de notre riche et vaste pays. Il est ce ksourien qui passe le plus clair de son temps dans son lopin de terre dans la palmeraie, sous la canicule des extrêmes en été, sans « clim » et sous les rigueurs du froid hivernal sans chauffage, en être désespéré voyant mourir à petit feu, sa foggara millénaire qu'il peine seul à réhabiliter par ses propres et modestes moyens. Il est aussi impuissant, face à cette salinisation rampante qui rogne l'espace nourricier des palmeraies non drainées et de surcroît largement bayoudées. Ces espaces de vie auxquels s'adossent des « ksour », sont devenus par abandon, des réserves foncières très convoitées dans ce mythique Touat-Gourara de la complainte du déraciné « d'Ahl Allil », rappelant Marrakech mais sans les vices et les frasques de la jet-set cosmopolites ayant acquis au dirham symbolique les ryads abandonné. Dans cet espace magnifique et sur la route du chapelet des « ksour » ancestraux, des gens nantis, arrogants et conquérants venus d'ailleurs, alors que se croyant tout permis, ont pris option pour la construction de résidences secondaires. Dans tout cela, le chômage et la mal-vie ont fait fuir les plus jeunes qui se sont « recyclés » dans le petit boulot improvisé, de vendeur de thé à la menthe et de « moukasirettes » dans les grandes villes du Nord, eux dont le statut social est à peine un peu plus reluisant que celui de leurs voisins et frères sub-sahariens venus du Sahel africain, avec cette différence qu'à l'inverse de ces derniers, ils ne s'adonnent pas en gens dignes, à la mendicité. Attention vous dis-je ! Il y a là un véritable danger si nos gouvernants devaient continuer à négliger les doléances de ces braves qu'ils doivent apprendre à écouter. C'est là, plus qu'une zone d'ombre dont a parlé le Président de la République ! Plus que cela, c'est un véritable trou noir ! La réaction du Gouvernement se doit donc d'être à hauteur des séquelles et traumatismes profonds laissés dans les consciences de ces citoyens pleins de sobriété et de réactivité, face à la dureté du climat dans ces terroirs où ils s'adonnent sans compter au travail productif, par la faute de gouvernants qui n'ont pas voulu voir venir leur misère, alors que vivant pour la plupart sous le seuil de pauvreté. Ces commis de l'État avaient fait en carriéristes, le choix de tourner leur regard vers les nouveaux riches, ces faux pionniers, ces arnaqueurs devenus des hommes influents qu'ils fréquentaient au grand jour et de solides protecteurs de ceux qui leur permettaient de faire fructifier leurs affaires. Oui ! Le Fellah est aussi ce petit paysan des montagnes et des piedmonts accroché aux maigres arpents de terre déclive souvent labourée à l'araire dans le sens de la pente qui favorise l'érosion. Il vit en compagnie de sa famille, de son maigre troupeau de chèvres, de moutons ou de vaches, de son oliveraie et de ses arbres fruitiers rustiques menacés par les incendies de forêts beaucoup plus criminels que spontanés, comme ceux que nous avons connus ces dernières années. Cette catastrophe semble être l'œuvre d'une « mafia » qui fait un commerce florissant du charbon de bois, non seulement à l'approche de la fête de l'Aïd, mais aussi, toute l'année avec le foisonnement des marchands de brochettes. Il est également ce pasteur en perpétuelle pérégrination et transhumance, en quête de maigres pâturages sur les terres labourées dans les « dayas » par les seigneurs de la Steppe en toute impunité et sans aucun respect des équilibres écologiques, dans cet espace fragilisé et guetté par la désertification qui l'a déjà atteint sur plus de 16 millions d'hectares, au point que les vents de sable peuvent ramener leurs nuages de poussière, parfois jusqu'au pied de la tour Eiffel à Paris. Cette situation préjudiciable et source d'exode et de migration climatiques, est le fait d'esprits tapis dans les institutions de l'État, favorables au lucre et à l'accumulation de richesses faciles. Déconnecté du jeu des échéances et des intrigues politiciennes, le Fellah gardien des terroirs et de l'équilibre écologique reste là, égal à lui même, à trimer dès l'aube naissante au crépuscule finissant sans jamais se plaindre, sinon à prier Dieu pour que son travail soit béni dans l'intérêt de sa communauté en attendant des jours meilleurs qui tardent à venir, pour ce peuple de « pestiférés » que nous sommes devenus malgré nous, comme s'il s'agissait là d'une malédiction, parce que nous sommes réellement menacés de famine. Non ! Il ne faut pas se faire d'illusions ! L'agriculture n'est pas et ne sera jamais l'affaire d'oligarques jouisseurs qui font dans le mimétisme de mauvais aloi ! Elle est plutôt et avant tout, une activité de gens passionnés, proches de la nature. Elle ne saurait se pratiquer correctement et à hauteur du défi d'une nation qui n'a pour seul choix, que le travail de la terre comme alternative durable. Ce défi ne peut-être relevé que par cette authentique paysannerie qui a su établir depuis des siècles, le lien charnel indispensable qui l'ancre à la terre de ses aïeux sans « S'kata » et qui ne cherche nullement à transférer ses bénéfices outre-mer, combien même elle pourrait devenir riche. En cette phase difficile marquée par la parcimonie dans l'utilisation des deniers publics et la préservation des richesses en diminution constante, l'aide de l'État devrait concerner en premier lieu, les ksouriens qui triment pour leur survie et pour le maintien de l'habitat traditionnel voué à la disparition s'ils venaient à migrer, et les montagnards et ceux des piedmonts qui ont eux-aussi, besoin d'activités complémentaires génératrices de revenus (apiculture, petits élevages, transformation du lait, des fruits et légumes, de la laine, des cuirs, de la bruyère, du liège ...), pour rester accrochés aux arpents de leurs terres alors que vivant dans des conditions de précarité difficilement soutenables. C'est cette agriculture familiale de subsistance et dans le même temps de veille territoriale qui a le plus besoin de ses aides et soutiens puisqu'étant à caractère d'utilité publique et s'insérant dans le processus de développement durable de l'agriculture raisonnée. RÉHABILITATION, RENFORCEMENT ET EXTENSION DU SYSTÈME COOPÉRATIF DE PRODUCTION ET DE SERVICES Pour tout le reste, c'est le système coopératif, comme c'est le cas dans les économies agricoles et alimentaires les plus développées et les plus florissantes, qui est à promouvoir pour tout à la fois absorber les dizaines de milliers de spécialistes que l'Algérie a formé à prix fort : agronomes et techniciens, vétérinaires, biologistes, économistes, comptables et gestionnaires, machinistes, informaticiens, financiers... Ces produits de la formation seront à même d'accompagner, encadrer et soutenir la paysannerie. Sans cela, elle ne pourra ni accéder à la nécessaire amélioration de ses itinéraires techniques, ni à l'amélioration de ses systèmes de production pour mettre sur le marché, une ration alimentaire en quantité suffisante, de bonne qualité, issue de l'appareil de production nationale et au moindre coût. Pour s'en convaincre, il faut rappeler qu'en 2015 et pour le seul continent européen, les entreprises coopératives au nombre de 180.000 reposaient sur plus de 140 millions de membres, employaient plus de 4,5 millions de salariés et généraient près de 1.000 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Ce chiffre correspond au PIB de la dixième économie mondiale, le Canada. Dans le monde, ce sont 100 millions d'emplois qui sont créés, soit 20% de plus que les entreprises et groupes multinationaux qui dominent l'agriculture mondiale. Au Kenya, 924.000 agriculteurs tirent un revenu de leur adhésion à une coopérative agricole et la part de marché des coopératives est de 70% pour le café, 76% pour les produits laitiers, et 95% pour le coton. Ils sont quelques 900.000 en Éthiopie et environ 4 millions en Égypte. Aux États-Unis, les coopératives laitières contrôlent environ 80% de la production laitière et, en Californie, la plupart des producteurs de cultures spécifiques sont regroupés au sein de coopératives. En Colombie, la Fédération nationale des planteurs de café fournit un appui à la production et à la commercialisation à environ 500.000 exploitants. En 2005, la Coopérative laitière indienne, qui compte 12,3 millions de membres, représentait 22% de la production laitière de l'Inde. Soixante pour cent de ses membres ne possèdent pas de terres, ou seulement de très petites parcelles, et 25% sont des femmes. Au Brésil, les coopératives pèsent 40% du PIB agricole. Oui ! C'est bien précisément dans cette situation difficile que traverse notre pays, que nous avons le plus grand besoin de réhabiliter nos coopératives de production et de services, elles qui ont été dissoutes prématurément dans les années 80 et toutes les autres, sous la pression du FMI et de la Banque Mondiale. Ce démantèlement des structures coopératives mais aussi des offices de mise en valeur a été fait sans qu'aucun bilan n'ait été établi et sans qu'aucune réflexion et stratégie à long terme n'aient été élaborées pour bâtir une politique nationale en mesure de développer, d'intensifier notre agriculture et améliorer sa production dans le cadre de la diversification de l'économie post-pétrolière. L'État se doit tout d'abord de réarmer et de réhabiliter le peu de forces qui restent de la période de construction d'une base productive nationale. Il s'agit notamment, de ses forces et outils d'accompagnement et de soutien à l'appareil de production national et de création des meilleures conditions techniques, scientifiques et matérielles pour redynamiser les secteurs agricole et de l'agro-industrie. Il doit offrir notamment aux centaines de fermes pilotes que nos gouvernants voulaient brader sous couvert de « partenariat public-privé » et aux coopératives existantes et celles à créer en les dotant des instruments indispensables pour orienter et l'encadrer la production nationale, à travers un vaste et diversifié réseau de coopératives de production et de services, comme c'est le cas dans plusieurs pays dans le Monde et tout près de nous, au Maroc et en Tunisie. Nos agriculteurs et notre agriculture en ont un besoin impérieux ! C'est ainsi, que les principes fondamentaux de la transparence, de la proximité de la participation, de la solidarité, de l'entraide, de l'autonomie, du volontariat et de la démocratie, entre tous les acteurs du secteur agricole, pourront être mis en application. Il est en effet nécessaire et important de développer et de pérenniser à travers ce vaste et durable mouvement coopératif que doivent initier les véritables producteurs agricoles, soutenus et accompagnés par un véritable État régalien doté d'une stratégie de développement et d'un projet cohérent pour le progrès et la sortie réelle de la société rentière du tout pétrole ... L'intervention de l'État doit donc laisser place à l'émergence de nouveaux espaces et instruments de proximité à l'image des Coopératives Polyvalentes de Services (CAPCS) des années 70, en mesure d'apporter une valeur ajoutée réelle au plan technique et économique, un soutien managérial, un accès simplifié au crédit, des prestations de travaux de motoculture, de mise en valeur et une assistance juridique à la profession représentative des véritables acteurs. Pas de ces faux représentants de filières et de branches agricoles, dont le seul dynamisme se limite à commettre des « délits d'initiés » pour accéder aux aides et/ou subventions des multiples « Fonds Spéciaux ». Cette profession enfin réhabilitée et légitimée doit apprendre à défendre ses intérêts dans les nouveaux espaces émergents sans qu'aucune tutelle administrative et encore moins politique et/ou idéologique ne lui soit imposée. Ce n'est qu'à cette seule condition qu'il sera alors possible d'assurer le « dégel » des initiatives des producteurs, la libéralisation de leurs énergies productives et l'émergence d'un « lobby fort » et conscient des enjeux stratégiques du secteur agricole et alimentaire qui pourra porter le message de la différence et des spécificités des terroirs. C'est celà dont a rêvé et appelé de tous ses vœux le Moudjahid Safi Boudissa, ancien ministre du travail et des affaires sociales, Vice-président de la Panafricaine syndicale ouvrière créée en juillet 1957 à Accra, créateur de la première coopérative « Aissat Idir» à Blida, père fondateur du mouvement coopératif en 1963 et président de l'ONG «Ibn el Awam». Il m'attriste de dire, que cet homme intègre à l'âme paysanne, à qui j'ai rendu hommage par un ouvrage1, n'a jamais été ni écouté ni suivi, malgré son dynamisme et sa disponibilité tout au long d'un demi-siècle de travail et d'expériences sans pourtant pouvoir faire aboutir le projet majeur de «Oued Touil» qui lui tenait tellement à cœur et qui aurait pu être une opportunité formidable pour mettre en place et en grandeur nature un système performant de coopération agricole et de services à l'échelle de toute la partie centrale des Hauts-Plateaux sur une étendue de 850.000 hectares... Quel dommage ! Que d'occasions ratées ! 1. « Romance du parcours d'un militant atypique » paru aux éditions Hibr en 2019 |
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