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Jamais, de temps de
confinement, les rues de la capitale et de ses banlieues n'ont été aussi
encombrées par la circulation routière que jeudi dernier, jour de ?leilet echek', veille du mois
sacré de Ramadhan.
La matinée du jeudi dernier a été houleuse en activités commerciales, en achats et ventes de toutes marchandises consommables. Elle l'a été en évidence en nombre de personnes sorties pour s'approvisionner la veille du mois sacré. Rares ont été celles qui portaient des masques de protection contre le nouveau virus qui, dit-on est dans l'air, au vrai sens du terme. Staoueli, Ain Benian, El Karia (les Dunes), Ben Aknoun, El Biar pour aller vers tous ces quartiers, il fallait supporter une circulation routière qui avait bloqué toutes les rues, grandes artères, périphériques. Aller d'un côté vers un autre des quatre coins d'Alger devenait une prouesse. Les véhicules allaient dans tous les sens, là où ils pouvaient circuler, stationner, quitter des lieux pour aller vers d'autres. Pour arriver aux quartiers de l'est d'Alger dans ce brouhaha humain, on devait passer un temps fou. Il est 14h passées et dans les rues de l'immense Cité du 8 Mai 45 de Bab Ezzouar, les commerces et le marché couvert étaient pratiquement assiégés par un nombre impressionnant d'acheteurs, hommes, femmes, vieux, jeunes, enfants. La cohue a commencé aux premières heures de la matinée. Mais dans l'après-midi, tous continuaient de se bousculer devant les marchandises. Pourtant, dès l'annonce du confinement, tout au début de la crise sanitaire, l'on a assisté aux mêmes réactions, acheter tout ce qui tombe sous la main. « Avant, on a acheté les produits non périssables, qu'on peut stocker, légumes secs, pâtes, conserves, lait, mais aujourd'hui, on achète les produits qu'on utilise spécialement pour Ramadhan, épices, viandes, diouls, légumes et fruits frais, dattes, olives, cornichons (....) », nous disait un jeune homme qui avait les deux mains chargées de courses, comme tout le monde. A voir tous les étals des commerces bien achalandés, l'on devrait être rassuré qu'il n'y aurait pas de pénuries alimentaires. Mais les temps sont durs et la vie est imprévisible... Etat des lieux commerçants à l'heure du confinement Il est 16h30 : pas âme qui vive dans cette cité qui avant 15h, heure du début du confinement, était noyée dans ses achats. Personne dans les rues ou presque. Quelques jeunes qui épient les rondes des voitures de police sillonnant les quartiers populaires dès les premières minutes du confinement. Par contre, c'est l'heure où les camions de nettoiement ramassent les énormes quantités d'ordures, légumes et fruits pourris, sacs en plastique entraînés par les brises de vent qui soufflait depuis le matin, cartons défoncés vidés de leurs divers marchandises après le rush des clients dans tous les commerces et marchés couverts. Les agents de nettoiement passaient de ruelle en ruelle et vidaient les poubelles débordant sur tous les côtés, prenaient les sacs d'ordures laissés, ici et là, par des citoyens qui s'entêtent à contrevenir à tout ordre social et de civisme. Les jeunes de la cité ont appris à respecter les horaires de confinement en restant, certes, devant les entrées de leurs immeubles mais en fermant les grands portails. « On met cette chaîne pour que les policiers voient que le portail de l'entrée du parking de l'immeuble est fermé, donc personne ne peut sortir », nous ont expliqué des jeunes, tapis dans la cage d'escalier. L'heure du confinement qui était fixée, jeudi dernier, à 15h est largement dépassée. Nous traversons la route menant de l'aéroport international vers le centre d'Alger. Plusieurs barrages de police interceptent les véhicules qui continuent de circuler. « Salam! », lance le policier au conducteur, avec un salut militaire affirmé. Tous les conducteurs au volant des véhicules arrêtés avaient des autorisations de circuler. « Allah Essahel, Ramadhan moubarak, Allah yestorkom » disait le policier après avoir jeté un œil sur l'autorisation. Corrects, polis, souriants et respectueux, les policiers le sont dans de nombreux barrages dressés partout dans la capitale et ses banlieues. Les routes et rues se sont vidées mais pas complètement. Ceux qui travaillent et ont le droit de circuler sont nombreux aussi. Dans les eaux du port d'Alger, au loin quelques bateaux en rade. Des marchandises qui attendent d'être transbordées vers les quais. Port qui assure 50% des activités commerciales maritimes du pays. Terrible sort pour les jeûneurs des restaurants de la ?Rahma' «Nous avons commandé des moyens de protection divers, nous devons les descendre le plus tôt possible pour les distribuer », nous a fait savoir un importateur bien afféré. «Nous avons un problème pour faire manger pendant Ramadhan nos agents de sécurité, aucun traiteur, aucun restaurant, rien où on peut s'approvisionner en plats préparés», disait-il. L'on pense profondément à tous ceux qui se dirigeaient vers les restaurants de la ?Rahma' pour rompre le jeûne avec une bonne ?hrira' ou ?chorba'. Où sont-ils ? Où vont-ils manger par ces temps de confinement ? Terrible sort pour ceux qui n'ont pas où aller. Des situations qui nouent les gorges et serrent les cœurs. Juste près du port maritime, un sans-abri, un homme au visage sans âge, dormait à poings fermés, au bas d'un banc public, à même le sol. Dieu que c'est triste à mourir de passer devant une scène aussi pénible sans s'arrêter et sans pouvoir faire quelque chose. A quelques mètres, un barrage de contrôle, des jeunes policiers portant masque de protection, arrêtaient les véhicules. Boulevard Zighout, siège de la wilaya, l'APN, plus loin, sous les arcades, la splendide bâtisse abritant le Conseil de la Nation. Pas de bruits, pas d'élus du peuple dehors, pas de passants. Place des Martyrs, toute aussi vide, à part quelques sans-abri que nous observons avec le même sentiment d'impuissance et une douleur qui étreint le cœur. Le monde doit certainement compter sur tous les musulmans pour implorer Dieu, en ce mois sacré, pour qu'il prête aide à tous les malheureux. « Puisse Dieu nous épargner sa colère, nous accorder sa Clémence et éloigner de nous et de toute l'humanité le mal de ce nouveau virus », implorent les Croyants. Beaucoup demandent comment peut-on permettre aux sans-abri et à ceux qui n'ont pas où manger de rompre le jeûne dans des conditions humaines. Le Croissant-Rouge algérien est interpellé en premier pour « peut-être ouvrir un site pour les recenser afin de leur amener à manger », pense-t-on. Le boulevard Emir Khaled est d'une propreté étonnante. Les poubelles vidées sont bien alignées et repoussées aux murs. Du haut de ces belles maisons tout au long du côté gauche du Bd, la splendide vue sur mer donne envie de s'évader. La ?zlabia' vendue dans les coffres des voitures Mais tous les cieux se ressemblent dans un monde matérialiste menacé aujourd'hui par un virus. Nous traversons Bologhine, passons par Raïs Hamidou où la mortelle cimenterie semble à l'arrêt ou simple impression peut-être. Encore des barrages de contrôle qui arrêtent tous les véhicules. Les agents du camion de nettoiement travaillent dur. Parfois même avec des poubelles vides, les quartiers semblent sales et délabrés. Quelques marcheurs bravent le confinement. Ce sont des habitants de la grande rue de Miramar qui font quelques pas pour ne pas «rouiller» sous le poids du temps à ne rien faire. Un jeune s'est contenté de se mettre debout à sa porte d'entrée avec son caniche noir sous le bras. Cette belle contrée du littoral algérois Est laisse rêver à un été où la vie reprendra ses droits... Hamamet en plein « ménage,» elle aussi, avec le passage des agents de nettoiement. Bainem, quartier appelé cimentière, plus loin St Cloud (!?!) sont noyés par un soleil apparu après les fortes pluies du mercredi. Le Grand Rocher, juste à l'entrée de la commune de Ain Benian, comme si la route appelle à respirer du fond des poumons, bordée qu'elle est de palmiers et de différents arbres d'un vert rafraîchissant, vivant, propre qui rappelle que le printemps est bien installé. Des bougainvilliers fleuris et d'autres arbustes préservent l'espoir de revivre continuellement. Hier, vendredi, les commerces sont (re)pris d'assaut par les clients. Tout s'achète tout se vend dans ce mois où les yeux mangent grossièrement avant le ventre. La fameuse ?zlabia' a fait son apparition dans les rues commerçantes. Il faut juste regarder du côté des voitures qui gardent, la porte de leurs coffres ouverte. Balance placée sur une chaise, le vendeur enfonce sa tête dans le coffre de la voiture, sans masque, sans gants, pour en sortir la ?zlabia', la peser et la remettre aux clients qui commençaient à affluer. |
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