![](https://www.lequotidien-oran.com/files/spacer.gif)
Au moment
où des images terribles de morts par centaines enterrés dans des fosses
communes dans la ville de New York faisaient le tour du monde, la télévision
algérienne nous parlait de ces hordes de chiroptères suceurs du sang du peuple,
pris avec des quantités astronomiques de produits alimentaires détournés et
cachés dans des sortes de cavernes d'Ali Baba. C'est que même ce virus, qui
terrifie la planète entière, ne leur fait pas peur à cette engeance de
prédateurs bipèdes, que l'Etat, même occupé à plus urgent, combat sans merci
sans arriver à lui tordre le cou. Le mois, supposé être celui de la
spiritualité et du partage, n'est plus qu'à quelques jours, et la situation
risque d'aller de mal en pis. Attirés par leur goût maladif du lucre, cette
race des chiroptères à visage humain veut s'enrichir à tout prix, exhibant sans
retenue les signes ostentatoires de l'argent facile et malodorant, extorqué aux
plus faibles. Si au moins cette catégorie, qui grossit à vue d'œil, de nantis
recyclait les surplus engrangés du fait de la défaillance des services publics
dans la production de biens ou dans la création de nouvelles richesses. Même
pas. Ils en sont, à n'en point douter, intellectuellement et culturellement
incapables. Les néo-millionnaires de ce pays ne forment pas une bourgeoisie
entrepreneuriale mais une engeance de nouveaux riches sans attaches ni
références. La seule contribution sociale et le seul indice -spécieux- d'une
problématique spiritualité consistent, parfois, à laver sa conscience en
finançant la construction de lieux de culte, histoire sans doute de se faire
une nouvelle virginité et s'assurer une place en classe «affaires» dans
l'au-delà. L'exhibition au grand jour de ces fortunes fulgurantes fait partie
aujourd'hui de la « normalité », un spectacle habituel, dans un pays où
l'effort n'a jamais reçu une médaille de mérite. L'ostentation de richesses,
amassées à l'ombre d'un désengagement tacite de l'Etat-mamelle qui aura trop
duré, ne suscite même plus l'indignation de ceux qui, le couffin douloureux,
voient passer au volant de grosses cylindrées les rentiers du désordre ambiant.
A l'image
de ces médecins héroïques, moins bien payés que leurs collègues de certains
pays africains plus pauvres, qui prennent, des bleus dans l'âme, le chemin des
hôpitaux au péril de leur vie, des toubibs toujours dédaignés par cette
engeance d'anthropophages qui, sans s'user les culottes sur les bancs de
l'école, jouissent d'un statut social beaucoup plus valorisant. Quel pays,
quelle société voulons-nous dans un tel état d'esprit ? N'importe quel mercanti
ou négociant en tout-venant dispose d'un revenu infiniment supérieur sans avoir
passé des années à ahaner à la tâche. A l'ère de la doxa implacable des
néo-opulents, il en va ainsi des peuples et des sociétés qui se forgent les
modèles qu'ils peuvent?