Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

LE TROC INCONGRU

par Abdou BENABBOU

Quelle signification et quelle justification peut-on trouver à cette extravagante vente aux enchères du griffonnage sur un bout de papier d'une chanson acheté avant-hier à près d'un million de dollars ? Les Beatles sont certainement des idoles reconnues, mais de là à accorder à leurs babillages des élans qui déconcertent grandement est une insulte à la conscience humaine. L'art est à aduler et les grands artistes méritent tous les honneurs, mais les débiles emportements financiers ne peuvent pas être des témoignages qui souffrent d'une débilité outrancière en incendiant sans mesure des millions de dollars quand plus de la moitié de la population mondiale crie famine. Les ventes aux enchères du genre dans cette terrifiante étape que traverse l'humanité sont un affront colossal à l'adresse de l'espèce humaine. La débilité et l'inconséquence flagrante des nantis n'ont donc pas de limites et il est à croire qu'ils ne se rendent pas compte qu'une richesse n'a aucun sens sans la primaire reconnaissance de ceux qui souffrent et que l'apparent bonheur limité à une minorité n'a qu'un réconfort passager.

Les Beatles comme sans doute Picasso, Chopin ou Rembrandt ne demandaient pas une telle reconnaissance dénaturée qui ternirait une gloire dès lors qu'elle devient monnayable provoquant de profondes entailles à sa vraie valeur. Grande doit être la souffrance des génies disparus et dans leurs tombes ils doivent se retourner quand leurs œuvres sont soumises au chichi financier des criées alors que les catastrophes naturelles sont en passe de donner un nouveau visage au monde. Parce que leur génie et l'avancée de leurs créations ont eu sans conteste comme base et comme matières premières une surdose d'humanisme pour que la terre soit un éden pour tous. Ils ne se sont pas évertués à mettre en relief leur passion pour la vie pour qu'elle soit objet de trocs incongrus.

Pourtant face aux gabegies déconcertantes et coutumières, et en la circonstance présente, la pandémie aveugle qui va jusqu'à titiller sans distinction des chefs d'Etat dans leurs âmes et dans leurs corps doit être reçue comme une superbe leçon de retenue, d'entraide et de désintéressement matériel.