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Débat serein et «fitna»

par Abdelkrim Zerzouri

Le rappel à l'ordre de deux ministères, les Affaires religieuses et la Communication, aux chaînes de télévision satellitaires concernant les fetwas qui sèment la « fitna » à propos de la fermeture des mosquées, s'est-il écarté d'un débat religieux serein, inévitable, dans le cadre de la liberté d'expression, ou tombe-t-il à pic pour fermer les canaux médiatiques, lourds notamment, devant ceux qui veulent semer la zizanie à propos de cette décision ? C'est compréhensible que les pouvoirs publics appréhendent la distillation de telles idées dans des moments où il est indispensable de mobiliser toutes les énergies dans le cadre de la lutte contre cet « ennemi de l'humanité », le Covid-19 en l'occurrence, ou pensent que le moment n'est pas à la tergiversation, mais la riposte reste tonitruante contre des médias entièrement engagés, faut-il le reconnaître, dans la sensibilisation contre la propagation du coronavirus.

Plus qu'un rappel à l'ordre, il s'agit d'un reproche très autoritaire, qui dicte à ces médias ce qu'il y a lieu de faire en pareille situation, soit obtenir une autorisation préalable du ministère des Affaires religieuses avant de passer toute contribution, toute intervention et toute consultation en matière d'exégèse. Les chaînes de télévision satellitaires privées ainsi que certains autres supports médiatiques écrits, arabophones notamment, doivent-ils dans cet esprit se séparer des ?chouyoukhs' qui tiennent des rubriques religieuses dans leurs programmes ? On aurait pu orienter les concernés dans le sens d'un traitement professionnel de la question en toute discrétion, sans étaler aucun autoritarisme, du moment que les tribunes médiatiques et les occasions de faire passer leur message ne manquent pas à ceux qui veulent critiquer la décision de fermeture des mosquées.

Qu'on le veuille on non, de toutes les mesures prises par les pouvoirs publics dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, la décision de la fermeture des mosquées, l'interdiction de la prière du vendredi et de toute prière en groupes, fait le plus figure de sujet à polémique au sein des citoyens. Pas seulement en Algérie, mais à travers tous les pays musulmans. La décision a été différemment appréciée par les fidèles. Certains ne trouvent rien à redire, estimant que c'est tout à fait normal de procéder à la fermeture temporaire des mosquées pour éviter de mettre en danger la vie des personnes en ce temps de coronavirus. Ces avis conviennent que la religion musulmane n'impose pas cette forme de prière en cas de situation particulière et rappellent que la prière dans les mosquées sera rétablie, tout comme le retour à la « normale » dans de nombreux autres secteurs touchés par des restrictions des

libertés, dès que les autorités compétentes décideront du retour à la normale de la situation sanitaire.

D'autres, adeptes du courant salafiste, particulièrement, ne partagent pas ces avis et ils ont tenté à coups de hadiths et de références historiques de faire entendre que les mosquées ne doivent être fermées sous aucun prétexte. Ces derniers ont exprimé leur opinion de différentes façons et sous différentes formes, allant de ceux qui ont accompli la prière en groupe devant des mosquées fermées à ceux qui ont privilégié les tribunes médiatiques, à travers des interventions sur les chaînes de télévision et sur les réseaux sociaux. Sans rien changer à la réalité, fort heureusement. Les mosquées demeurent fermées, pas de prière du vendredi ni prière en groupe. Plus rassurant encore, les citoyens en général n'ont pas été trop influencés par ces avis contraires à la tendance. Enfin, il y a tout juste lieu de souligner que la fermeture des mosquées n'est qu'une mesure préventive et que, dans un autre stade d'état d'urgence sanitaire, qui imposerait un confinement stricte et général de la population, qui penserait à accomplir sa prière dans la mosquée ?