Depuis l'apparition de ce virus mortel à Blida, il y
avait comme une incompréhension, comme un rejet de cette vérité, les citoyens
refusaient d'y croire, certains se rappelaient les grippes aviaire et porcine,
le choléra et se disaient qu'on n'en est pas mort, même s'il y en qui l'ont
été. Il y a aussi cette pensée qui veut que « cela n'arrive qu'aux autres »,
qui est ancrée dans notre subconscient et qui nous fait repousser tout ce qui
est un peu lointain de nous. Mais il y a maintenant trois ou quatre jours, avec
l'augmentation du nombre de personnes atteintes, avec les premiers décès et les
mesures draconiennes prises par l'Etat, particulièrement la fermeture des
établissements scolaires et de formation, les gens ont commencé à se rendre
compte que les choses sérieuses avaient commencé. Les discussions passionnées,
reprenant souvent la rumeur et les réseaux sociaux, tournent toutes autour de
cette maladie qui nous est tombée dessus de manière très rapide. Alors que les
Algériens regardaient avec étonnement tous ceux qui portent une bavette ou des
gants, c'est devenu maintenant chose courante. Le liquide pour se laver les
mains se trouve à l'entrée de nombreuses institutions, entreprises, commerces
et rares sont ceux qui refusent de l'utiliser.
Quand vous
rencontrez un ami ou une connaissance, vous ne lui serrez plus la main comme
avant mais c'est avec les coudes que nous nous souhaitons le bonjour ou avec la
main levée, de loin. Quand quelqu'un tousse, éternue ou se mouche, tout le
monde le regarde avec suspicion, aurait-il attrapé le virus et ce serait là les
premiers symptômes ? Dans l'ignorance de la vérité, chacun préfère se tenir
loin de lui. Une vidéo a aussi circulé sur les réseaux sociaux montrant un
homme avec une bavette, étendu par terre après un malaise, mais personne n'osait
s'approcher de lui pour le relever ou lui porter assistance, la peur était
maitresse des lieux. Les routes sont plutôt désertes, même l'autoroute qui va
de Zeralda à l'aéroport en passant par Ben Aknoun et la Cote était presque vide alors que, d'habitude,
nous ne pouvions l'emprunter qu'en roulant pare-chocs contre pare-chocs et à
peine si nous pouvons engager la deuxième vitesse. Tout le monde sentait un
poids qui lui étreignait la poitrine, une peur insidieuse s'est installée et
nous nous surprenons à regarder les autres avec crainte. Il y a aussi un autre
phénomène que nous ne voyons d'habitude qu'à la veille du Ramadhan ou lors des
fêtes, c'est l'achat effréné de produits alimentaires. Dans les supérettes,
dans les épiceries, chez les grossistes, c'est la même image : des gens avec
d'innombrables sacs en plastique pleins de denrées alimentaires de tous genres,
à commencer par les haricots blancs, les lentilles, les pâtes, le sucre et tout
ce qui peut être emmagasiné ! C'est une véritable razzia qui a été opérée en
l'espace de deux jours seulement.