Le chef de service de médecine interne du CHU «Tidjani Damerdji», le Pr Ali Lounici, qui dirige le laboratoire de recherches sur le
diabète à la faculté «Benaouda Benzerdjeb»
de l'Université «Abou Bekr Belkaïd»,
a indiqué lors d'une brève entrevue que l'infection liée au coronavirus est
responsable d'une pandémie très inquiétante qui se propage actuellement à
l'hémisphère nord d'est à l'ouest. «La gravité de cette infection est liée à
l'atteinte pulmonaire qui peut parfois nécessiter une assistance respiratoire
(respirateur artificiel). Les pays riches et développés sur le plan sanitaire
comme la Chine, la France, l'Italie et l'Espagne ont été débordés et leur
système de santé rompu», a-t-il insisté. Concernant
l'Algérie, M. Lounici a souligné que des experts
scientifiques ont évalué le risque d'exposition au virus en Afrique. «Notre
pays a été classé avec l'Afrique du Sud et l'Egypte comme les pays à très haut
risque sur la simple constatation du trafic aérien très dense entre ces pays et
les régions infectées en Chine durant l'année 2019. D'autre part, les 3 pays
les plus touchés en Europe sont juste de l'autre côté de la Méditerranée où le
mouvement de personnes est extrêmement dense. De ce fait, nous pensons et nous
émettons l'hypothèse que les cas déclarés par le ministère de la Santé et de la
Réforme hospitalière dans notre pays sont loin de la réalité sur le terrain. La
première raison est l'accès au test diagnostic qui est très limité. A titre
d'exemple, le CHU de Tlemcen a bénéficié de 10 tests. De plus, nous n'avons pas
d'information sur les performances diagnostiques de ce test, à savoir la valeur
prédictive négative et la probabilité d'être non malade quand le test est
négatif». Le professeur Lounici a par ailleurs ajouté
que les centres hospitalo-universitaires ont besoin de plus de tests fiables,
pour pouvoir dessiner une cartographie épidémiologique de l'infection par
coronavirus et connaître les foyers et le mode de propagation pour pouvoir
anticiper avec des actions préventives efficaces (le confinement). «Comme aucun
système au monde ne peut faire face à une demande extrêmement importante de
respirateurs et de consommables liés à la ventilation mécanique qui peut durer
jusqu'à un mois. Sachant que le système de santé en Algérie est complètement
désorganisé en temps normal et le seul moyen efficace pour lutter contre la
propagation de l'infection par le coronavirus est l'adoption de mesures
préventives que sont les gestes barrières». L'infection par le coronavirus est
responsable, selon notre interlocuteur, de 20% d'hospitalisation et 5% de
personnes atteints nécessitent une ventilation assistée. Tandis que la
mortalité est estimée entre 1 et 2% selon l'expérience chinoise. Les personnes
ayant un diabète avec des complications semblent en effet particulièrement
vulnérables en cas d'infection au Covid-19. Les complications sévères
s'observent essentiellement chez des patients fragiles, notamment les personnes
âgées, les sujets porteurs de maladies chroniques, telles que les maladies
cardiaques, l'hypertension, le diabète, la bronchite chronique, le tabagisme et
les rhumatismes inflammatoires. La mortalité est donc plus élevée chez le
diabétique. Elle est estimée entre 7 et 10% selon des études, explique-t-on.
Ainsi, le Pr Lounici et ses collaborateurs ont pris
l'initiative de sensibiliser et de protéger les patients ayant des pathologies
chroniques comme le diabète, l'hypertension artérielle et les pathologies
rhumatismales. «Nous avons pris la décision de réduire au maximum les
hospitalisations, les explorations et les consultations dans le but de protéger
les patients et les personnels soignants du service.
Nous conseillons fortement aux patients d'éviter les
déplacements surtout à l'hôpital sauf en cas de nécessité après avoir contacté
le médecin traitant». En conclusion, le professeur Lounici
a affirmé que l'Etat doit impérativement protéger les soignants, quel que soit
le coût, pour qu'ils puissent prendre en charge en toute sécurité leurs
patients. «Tous les professionnels de santé doivent être dotés en masques de
type FFP2, la solution hydro-alcoolique doit être disponible avec multiplication
des points de distribution dans tous les services hospitaliers, le test
diagnostic doit être accessible au niveau de tous les centres
hospitalo-universitaires. Il faut surtout prévoir le maximum de respirateurs,
car le nombre ne peut être estimé que si on a un nombre de cas fiables. L'Etat
algérien doit débloquer tout le budget nécessaire sans compter pour protéger la
population».