|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
L'Italie est, après la
Chine, le deuxième pays où le coronavirus a fait le plus de victimes. Ce mardi
10 mars, 10149 cas de contamination et 631 décès y ont été recensés, des suites
de la propagation de ce virus qui fait trembler des millions d'êtres humains et
vaciller Wall Street.
Le Premier ministre italien Giuseppe Conte a signé, il y a quelques jours, un décret qui impose des mesures de confinement draconiennes à tous ses compatriotes. Les Italiens sont ainsi appelés à éviter les déplacements à l'intérieur du pays, et tous les rassemblements y sont désormais interdits. Nous avons demandé à M. Amirouche Noureddine, un Algéro-Italien qui habite Bologne, au nord de l'Italie, par ailleurs président d'une association d'aide aux enfants non-voyants algériens, dénommée «Une canne pour l'Afrique», d'apporter son témoignage sur la grave crise sanitaire que vit son pays d'accueil et sur ses répercussions sur sa vie personnelle. D'abord, notre interlocuteur, même s'il ne conteste pas les chiffres concernant l'Italie que nous venons de rapporter, se dit scandalisé par le sensationnalisme dont fait preuve la presse mondiale pour parler d'une situation certes dramatique mais maîtrisable. Il précise que «les personnes décédées sont toutes âgées avec une santé fragile. (L'année dernière, la grippe saisonnière a fait 5000 morts en Italie). Pendant ce temps-là, nos amis Français se moquent des Italiens en parlant de «pizza Corona virus». «Ici à Bologne, témoigne-t-il, il y a eu jusqu'ici 86 cas de contamination au coronavirus. Ce dernier circule surtout dans la région Veneto (Venezia, Padova, Treviso) et la région lombarde (Milano, Lodi, Codogno). À Bologne où je réside, les restaurants sont néanmoins quasi-vides. Nous sommes allés diner, avec ma femme et un autre couple, vendredi dernier, dans un restaurant, on était les seuls clients. La patronne était presque en pleurs. Les rues de Bologne sont désertes. Les cafés sont presque tous fermés. Nous avons beaucoup de cafés chinois en Italie. Tous les chinois portent des masques depuis la première alerte au coronavirus en Chine. Aucun Chinois de Bologne n'a été contaminé, à part un couple qui était rentré de Pékin, qui a été hospitalisé et qui est maintenant sorti des soins intensifs. Aujourd'hui, en Italie, lorsqu'on trouve un café ouvert, on peut y prendre une consommation mais en gardant au moins un mètre de distance avec son plus proche voisin». «Les salles de sport comme les piscines ont également fermé leurs portes. Seuls les pharmacies, les stations d'essence, les supermarchés fonctionnent normalement. Parfois, je vais faire aussi des courses pour venir en aide à des voisins âgés qui ne peuvent pas les faire eux-mêmes. Par précaution, je ne rentre pas chez eux. Je laisse les achats devant leur porte. Lorsque je vais au supermarché, je prends soin de ne toucher personne». «Avant que l'Italie entière ne soit mise en quarantaine, ce mardi 10 mars, on a assisté à des choses étranges dues à la panique. Des milliers de personnes résidant dans des zones dites rouges, infectées par le coronavirus (comme la ville de Milan) ont voulu se réfugier ailleurs et se sont retrouvés, en fin de compte, dans d'autres zones dites rouges. Milan s'est vidé en une nuit ! Les Italiens sont un peu bizarres. Ils se jettent volontiers dans la gueule du loup». «Moi, je n'éprouve pas de peur particulière, ma famille, non plus ! Mais on a changé notre mode de vie. On ne sort plus en ville pour aller voir un spectacle, on ne va plus à la piscine, mais ce n'est pas très grave. Moi je joue habituellement au football, avec des vétérans. Et bien, on ne le fait plus ! Pour sortir hors de la commune de Bologne, et aller dans une autre commune, il faut aujourd'hui une autorisation. On l'a télécharge à partir du site internet d'un organisme gouvernemental. Comme je travaille dans la commune de Zola Predona, à 5 km environ de Bologne, j'ai besoin de cette autorisation pour prendre le train. Car il y a des contrôles à la gare. Je dois présenter, en plus de cette autorisation, ma fiche de paie. Lorsque je sors de mon domicile, je porte un masque et des gants. Beaucoup de gens travaillent aujourd'hui à partir de chez eux, en «smart working». «Depuis plus de 15 jours et jusqu'au 3 avril prochain, les écoles, les universités, les cinémas, sont fermés, et pas seulement à Bologne mais dans toute l'Italie. En général, les gens ne font le test du coronavirus que s'ils ressentent des symptômes. Il faut alors appeler un numéro fixe et gratuit, et un médecin vient vérifier à domicile. On ne peut pas se rendre directement à l'hôpital afin de n'infecter personne. Les tests ainsi que la prise en charge des malades sont gratuits en Italie. J'ai remarqué que les facteurs distribuaient toujours le courrier mais ils laissaient tout dans la boîte aux lettres!». «Pour conclure. Je voudrais vous dire une chose : Je ne comprends pas cette peur apocalyptique d'un virus dont la mortalité est de 2 ou 3 %, cette atmosphère de fin du monde qui s'installe actuellement en Europe. Les Européens qui se sentent angoissés, j'aimerais les accompagner en Syrie pour regarder les bombes tomber sur des enfants, ou bien dans les hôpitaux d'enfants cancéreux qui gardent, malgré tout, une immense envie de vivre, ou bien je leur dis de venir jouer avec moi, au football, en compagnie d'enfants aveugles, en Algérie ou ailleurs. Dans trois mois, la vie redeviendra «normale», n'est-ce pas ? Mais malheureusement pas pour tout le monde!». |
|