C'était dans la nuit du 5 au 6 mars 1956 que le moudjahed Abderrahmane Bensalem
avait décidé de déserter sa garnison en stationnement dans un casernement près
de Khemissa (Souk Ahras),
avec armes et bagages, à la tête d'une trentaine de soldats algériens dont un
européen, qui avaient convenu de rallier les rangs des unités combattantes de
l'ALN. Cet officier baroudeur, originaire de Bouhadjar
située à l'extrême est du pays, était forgé au combat à travers son
appartenance aux «tirailleurs algériens» lors de la seconde guerre mondiale,
bravant héroiquement les hordes hitlériennes de l'Afrika Corps de Rommel. Après la victoire sur la nazisme et le désenchantement provoqué par les sanglants
massacres du 8 mai 1945, il prolongea d'instinct sa présence au sein de l'armée
coloniale, jusqu'à cette action de rébellion et de désertion méticuleusement
préparée depuis la proclamation du 1er novembre 1954. Devant cette surprenante
défection, le commandant de la place militaire de Souk Ahras
avait engagé une implacable poursuite contre «ses soldats déserteurs, qui
avaient osé aussi vider l'arsenal d'armement de la caserne». A la faveur de la
nuit et des maquis très denses de la région, la résistance des «rebelles» a été
des plus farouche pour faire subir des pertes
considérables dans les rangs de leurs poursuivants. A la levée du jour, la
soldatesque coloniale reprenait la traque dans une opération de grande
envergure, soutenue par l'aviation et des troupes au sol, ratissant les monts
et les vallées de la région d'Oued Cheham, sans
parvenir à retrouver le «lieutenant arabe» et sa section dissidente qui
s'étaient évanouis dans la nature. La rage meurtrière de l'armée coloniale
s'était déversée sur la population civile des mechtas environnantes, regroupant
365 personnes dont des femmes et des enfants, au lieudit Besbassa,
dans la commune de Dahouara. Les innocentes victimes
ont été alignées et mitraillées à bout portant, à titre de représailles. Le
soldat français ne peut s'exhiber que devant les civils désarmés et c'est
l'instinct nazi de l'extermination qui avait guidé cet assassinat collectif de
femmes, enfants et vieillards sans défense. Cet acte odieux accompagné d'un vil
incendie des corps, ne fut qu'un remake de la sombre journée du 12 mai 1945, où
le sinistre sous-préfet de Guelma organisa un supplice théâtral et lent contre
les civils d'Oued Cheham (ex Villars), avec un
peloton d'exécution milicien, à qui il avait crié:
«Vengez-vous! Mrs les colons». Aujourd'hui encore, l'école de l'histoire
coloniale continue de claironner les refrains sur les «bienfaits» de la
colonisation qui avait duré 132 ans à distribuer les massacres collectifs, les
razzias, les enfumages, les exécutions sommaires, les scènes de torture et
autres formes d'exactions déshumanisante, menant jusqu'au génocide identitaire.
En effet, il nous importe peu que l'ancienne puissance coloniale manipule la
sémantique controversée en refusant de voir son passé en face, car l'Histoire
qui avait déjà retenue que le colonialisme est un crime contre l'Humanité,
retiendra aussi sur ses pages indélébiles qu'aucun ersatz ne pourrait
décomposer la mémoire immortelle des peuples. Nos commémorations seront
toujours ponctuelles pour que nul n'oublie, et par devoir de mémoire, l'on doit
rendre plus lisibles toutes les strates de notre histoire et du long combat
mené par notre peuple, poussé par une foi inébranlable, afin de se libérer de
l'oppression séculaire et brutale d'un colonialisme foncièrement criminel, qui
avait voulu lui extirper jusqu'à sa mémoire pour lui dénier toute identité. En
cette journée commémorative du 64ème anniversaire de ce sanglant massacre
perpétré froidement contre la population algérienne, c'est le peuple qui se
rend devant le mémorial érigé sur les lieux du crime colonial. Ceci présente la
haute distinction qui tend à enrichir nos jalons et repères historiques, afin
de préserver les symboles des sacrifices consentis par les enfants de ce pays,
dans le but de se délivrer de l'asservissement et d'accéder dans la dignité, à
une souveraineté méritée. La journée a été l'occasion pour les autorités
locales de s'enquérir de l'état d'avancement des travaux du développement local
dans cette contrée rurale qui a bénéficié de diverses opérations d'amélioration
des conditions de vie des citoyens.