À l'école St Augustin d'Oran, plus précisément à Bouisseville, je m'étais rendu compte que je ne dirai jamais «Eurêka» comme Archimède devant un problème scientifique ardu et que je n'arriverai jamais au talon d'Achille.

On dit que l'âge mûr arrange les choses mais on dit également que l'exception confirme la règle, ce sera mon cas bien des décennies plus tard. En considérant que la navigation et la capacité à se diriger dans les mers et océans furent inhérentes à la puissance de nombreuses civilisations, je vais raconter une anecdote qui me place justement dans cette exception.

Je réside en France depuis quarante-cinq ans et, lorsque l'âge fut venu, il faut bien qu'il me serve à quelque chose, la montée en grade et sa rémunération m'avaient permis de me rendre en Espagne annuellement, dans sa partie méridionale. Ce qui me rapprochait de mon pays natal et du soleil de ma jeunesse sur la plage de Bouisseville.

Alors depuis plus de deux décennies, lorsque je me retrouve au bord de la plage, je ne peux m'empêcher de regarder l'horizon en me disant qu'à son extrémité il y a Bouisseville.

Que faites-vous lorsque vous êtes au sud de l'Espagne, au bord de la mer, pour retrouver la direction de Bouisseville ? Instinctivement regarder droit devant vous car l'Algérie, sauf erreur de ma part, je n'étais pas aussi nul en géographie qu'en maths, se trouve au sud de l'Espagne, pour ce qui est de sa partie sud-est.

Mais voilà qu'un jour les smartphones et leurs centaines d'outils arrivent, notamment avec le GPS et la boussole. J'ai alors eu l'idée de les consulter et quel n'a pas été mon effroi de m'apercevoir que depuis un quart de siècle je laissais ma nostalgie se réveiller en face de... l'Arabie Saoudite.

Depuis tout ce temps je faisais mon pèlerinage annuel sans m'en apercevoir. Et oui, j'avais oublié qu'une côte maritime n'était pas rectiligne mais avait souvent des parties dont l'orientation cardinale était totalement modifiée, de la position horizontale on pouvait même se retrouver à celle de la verticale.

Au final, je ne serais même pas Ulysse, le grand navigateur de la mythologie grecque, car je ne retrouverais jamais mon chemin dans toutes les eaux du monde. Les Grecs anciens, ce n'est franchement pas la référence qu'il faut me rappeler pour me remonter le moral.

Mais je ne quitterai pas cette rubrique et le lecteur sans lui dire le dernier espoir auquel je peux me raccrocher. Je me languissais de la nostalgie de Bouisseville en regardant vers l'Arabie Saoudite mais le grand explorateur génois Christophe Colomb n'était pas plus doué.

Il s'est rendu en Amérique en pensant que c'était les Indes. Pauvre de lui, aussi nul que moi !

Conclusion, ce n'est pas la direction que vous regardez qui compte mais l'illusion de ce qu'elle suscite en vous. Tiens, me voilà aussi philosophe que Socrate raconté par Platon. Les Grecs antiques se sont-ils mis enfin à regarder dans ma direction comme je regardais celle de Bouisseville ?