Par
quoi devrait passer la relance du cinéma ? Par une prise en charge sérieuse de
la situation catastrophique des artistes. Que serait le 7e art sans les
artistes ? Hélas, le film dramatique des artistes, tiré de faits réels, est
occulté par ceux qui tentent de mettre le doigt sur le mal du cinéma et lui
trouver remède. Ainsi, producteurs, techniciens du cinéma et animateurs de
ciné-clubs sont unanimes sur la question, pour donner vie à ce créneau, il est
impératif de récupérer les salles de cinéma, mettre en place des réseaux de
distribution de films et créer des espaces de travail dédiés aux ciné-clubs, estime-t-on.
Sans
prêter la moindre attention à l'élément clé du cinéma, à savoir l'artiste qui,
lui, par grandeur d'âme souffre en silence de tous ses maux. Le
diagnostic établi par ces professionnels du secteur, donc, lors d'une récente
rencontre organisée par le ministère de la Culture et présidée par le
secrétaire d'Etat chargé de l'Industrie cinématographique Bachir Youcef Sehairi, reste incomplet tant qu'il n'a pas fait référence
au drame vécu par les artistes, qui se trouvent au bout du rouleau, au stade de
ne plus pouvoir assurer le minimum alimentaire des leurs, et qui sont rattrapés
l'un derrière l'autre par des malaises synonyme des tensions professionnelles
longtemps refoulées, dont des maladies cardiovasculaires, d'hypertension et de
diabète. Certes, les pouvoirs publics font montre d'une nouvelle vision
qui exprime l'importance accordée à ce secteur, mesurant son poids économique
et son influence positive sur l'imaginaire collectif, mais cette bonne
attention reste amputée de l'essentiel, ce pas simple à faire pour sauver du
naufrage les artistes, sans lesquels le cinéma pataugera plus longtemps encore
dans le marasme. Présente lors de la rencontre en question, la ministre de la
Culture Malika Bendouda, au courant des petits et
grands détails de son secteur, comme nous l'ont confié des artistes, a
clairement souligné cette volonté politique exprimée au plus haut niveau de
l'Etat pour développer le cinéma, qui s'est traduite, justement, par la
création du secrétariat d'Etat chargé de l'Industrie cinématographique, sans
prononcer le moindre mot sur la nécessaire amélioration de la situation
socioprofessionnelle des artistes. Le président Tebboune,
qui est à l'origine de tout cet intérêt pour le cinéma, n'a pas manqué
d'insister dans ce sens, à plusieurs reprises, sur le rôle du cinéma dans le
traitement de plusieurs phénomènes de nature sociale, à l'exemple de
l'émigration clandestine (Harga) et autres
concrétisations de projets cinématographiques de dimensions historiques. Mais,
l'artiste reste absent dans ce discours. C'est dans ce cadre occultant un
acteur principal que le secteur commence un peu à explorer les voies et moyens
pour donner la lumière aux salles sombres, sans prendre conscience que c'est le
moment opportun pour faire obligeance au rôle des artistes dans la relance du
cinéma. On s'est attaqué promptement aux questions matérielles, dont l'absence
des salles de cinéma et la vétusté du matériel de projection qui entravent
toute velléité de relance du secteur. On a également préconisé une judicieuse
organisation d'ateliers de formation pour les cinéastes amateurs et le
règlement du problème des visas d'exploitation des films algériens, dont la
procédure est jugée «lourde» et restrictive pour la liberté de créer. Il s'agit-là de démarches justes et fondées, car le cinéma a été
complètement asphyxié sur le plan matériel, non pas par manque de moyens
financiers, mais par le fait d'une mauvaise gestion des budgets colossaux
consacrés à cette filière. Mais, est-ce seulement cet aspect matériel qui fait
défaut à la relance du cinéma algérien ? L'artiste est le pivot de ce programme
qui cherche à sortir de l'ombre le cinéma. Il faut impérativement lui accorder
le statut qui est le sien avant de parler de divertissement et d'œuvres
cinématographiques.