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Dans
un monde de plus en plus déboussolé et obsédé par la force, le pouvoir,
l'argent et la puissance, il n'est guère étonnant que l'exercice de la liberté
d'opinion, de la liberté d'expression et de la liberté de l'information, bien
que reconnu comme partie intégrante des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, pose problème.
Sous toutes les latitudes, les libertés confisquées et les droits bafoués suscitent angoisses, craintes et appréhensions. Partout le même néant, les mêmes impasses, face aux périls croissants qui pointent à l'horizon et au mutisme ahurissant de la communauté internationale dont les ondes de conscience ne s'agitent plus depuis belle lurette. Un journal entier ne suffirait pas à recenser tous les crimes et délits, toutes les tragédies et tous les malheurs endurés durant la seule année écoulée. Comment, à voir tout le sang qui coule encore, en Afghanistan, en Palestine, en Irak, en Syrie, au Yémen, en Libye et ailleurs, ne pas se rallier aux prédictions des futurologues patentés pour qui, les larmes versées et les tragédies endurées à ce jour, ne sont que les prémisses des drames horribles que concoctent, en ce moment même, les potentats parachutés à la tête des Etats. Téléguidés et bien protégés par leurs puissants tuteurs, ces monstres à visages humains affutent leurs armes et consolident leurs carapaces d'indifférence. Forts lorsqu'il s'agit d'imposer, avec une morgue sans pareille, leurs règles d'airain et implacables lorsqu'il s'agit de réprimer leurs peuples, les nouveaux saigneurs de guerre assoiffés de pouvoir n'ont rien à envier aux tyrans d'antan. Echapperons-nous cette année à la feuille de route macabre tracée par ces nouveaux criminels en cols blancs ? A en croire les discours médiatiques et les rumeurs persistantes, l'avènement d'une véritable démocratie demeure un vœu pieu. L'idéal démocratique s'avère être un enjeu politique Après une année de mobilisation populaire, où en sommes-nous ? Qu'est-ce qui a fondamentalement changé ? Rien ou presque ! L'indicateur du climat politique demeure en berne et la côte de confiance en baisse. Selon le baromètre social, la parenthèse nauséeuse ne semble guère prête à se refermer. Si de pauvres innocents croupissent en prison dans l'isolement total pour avoir tenté de reconquérir la maitrise de leur destin, nombreux sont les criminels qui jouissent encore d'une impunité incompréhensible. Bien calfeutrés dans leurs manteaux de certitudes et solidement engoncés dans leur blindage mental, les tuteurs de l'Algérie, anciens et nouveaux, font preuve d'une cécité totale et absolue. Il en est ainsi depuis 58 ans. Avant même la libération du pays du joug colonial, le ciel avait commencé à s'assombrir. Squatté par d'habiles manœuvriers politiques aux pulsions suicidaires et aux parcours sinueux, le pays s'est très vite trouvé au centre d'un grand tourbillon pour ne pas dire au bord d'un immense abîme. Faisant main basse sur toute une nation, les chefs d'orchestre autoproclamés qui se sont succédé n'ont fait qu'aggraver la situation en reportant sine die l'instauration d'un Etat de droit, en confisquant manu-militaro les libertés individuelles et collectives chèrement acquises, et en inféodant les médias au pouvoir. Réitérant les discours dithyrambiques et les promesses fallacieuses pour se maintenir en place, les parachutés ont accentué la mise sous séquestre du pays en assujettissant tout un peuple à une pensée unique et à un parti inique. La population n'a pas attendu le 22 février pour réagir, mais la répression a été d'une férocité à nulle autre pareille. Impossible d'effacer de nos mémoires les martyrs d'octobre 88 tout comme ceux de 2001 en Kabylie ! Impossible d'oublier les centaines de milliers d'Algériens trucidés ou handicapés à vie pour avoir osé exigé un peu de liberté et moins de hogra. Tous les drames endurés n'ont malheureusement pas servi de leçon. La « quinzainie » barbare, la plus grande des guerres faites aux civils, dont les soubresauts sanglants sont encore perceptibles ici et là, a été à elle seule à l'origine de centaines de milliers de morts et de disparus. En cette 58ème année d'indépendance, sous quelque angle qu'on le prenne, le constat n'est guère réjouissant ! Le pays, toujours en quête de liberté, vogue à vau l'eau avec une jeunesse en pleine déliquescence, des harragas en désespérance, des compétences incitées à l'exil, une agriculture en jachère, une corruption disséminée à travers tout le corps social avec en arrière-plan, une grave crise financière, conséquence des dysfonctionnements, des malversations et des transferts colossaux d'argent illicite vers les comptes off shore dans les paradis fiscaux. Si certains responsables du chaos ont été mis à l'ombre, pour la plupart, les criminels n'ont pas encore été inquiétés et certains ont même réussi à gravir les échelons dans la hiérarchie des monstruosités. Les « pestiférés » par contre, les porteurs de voix, les journalistes, les défenseurs des droits de l'homme et autres empêcheurs de tourner en rond, sont toujours sous l'épée de Damoclès, harcelés, cloués au pilori, privés de liberté, emprisonnés et même battus pour avoir seulement osé dénoncer les exactions et les abus de toutes sortes. Le mal a fini par se confondre avec le bien. On cible le pompier et non le pyromane. Certes, vu de loin, les menaces qui planent sur notre pays en ce début d'année, ne sont guère de bons augures. Certains, réduisant le soulèvement populaire à sa portion congrue, vont jusqu'à prédire que l'Algérie n'est à l'abri ni d'un arbitraire, ni d'une tyrannie, ni d'un totalitarisme plus affirmé. Faut-il cultiver la désespérance alors qu'un nouveau 1er octobre 54 se profile à l'horizon ? La réponse est simple. Elle est inscrite dans les gènes de notre histoire. Le Hirak, un remake de novembre 1954 ? Quels enseignements tirer de cette année de mobilisation populaire ? Nouvelles appréhensions, nouvelles inquiétudes, nouvelles angoisses pour certains, nouvelles aspirations, nouvelles espérances, nouveau départ pour d'autres ? Si cinquante deux semaines de résistance ne permettent pas d'établir un diagnostic fiable, il est toutefois possible de constater des avancées non négligeables. Qui, la veille du 5ème mandat, pouvait prédire, une telle levée de boucliers d'un peuple résolu à en découdre avec des apparatchiks solidement ancrés à leur piédestal? Qui osait espérer la chute des oligarques qui ont fait tant de mal au pays ? Qui pouvait penser possible la mise à l'écart de fakhamatouhou, le monarque absolu qui voulait régner à vie et même perdurer au-delà de sa mort en inscrivant son nom pour la postérité ? Certes pour l'heure, tout n'est pas encore rose. Dénoncer l'état de déliquescence avancé des structures étatiques est toujours passible du tribunal pénal national. Elever la voix contre le népotisme, le parasitisme, l'opportunisme, la bureaucratie, la corruption et les abus de toutes sortes, est toujours considéré comme un crime de lèse-majesté, un parjure et une traitrise envers la nation et sanctionné comme tel. Elever l'emblème amazigh, revêtir tout simplement le maillot des joueurs de la JSK, constituent encore un risque. Cela dit, il est cependant possible d'affirmer, au terme des 52 semaines de patience et de détermination citoyenne, qu'un changement radical ne relève plus du miracle et demeure tout à fait envisageable. Cet espoir est déjà en soi une grande victoire. L'utopie devenant réalité, la pilule de l'obéissance n'a plus le même effet. Le fatalisme et l'immobilisme qui ont longtemps tétanisé une bonne partie de la population ne sont plus de mise. Vingt années de dirigisme ?'bouteflikiste'' et de citoyenneté d'abstention, s'ils ont semé le doute et le scepticisme, n'ont pas réussi à museler totalement la résistance populaire. Aucun peuple au monde ne peut supporter indéfiniment le mépris sans se révolter ! Débarrassée de la peur qui s'était infiltrée en chaque citoyen, la jeunesse qui a repris le flambeau avant et après Kerrata, témoigne à l'évidence du courage des Algériens face à l'adversité. L'indignation a finalement cédé la place à l'engagement. Loin de s'estomper, les colères populaires redoublent d'intensité. Les marcheurs téméraires du vendredi et du mardi entameront bientôt une nouvelle année de protestation, avec le même entrain qu'au début et un pacifisme exemplaire qui confine à l'exemplarité, malgré les pressions, les intimidations, les humiliations, les arrestations arbitraires qui menacent toujours. Le legs des anciens n'a pas été vain. A l'instar des ainés, la nouvelle génération de patriotes refuse de ployer l'échine et poursuit inlassablement la mobilisation en mettant bien en exergue ses convictions et sa volonté de se libérer complètement du joug postcolonial. Perçu comme une réaction, un instinct de survie, le hirak montre aux yeux du monde qu'il est possible d'organiser une mobilisation citoyenne et responsable, intense et résolue, sans heurts et sans malheurs. Balisée à défaut d'être contenue, la révolution pacifique et non guerrière va poursuivre sa marche, dite du sourire, de la poésie, du chant et du dessin, en s'imposant de manière irréversible, jusque dans les contrées les plus lointaines, et même hors du pays avec comme principale doléance: l'instauration d'un Etat de droit dans la paix et la sérénité. Les pessimistes impénitents et les prophètes de malheur ne sont pas sans ignorer que l'éradication complète du système actuel totalitaire et pourri n'est pas chose facile. Le rétablissement de l'ordre, de la justice et de la paix exige du temps, de la patience et de la persévérance. N'en déplaise à ceux qui jouent sur l'épuisement et qui déploient de gros efforts pour briser, fragmenter et étouffer la mobilisation citoyenne pacifiste, n'en déplaise à ceux qui spéculent sur la fin programmée de la résistance et aux donneurs de leçons qui, du petit bout de leur lorgnette, établissent des diagnostics décourageants à distance, le hirak inébranlable n'est pas en péril. A voir tous les voyants gouvernementaux qui clignotent, on peut même dire qu'il n'est pas près de s'essouffler malgré la politique de répression, le climat de terreur et tous les aléas et obstacles érigés. En cette fin de première année, il semble au contraire reprendre un souffle nouveau en s'intensifiant et en continuant à entretenir la flamme de l'espoir de voir un jour l'Algérie totalement libérée. Le hirak qui n'a pas pour vocation d'éradiquer le système mafieux a, au moins, réussi à faire vaciller le pouvoir en place en mettant à nu sa dangerosité. Il constitue un état d'alerte permanent sur les injustices sociales, les abus de toute sortes, les rancœurs accumulées, les dysfonctionnements et défaillances d'une gouvernance qui a montré ses limites. Si son succès n'était pas indéniable, M. Tebboune ne se serait jamais permis de dire : « C'est grâce au hirak que l'Algérie a évité de sombrer dans le chaos ». Son directoire et ses 39 ministres ne seraient jamais sortis de l'anonymat sans le soulèvement populaire. De nouveaux ambassadeurs, consuls, walis, chefs de daïra et autres cadres de l'Etat vont profiter d'ascensions vertigineuses sans même faire un pas dans la rue, alors qu'au même moment, nombre de marcheurs croupissent encore en prison en raison de l'amour qu'ils portent à leur pays. Un paradoxe de plus à ajouter au tableau de nos incohérences. Les effets pernicieux du « coronavirus boutefliquien » L'héritage toxique laissé par Bouteflika, ses proches, ses sbires et ses affidés est incommensurable. Inoculé à dose homéopathique et savamment distillé, le poison a gravement souillé les esprits de nos concitoyens en altérant profondément les fonctions vitales de notre société. Les effets pernicieux de cette substance pathogène infâme et nauséeuse sont loin de s'estomper. L'éradication totale du fléau prendra du temps. Endiguer la propagation du virus nécessite, en premier lieu, une désinfection totale des lieux et un placement en isolement des agents pathogènes susceptibles de transmettre la pandémie. Ces parasites qui s'agrippent encore désespérément au pouvoir en jouant les prolongations, ces racines invisibles profondément enfouies de cette ivraie polluante, constituent un danger potentiel pour les années à venir. Ils doivent impérativement être éliminés car leurs tiges nuisibles sont à même de polluer et de rendre incontrôlables tous les secteurs, de l'économie aux finances, de l'immobilier au commerce, de l'industrie aux médias, de la communication à la culture. L'agitation ces derniers temps de la pieuvre politico-financière en est la preuve évidente. Pour se maintenir, se consolider et prospérer à l'ombre de la nouvelle gouvernance, les oligarques de la république vont tenter de se régénérer en déployant leurs immenses tentacules. Face à ce énième lifting, les citoyens ne sont pas dupes. Ils savent bien que les ravalements de façades en voie d'effondrement, les aménagements de vitrines ne sont qu'un leurre qui, à terme, accélère leur chute. Dommage que le grand Salah Abou Seïf ne soit plus des nôtres ! Il aurait pu filmer un remake de son merveilleux film : Le Procès 58. Et comme l'a si bien dit le grand cinéaste Jean Epstein : « Si la soupe est mauvaise, elle ne s'améliore pas en y ajoutant du sel, mais elle devient seulement trop salée, alors qu'il faut vider la marmite et la remplacer à nouveau avec de l'eau propre et des produits frais. » Jean Epstein. 1 - Déclaration universelle des droits de l'homme (adoptée en 1948 par les Nations Unis) |
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