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L'arrivée hier à Alger du
président turc montre que la crise libyenne nécessite pour sa résolution une
forte coordination au plus haut niveau des Etats. Erdogan
saisit sa visite pour renforcer sa coopération économique avec l'Algérie, un
pays dont l'histoire et l'emplacement géostratégique lui ouvrent les portes de
l'Afrique.
Recep Tayyip Erdogan est arrivé hier à Alger, en fin de matinée, pour une visite officielle de deux jours. Il a été accueilli à l'aéroport par le président Tebboune et de hauts responsables civils et militaires. Son agenda algérois n'a pas de grands secrets, excepté, peut-être, le détail dans sa mise en œuvre politique. Le président turc veut renforcer les relations bilatérales politiques, de défense, économiques (dans leur volet industriel et commercial), énergétiques, touristiques et culturelles. Le dossier économique entre les deux pays a été hier tout de suite ouvert avec l'organisation dans l'après-midi, à l'ouest d'Alger, d'un forum regroupant les hommes d'affaires algériens et turcs, en présence d'Erdogan et du 1er ministre algérien. Le président turc a amené plusieurs hommes d'affaires avec lui pour conforter sa volonté d'asseoir une coopération et un partenariat «stratégique» entre l'Algérie et la Turquie. Les échanges commerciaux entre les deux pays sont aussi importants entre eux, soutenus qu'ils sont par l'exportation du gaz algérien vers la Turquie et, entre autres, les activités du complexe mixte des textiles de Relizane ainsi d'autres projets en sidérurgie, sans compter les nombreuses marchandises turques toutes natures confondues commercialisées en Algérie. Le déplacement du président turc à Alger coïncide avec des moments douloureux pour son pays, après qu'un séisme d'une magnitude de 6,8 à l'échelle Richter a ravagé ses provinces de l'Est faisant 31 morts et de plus de 1.600 blessés. Ce qui a poussé le président Tebboune à lui présenter hier ses condoléances. Convergence politique entre Alger et Ankara Dans les entretiens qui ont réuni hier les deux hommes au palais d'El Mouradia, de nombreuses convergences ont émergé entre leurs positions et leurs objectifs respectifs que ce soit au plan des relations bilatérales ou celui des questions d'intérêts communs, en premier le règlement de la crise libyenne. Ils l'affirment d'ailleurs dans les discours qu'ils ont prononcés au terme de leur tête-à-tête. «L'Algérie est un pays important pour la stabilité dans la région dans la conjoncture actuelle, mais ce qui se passe en Libye l'affecte directement et nous avons connaissance des difficultés auxquelles elle fait face en matière de sécurité et d'émigration», a affirmé le président turc. Tout en exprimant sa reconnaissance à l'Algérie pour avoir participé à la conférence de Berlin, Erdogan a fait part de sa volonté de suivre avec son homologue algérien la mise en œuvre de ce qui y a été décidé pour le règlement de la crise libyenne (...). Il a affirmé dans cet ordre d'idées que «la communauté internationale a échoué dans son examen à régler le conflit en Syrie et en Libye». Il estime que «les pays européens en particulier ont une grande responsabilité dans la complexité de la crise libyenne». Il a reconnu que «la Turquie vit depuis 9 années des difficultés à cause de ce qui est se passe en Syrie, elle n'acceptera pas que la Libye se transforme en un terrain pour les terroristes et les barons de la guerre». Erdogan a indiqué qu'il entreprend d'importants contacts avec les pays du voisinage pour faire respecter le cessez-le-feu en Libye. Il a fait savoir qu'il s'est entendu avec Tebboune pour renforcer la coopération entre les deux pays dans la fabrication d'équipements de défense «pour les besoins de notre sécurité respective» et de consolider et d'élever le niveau des échanges économiques et commerciaux entre les deux pays. Il a indiqué que les échanges commerciaux entre les deux pays visent à dépasser la barre des 5 milliards de dollars et les investissements sont de l'ordre de 3,5 milliards dollars. Il a évoqué la question des visas et les décisions qu'il avait prises récemment à l'égard des visiteurs algériens. Le président Erdogan a adressé une invitation au président Tebboune pour une visite officielle en Turquie. Le président de la République y a répondu favorablement et indiquera qu'elle sera l'occasion de tenir la première réunion du Conseil de coopération algéro-turc de haut niveau dont il a conclu hier la création avec le président turc. Ce dernier a précisé que ce rendez-vous doit se faire «dans les plus brefs délais possibles».Tout en partageant les propos qu'Erdogan a tenus au sujet de la solution politique de la crise libyenne et le retour de la paix dans ce pays, Tebboune a noté que «nous nous sommes entendus pour oeuvrer en faveur de la paix et un suivi quotidien de toutes les évolutions sur le terrain». Tebboune prochainement à Ankara Le président notera «le caractère historique» des relations entre les deux pays et affirmera que «nous avons de fortes relations commerciales avec la Turquie que nous comptons élargir à d'autres secteurs, comme l'énergie, la construction, les équipements (...)». Il estime que «la Turquie est l'un des plus forts pays économiques hors Union européenne». Il a indiqué que «nous nous sommes entendus pour hisser très prochainement le niveau de nos échanges commerciaux à plus de 5 milliards de dollars». Tebboune avouera qu'il a accepté «personnellement» que la Turquie acquiert un terrain pour construire un nouveau siège pour son ambassade à Alger. Il a en outre fait part de son accord avec Erdogan pour que la Turquie ouvre un centre culturel turc à Alger et un autre algérien à Ankara. Si le partenariat économique et commercial entre les deux pays n'exige pas que ce déplacement de l'homme fort de Turquie soit frappé du sceau de l'urgence, la crise libyenne le mérite aux yeux des deux pays. La forte poignée de main que Tebboune a échangée avec Erdogan en marge de la conférence internationale pour la paix en Libye, qui s'est tenue à Berlin, témoigne en principe d'un besoin de coordination étroit entre eux dans son règlement, ceci pour éviter toute nouvelle confrontation, aussi minime soit-elle, et dont se passerait la région. L'on pense que c'est probablement pour cette raison que le président algérien s'est empressé de lui adresser une invitation officielle à venir à Alger. Il est clair que si Erdogan l'effectue depuis hier, c'est qu'il partage avec l'Algérie sa position vis-à-vis du conflit libyen, à savoir l'ouverture d'un dialogue inclusif entre l'ensemble des parties libyennes, avec à la clé une solution politique inter-libyenne, l'arrêt définitif du recours aux armes, le rejet de toute ingérence étrangère avec le retrait de toutes les forces armées étrangères. L'on sait cependant que la Turquie a déjà un bras armé dans le champ des batailles que se livrent les belligérants libyens... Les deux présidents semblent prêts à réfléchir sur les possibilités et moyens de démêler l'écheveau d'un conflit dont la complexité et les conséquences ont bouleversé la Libye et risquent de plonger la région dans l'insécurité. |
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