La
démission de Dalil Boubakeur,
le 11 janvier dernier, de ses fonctions de président de la Société des Habous et des Lieux Saints de l'Islam et de recteur de la
Grande Mosquée de Paris a été qualifiée de coup de théâtre par les
observateurs, mais est-ce vraiment un évènement si imprévu ou une suite logique
des développements intervenus sur la scène de l'Islam en France ou Islam de
France durant ces deux dernières années ? La démission du
recteur de la Grande Mosquée de Paris, en fonction depuis 28 ans, intervenue
lors d'une assemblée générale ordinaire de la Société des Habous
et des Lieux Saints de l'Islam, pourrait surprendre par le climat « tranquille
» qui l'entourait, notamment le fait que le compte rendu moral et le quitus sur
la gestion financière du Docteur Dalil Boubakeur avaient été adoptés à l'unanimité ; cependant il
est utile de rappeler, dans ce contexte, que le Docteur Dalil
Boubakeur n'est plus en odeur de sainteté avec le
président français Emmanuel Macron pour ôter toute surprise à cette décision.
Dalil Boubakeur, qui a affirmé avoir démissionné pour des motifs
personnels, ne peut faire oublier qu'il a été « marginalisé », en 2018, par
l'Elysée, lors d'une certaine cérémonie de vœux du nouvel an aux autorités
religieuses, laissant clairement entendre que sa personne ne cadre pas avec cet
« Islam de France », dont les débats lancés ces deux dernières années se
concrétiseront le mois prochain, justement, à travers d'importantes propositions
juridiques du président français sur la radicalisation, l'intégration des
musulmans français ou l'assimilation des musulmans français, Islam et laïcité
(on est en phase d'exiger un certificat de laïcité aux Imams qui viendraient
officier en France). Ainsi, depuis 2018, les relations entre le recteur
de la Grande Mosquée de Paris avec l'Elysée n'ont jamais été au beau fixe. Le
Docteur Dalil Boubakeur ne
l'a pas annoncé, mais cette démission acte logiquement une autre, celle de la
présidence du Conseil français du culte musulman (CFCM), qu'il assure à titre
intérimaire depuis 2019, et dont les élections se tiendront à la fin du mois. Si la première ne pose pas de problème, puisque c'est un Algérien
qui le remplace, en l'occurrence l'avocat franco-algérien, Maître Chems-Eddine Hafiz, qui a été élu à l'unanimité suite à une
clairvoyante proposition du Docteur Dalil Boubakeur, gardant ainsi une certaine hégémonie algérienne
sur la Société des Habous et des Lieux Saints de
l'Islam et le Rectorat de la Grande Mosquée de Paris, le retrait du Docteur Dalil Boubakeur de la présidence
du Conseil français du culte musulman ouvrirait la voie à tous les courants
islamiques qui nourrissent l'ambition d'exercer leur influence sur ce Conseil,
créé en 2003, et qui sert notamment d'interlocuteur aux pouvoirs publics
français. Les visées hégémoniques exercées par des pays musulmans comme
l'Arabie Saoudite, les chiites et récemment il y a la montée des Turcs,
risquent de bousculer la traditionnelle domination des pays maghrébins,
Algérie, Maroc et Tunisie, qui ont de fortes communautés vivant en France en
résidence permanente ou en tant que Français à part entière. Et, la bataille
n'engage pas uniquement ces communautés vivant sur le sol français, mais
également leurs Etats d'origine, qui veulent constituer des lobbys en France.
Cela n'est certainement pas ignoré par les autorités algériennes.