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L'Algérie
possède des institutions qu'il s'agit de dynamiser si l'on veut un Etat de
droit, condition pour un développement durable et surtout être crédible tant au
niveau national qu'international. Cette présente contribution s'appesantit sur
le blocage de trois instituions stratégiques, le Conseil national de l'énergie,
le Conseil économique et la Cour des comptes, trois instituons en berne depuis
de longues années.
1. Le Conseil national de l'énergie Il est régi par le décret présidentiel n° 95-102 du 8 avril 1995 portant création du Conseil national de l'énergie (CNE), organe suprême de toute stratégie énergétique. Il a été créé par décret présidentiel le 19 avril 1995, qui, dans son article 6, stipule que «le Conseil se réunit périodiquement sur convocation de son président», le président de la République, dont le secrétariat (article 5) est assuré par le ministre de l'Energie et composé des ministres dits de souveraineté (Défense nationale, Affaires étrangères, Energie et Finances), du gouverneur de la Banque d'Algérie et du délégué à la planification, ce dernier ayant été dissous. L'article 6 stipule que le Conseil national de l'énergie est chargé d'assurer le suivi et l'évaluation de la politique énergétique nationale à long terme, notamment de la mise en œuvre d'un plan à long terme destiné à garantir l'avenir énergétique du pays; d'un modèle de consommation énergétique en fonction des ressources énergétiques nationales, des engagements extérieurs et des objectifs stratégiques à long terme du pays; de la préservation des réserves stratégiques du pays en matière d'énergie; des stratégies à long terme de renouvellement et de développement des réserves nationales en hydrocarbures et leur valorisation; de l'introduction et du développement des énergies renouvelables; des schémas d'alliances stratégiques avec les partenaires étrangers intervenant dans le secteur de l'énergie et des engagements commerciaux à long terme». Or le Conseil de l'énergie ne s'est pas réuni depuis des années alors qu'il est le seul habilité à tracer la politique énergétique, Sonatrach et le ministère de l'Energie étant des institutions d'exécution. 2. Lieu de concertation de toutes les composantes de la société, dynamiser le Conseil économique et social Dans la nouvelle Constitution (Loi n° 16-01 du 26 joumada el oula 1437 correspondant au 6 mars 2016 portant révision constitutionnelle), le CNES est érigé en tant que « Conseil ». La dernière composante ayant été publiée par la décision du 24 janvier 2005, arrêté signé par le regretté président du CNES, le mandat, selon la loi, de tous ses membres ayant expiré en 2010 et depuis pas de renouvellement. Ainsi, l'article 204 de la Constitution stipule que le « Conseil national économique et social, ci-dessous dénommé, le Conseil est un cadre de dialogue, de concertation et de proposition dans le domaine économique et social. Il est le conseiller du gouvernement » et l'article 205 stipule que « le Conseil a notamment pour mission : d'offrir un cadre de participation de la société civile; la concertation nationale sur les politiques de développement économique et social; d'assurer la permanence du dialogue et de la concertation entre les partenaires économiques et sociaux nationaux; d'évaluer et d'étudier les questions d'intérêt national dans les domaines économique, social, de l'éducation, de la formation et de l'enseignement supérieur; de faire des propositions et des recommandations au gouvernement. L'article 2 stipule que dans le cadre de ses missions, le Conseil, institution consultative et cadre de dialogue et de concertation dans les domaines économique et social, conseiller du gouvernement, est chargé : d'offrir un cadre de participation de la société civile, la concertation nationale sur les politiques de développement économique et social; d'assurer la permanence du dialogue et de la concertation entre les partenaires économiques et sociaux nationaux; d'évaluer et d'étudier les questions d'intérêt national dans les domaines économique, social, de l'éducation, de la formation et de l'enseignement supérieur, de la culture et de l'environnement et de faire des propositions et des recommandations au gouvernement. Le président du Conseil est nommé par le président de la République et selon l'article 4 regroupe en son sein des membres représentatifs ou qualifiés désignés pour un mandat de trois (3) ans, renouvelable une fois. Nous avons deux cents (200) membres répartis comme suit : quatre-vingts (80) au titre des secteurs économique et social; cinquante (50) au titre de la société civile; quarante (40) au titre des personnalités qualifiées, désignées «intuitu personae»; trente (30) au titre des administrations et institutions de l'Etat. 3. Rétablir le rôle de la Cour des comptes pour une meilleure gestion des deniers publics La Cour des comptes est régie par l'ordonnance n° 95-20 du 17 juillet 1995 relative à la Cour des comptes modifiée et complétée par l'ordonnance 10-02 du 26 août 2010. Elle a été consacrée tant dans l'ancienne Constitution que dans la nouvelle parue dans la loi du 6 mars 2016 portant révision constitutionnelle. Ainsi, l'article 192 stipule que «la Cour des comptes est indépendante, chargée du contrôle, a posteriori, des finances de l'Etat, des collectivités territoriales, des services publics, ainsi que des capitaux marchands de l'Etat. La Cour des comptes contribue au développement de la bonne gouvernance et de la transparence dans la gestion des finances publiques. La Cour des comptes établit un rapport annuel qu'elle adresse au président de la République, au président du Conseil de la nation, au président de l'Assemblée populaire nationale et au Premier ministre. La loi détermine les attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Cour des comptes et la sanction de ses investigations, ainsi que ses relations avec les autres structures de l'Etat chargées du contrôle et de l'inspection. Institution supérieure de contrôle, a posteriori, des finances de l'Etat (article 2), institution à compétence administrative et juridictionnelle (article 3), la Cour des comptes assiste le gouvernement et les deux chambres législatives (APN-Sénat) dans l'exécution des lois de finances, pouvant être saisie par le président de la République, le chef du gouvernement (actuellement le Premier ministre) ou tout président de groupe parlementaire pour étudier des dossiers d'importance nationale. Certes, l'ordonnance 2010 élargit les missions de la Cour des comptes quant au renforcement de la prévention et de la lutte contre les diverses formes de fraude, de pratiques illégales ou illicites, portant atteinte au patrimoine et aux deniers publics. La Cour des comptes exerce un contrôle sur la gestion des sociétés, entreprises et organismes, quel que soit leur statut juridique, dans lesquels l'Etat, les collectivités locales, les établissements, les entreprises ou autres organismes publics détiennent, conjointement ou séparément, une participation majoritaire au capital ou un pouvoir prépondérant de décision». Ainsi, la Cour des comptes s'assurera de l'existence, de la pertinence et de l'effectivité des mécanismes et procédures de contrôle et d'audit interne, chargés de garantir la régularité de la gestion des ressources, la protection du patrimoine et des intérêts de l'entreprise, ainsi que la traçabilité des opérations financières, comptables et patrimoniales réalisées. Un autre article de l'ordonnance en question, en l'occurrence le 27 bis, stipule que «si la Cour des comptes relève des faits de nature à justifier une action disciplinaire à l'encontre d'un responsable ou d'un agent d'un organisme public soumis à son contrôle, par référence au statut de ce dernier, elle signale ces faits à l'autorité ayant pouvoir disciplinaire à l'encontre du responsable ou de l'agent concerné. L'ordonnance prévoit le pouvoir de consultation de la Cour des comptes dans l'élaboration des avant-projets annuels de loi de règlement budgétaire et cette révision confère au président de la République l'attribution de saisir la Cour des comptes pour tout dossier d'importance nationale dont, en premier lieu, le renforcement de la prévention et de la lutte contre les diverses formes de fraude, de pratiques illégales ou illicites, portant atteinte au patrimoine et aux deniers publics. En second lieu, il est question du renforcement de «l'efficacité du contrôle de la Cour des comptes à travers l'obligation faite aux responsables des collectivités et organismes qu'elle contrôle de communiquer ses conclusions aux organes délibérant dans un délai maximal de deux mois, tout en tenant informée la Cour des comptes des suites réservées». La Cour des comptes devrait travailler en étroite collaboration avec l'Office central chargé de la prévention et de la répression de la corruption. L'accent a été mis sur la modernisation permettant de mieux contrôler, afin de lutter efficacement contre toute forme de détournement et atteinte aux deniers publics et au patrimoine national. Se pose cette question : les procédures de la Cour des comptes en Algérie répondent-elles aux normes internationales ? 4. Un Etat de droit repose sur la moralité et des institutions crédibles La dynamisation des trois institutions, le Conseil national de l'énergie, la Cour des comptes et le Conseil économique et social, sans oublier la Bourse d'Alger et le Conseil de la concurrence, conditionnera le développement de l'Algérie comme adaptation tant aux facteurs internes qu'au mouvement du nouveau monde et à la lumière des espérances concrètes sur le terrain, doit reposer sur des institutions crédibles. En fait, leur dynamisation pour leur léthargie trouve son essence dans des enjeux importants de pouvoir concernant l'approfondissement ou pas des réformes structurelles tant dans le domaine politique, économique, culturel que social. Toutefois, évitons toute sinistrose. Si les conditions d'adaptation aux nouvelles mutations mondiales, de la bonne gouvernance, de la valorisation du savoir, l'Algérie, forte de ses importantes potentialités pour une économie diversifiée, peut devenir un pays pivot et facteur de stabilité de la région méditerranéenne et africaine. Toute déstabilisation de l'Algérie, comme je le soulignais dans trois interviews récentes (2016/2018), deux aux USA, à l'American Herald Tribune et l'autre en France à la Tribune.FR, aurait des répercussions géostratégiques sur toute la région. En fin de ce mois de décembre 2019, deux institutions, qu'il s'agit de préserver dans leur cohérence et unité, garantissent actuellement la sécurité et une relative stabilité de l'Algérie : l'ANP/forces de sécurité et Sonatrach sur le plan économique qui procure directement et indirectement 98% des recettes en devises du pays. Le temps ne se rattrapant jamais en économie, faute de réformes politiques et économiques, le risque est la régression économique et sociale avec des réserves de change tendant vers zéro et le retour au FMI dans deux ans. Comme conséquence, le risque est une déstabilisation de l'Algérie. Dans cette hypothèse, non souhaitable, l'Algérie se trouvera de plus en plus dépendante tant sur le plan géostratégique, politique qu'économique, ne devant pas être utopique, en ce monde incertain et turbulent n'existant que des intérêts et pas de sentiments, insensibles aux slogans. J'ose espérer que le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, puisse tracer un avenir meilleur pour le pays, en ces moments de grands bouleversements géostratégiques, fondé sur un Etat de droit, plus de tolérance, d'espace de libertés et le renforcement du dialogue productif, loin de tout extrémisme, rassemblant tous les Algériennes et Algériens. Les différentes composantes de notre société doivent concourir ensemble à la paix, à la sécurité et à la stabilité, condition de profondes réformes permettant un développement durable au profit de tous les Algériennes et Algériens. Il s'agit là de l'unique voie que doivent emprunter les Algériens afin de transcender leurs différends, à vaincre la haine et les peurs qui les habitent, à exorciser leurs démons et à trouver de nouvelles raisons de vivre harmonieusement ensemble et de construire, toujours ensemble, le destin exceptionnel que de glorieux aînés de la génération du 1er Novembre 1954 ont voulu désespérément pour eux. Aussi, comme montré merveilleusement par les différentes manifestations pacifiques, l'Algérie sera avant tout ce que les Algériennes et les Algériens voudront qu'elle soit. *Professeur des universités, expert international, haut magistrat premier conseiller et directeur général à la Cour des comptes (1980/1983) expert au Conseil économique et social (1996/2008) - Directeur d'études ministère de l'Energie 1974/1979-1990/1995-2000/2008-2013/2015 |
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