Les
évènements qui se précipitent sur le plan « pétrole et gaz » sur la scène
internationale, mettent à l'épreuve dans l'immédiat la toute fraîche loi sur
les hydrocarbures, adoptée le 14 novembre dans une atmosphère de vive polémique
et de rejet par une partie de l'opinion et de spécialistes. Moins d'un mois,
donc, après la consécration de cette nouvelle loi, Sonatrach
entre en lice en vue de bloquer le rachat des actifs en Algérie d'Anadarko par
Total en usant de son droit de préemption. Entravant ainsi le projet dans
lequel Total devait faire l'acquisition des intérêts en Algérie d'Anadarko,
alors que le reste du groupe américain a été racheté par son compatriote
Occidental Petroleum pour 55 milliards de dollars, et
que Total devait racheter pour 8,8 milliards de dollars les actifs africains
(en Algérie, au Ghana, au Mozambique et en Afrique du Sud). Le contrat prévu
avec Anadarko devait rendre Total opérateur des blocks 404a et 208 avec une
participation de 24,5 % dans le bassin du Berkine
(champs de Hassi Berkine, Ourhoud et El Merk) dans lesquels
le groupe détient déjà 12,25 % des parts, et dont la production de ces champs,
en 2018, a été de 320.000 barils équivalents pétrole par jour. Est-ce à dire
que Total, avec cette acquisition des parts d'Anadarko, pourrait menacer la
sécurité énergétique du pays ? Probablement, car avec plus de 37 % de parts
dans le bassin du Berkine, les activités de Total
seraient renforcées au dépens de la Sonatrach. En
tout état de cause, le ministre de l'Energie a justifié ce recours au droit de
préemption en se référant à la réglementation en vigueur, soulignant «
l'incompatibilité » avec le maintien d'Anadarko dans le contrat d'association
sur le périmètre de Berkine. Mais, ce blocage du
rachat des actifs d'Anadarko par Total, en faisant valoir le droit de
préemption, qui rappelle d'autres péripéties vécues avec un opérateur de
téléphonie, n'est pas que d'essence purement économique. Sur le plan politique,
qui traduit le froid entre Paris et Alger dans un contexte marqué par la vague
de colère soulevée dans le sillage de l'ingérence étrangère dans les affaires
internes algériennes, on pourrait associer cette décision à une volonté d'une
limitation de l'influence ou de pénétration française dans ce secteur sensible
des hydrocarbures. Pour le moment, Total n'a pas fait part des suites
juridiques qui pourraient résulter de cette décision, et qui pourraient faire
l'objet de recours éventuels devant la justice algérienne ou devant une cour
d'arbitrage internationale, mais il faut s'attendre, de toute évidence, à une
rude bataille juridique, dont l'issue déterminera l'efficacité ou
l'inefficacité de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. Parce que, une fois le
droit de préemption validé, il obligerait l'Algérie à acheter les actifs
d'Anadarko au prix du marché actualisé et non référencié à une période
antérieure. Pour mémoire, en 2012, la Sonatrach avait
réglé à l'amiable le contentieux qui l'opposait à l'américain Anadarko et au
danois Maersk Oil en
versant 4,4 milliards de dollars au premier et 920 millions au second. Le
contexte n'est plus le même, certes, mais cette décision doit impérativement
veiller aux intérêts du pays selon l'esprit de la nouvelle loi sur les
hydrocarbures qui vise «l'exploitation et la valorisation de nos ressources, en
consentant davantage d'efforts d'exploration, en multipliant nos réserves en
hydrocarbures et en drainant les revenus nécessaires au développement durable
et à la réalisation de la sécurité énergétique dans le cadre du principe
gagnant-gagnant, sans pour autant porter atteinte à la souveraineté nationale».