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Appeler le pompier ou courir derrière le pyromane ?!

par El-Houari Dilmi

Le portrait est presque irréel. Trop beau pour être vrai... Samedi 16 novembre, place des Martyrs, en plein cœur de la ville de Tiaret : un jeune trentenaire se revendiquant du «Hirak», drapeau à la main, fait face à un autre jeune, souriant, venu, lui, exprimer son soutien au scrutin présidentiel du 12 décembre. Au milieu, une zone tampon dressée par des policiers décontractés. Le plus beau dans l'histoire, les deux jeunes, supposés être dans deux «camps opposés», repartent ensemble la main dans la main, une fois la manifestation terminée, dans le calme. Faut-il pour autant se laisser aller à croire à un prélude heureux à l'avènement d'une Algérie nouvelle, débarrassée de ses démons, réconciliée avec elle-même et résolument tournée vers un avenir plus «chantant» ?

Qu'est-ce qui peut bien séparer, aujourd'hui, un Algérien d'un autre, qu'il soit d'un camp ou de l'autre, sinon que de vivre en parfaite intelligence sur la même terre, manger du même pain, boire de la même eau, rire et pleurer ensemble, vivre et mourir côte à côte ? Pourtant, aujourd'hui, sous nos cieux qui menacent d'éclater en sanglots à tout moment, il suffit de fixer dans les yeux n'importe quel Algérien de la rue pour comprendre que quelque chose -ou des choses- ne va pas dans un pays où presque plus personne ne veut plus parler ni entendre personne. Un peu commun un mal «honteux» dont le nom ne peut (ou ne veut) être prononcé par personne, malgré d'inquiétantes et récurrentes poussées de fièvre, du profil commun d'un jeune Algérien, qu'il soit «hirakiste» ou pas, qui bat le pavé depuis dix mois, peut bien surgir le salut d'un pays en proie à une maladie de «croissance». Mais comme personne ne croit plus au miracle des logorrhées sirupeuses à faire dormir debout un insomniaque chronique, ni aux voix synthétiques des professionnels du «parler pour ne rien dire», les jeunes qui ont perdu jusqu'à l'envie de lever la tête s'accrochent ensemble à un rêve commun et veulent regarder tous dans la même direction : celle d'un avenir meilleur ici et pas ailleurs.

Mais la question «kafkaïenne» est de savoir si le peuple fait réellement face à un danger d'ordre «politique», au moment où tout le pays a d'abord mal à sa tête ?! Force est de reconnaître que depuis que le pays a recouvré le soleil de la liberté, les Algériens se tournent le dos. Ont désappris à se parler, à s'écouter, à se supporter les uns les autres, à privilégier l'essentiel au détriment de l'accessoire quand il y a le feu à la maison. A ne pas courir derrière le pyromane quand il faut appeler le pompier. En extrême urgence. Un peu comme pour protéger le pays contre les chocs, rien de mieux qu'un vaillant peuple pour se dresser en bouclier. Contre tout et tous?