Les
critiques, commentaires et analyses qu'a suscités l'accord entre le syndicat de
la magistrature et le ministère de la Justice ayant permis de mettre fin à la
grève qui a paralysé l'appareil judiciaire pendant dix jours, ont été à
l'évidence peu appréciés par Mabrouk Yessad qui en
fut le principal négociateur en sa qualité de président du SNM. Il est vrai que
dans l'ensemble, c'est la déception qui a prédominé dans ce qui s'est dit et écrit
sur cet accord venu éteindre la fronde des magistrats, paraissant pour certains
porteuse d'espérance concernant l'indépendance de la justice, revendication
phare du mouvement populaire. Mabrouk Yessad est
revenu sur l'accord controversé pour soutenir « qu'il n'était pas possible
d'avoir un seuil plus haut de résultat, au regard des circonstances et du
climat général qui ont entouré la grève, notamment certaines mentalités et les
manœuvres du pouvoir exécutif et de ses bras ». Pour lui, le plus important est
que ledit accord « a abouti en quelque sorte à la remise en cause du mouvement
décidé par le ministre, dès lors que les victimes de ce changement ont la
possibilité de voir leur situation changer à la condition qu'elles justifient
par des arguments objectifs les motifs de leurs recours ». Ce résultat est
peut-être important à titre individuel pour les magistrats dans ce cas, mais
décevant pour ceux qui ont soutenu leur grève en croyant qu'ils se montreront
intransigeants sur la question de l'indépendance de la justice. Des points
d'accord qui ont permis d'aboutir à la levée de l'arrêt de travail des
magistrats, il en résulte pour l'opinion publique l'impression que le principe
l'indépendance de la justice qui a figuré dans le cahier de doléances des magistrats
grévistes n'a pas été leur souci majeur et qu'ils l'ont abandonné dès lors que
le pouvoir a accédé à leurs revendications d'ordre professionnel et matériel.
Que l'on s'en désole et s'insurge contre le président du SNM ne peut pourtant
tenir pour injustifiés et mauvais procès les jugements négatifs suscités par
l'accord au sein de l'opinion publique. Pour elle en effet, l'accord en
question a terminé d'une façon dérisoire une grève sans précédent dans les
annales de la justice et dont le mérite et l'exceptionnalité ont été que les
citoyens ont entendu ses protagonistes reconnaître que la justice dont ils ont
la charge n'est effectivement ni indépendante ni libre dans son exercice et son
rendu. Leur reconnaissance avalise la revendication citoyenne sur le sujet que
le pouvoir prétend avoir satisfait en procédant à des changements au sein de
l'appareil judiciaire. Mais ces mêmes protagonistes ont montré les limites de
leur engagement en faveur de l'indépendance de la justice en se satisfaisant de
l'accord auquel ils ont souscrit, ayant relégué celle-ci au rang de
revendication formelle qu'il n'est pas dans leur intention de défendre au prix
de la perte de ce qu'ils ont obtenu au plan de leurs carrière et avantages
matériels.