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La
30e édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC) vient de
s'achever. Le Tanit d'Or est revenu à «Noura rêve», un petit bijou signé Hinde Boujemaa (Tunisie) et le
Tanit d'argent à «Atlantique» de la Sénégalaise Mati Diop. Alger reprend le
flambeau avec la 10ème édition de son Festival international du cinéma d'Alger
(Fica) qui débute ce jeudi.
Une semaine durant, la capitale va, sans tambour ni trompette, relancer l'événement culturel phare de l'année, avec au programme, un foisonnement de films, de tables rondes, d'ateliers de formation, sans oublier les incontournables hommages aux grands artistes. Le voyage qui s'annonce dans le monde magique de la cinéphilie va, encore une fois, être fabuleux aux côtés de Nils Andersson, Jose Maria Galante Serrano, Yannick Kergoat, Merzak Allouache, Inger Servolin, Mahmoud Ben Mahmoud et d'autres talents prestigieux. Les salles, Ibn Zeydoun, Le Cosmos et Frantz Fanon de Riad El Feth ne désempliront pas. C'est avec The Tower du réalisateur norvégien Mats Grorud que sera ouverte la cérémonie, une œuvre qui fait honneur aux réfugiés palestiniens. La soirée de clôture sera marquée par la projection du film Inocencia, du réalisateur cubain Alejandro Gil. Les thématiques retenues cette année, pour ce festival qui prône l'engagement au cinéma, mettent en exergue les questions de société. Une véritable introspection au cœur de l'actualité d'un monde qui «ne va pas très bien» en même temps qu'un prétexte pour revenir sur des questions graves, comme le présent et l'avenir de l'Afrique, la colonisation, le néo-colonialisme, l'intégrisme, les migrations l'assimilation, dont l'impact sur la cohésion sociale des pays est plus qu'évident. Un programme, comme toujours, basé sur la «qualité et l'engagement», affirme, Zehira Yahi la responsable du festival qui précise à ce sujet que «ce sera le regard des réalisateurs sur leurs sociétés. Le documentaire tiendra le haut du pavé avec des inédits récents. Citons entre autres, Le silence des autres d'Almudena Carracedo, un retour sur les dérives du régime franquiste en Espagne, le parrain des parrains de Mosco Boucault qui nous replonge en plein milieu mafiosi. Hassen Ferhani nous présentera, en avant-première nationale, en présence de Malika, le personnage central, sa dernière création : 143, rue du désert. Côté surprise cette année, l'entrée en compétition des films courts, essentiellement algériens pour encourager ce genre qui a de plus en plus droit de cité. Seront projetés, Felfel Ahmar signé Saâdia Gacem qui aborde la famille et ses codes, La fausse saison de Mennad Embarek qui prolonge la réflexion sur la « Quinzainie » noire, Hadi hya de Youcef Mahsas qui raconte les déboires d'une famille dans la tourmente. Soutra où le destin d'un patriote, de Abdallah Aggoun et Farès Kader Affak, un portrait d'un militant, réalisé par Yanis Khelloufi... Les films présélectionnés, longs, courts ou documentaires, revêtent cette année une importance capitale, malgré leurs thématiques très diverses avec, comme maîtres mots : la qualité et l'engagement, cela va de soi, auxquels il faut ajouter la liberté d'expression et les revendications sociales. L'Afrique et le monde arabe seront au centre des préoccupations avec en exergue les indépendances confisquées, l'intégrisme religieux, les inégalités sociales, l'absence de cohésion nationale, les problèmes d'acculturation, les risques de manipulation des peuples, les incitations aux guerres ethniques, la lutte de classes, le combat au féminin... Seront projetés, La miséricorde de la jungle du rwandais Joël Karekezi, Desrances de la burkinabé Apolline Traoré, Fatwa du tunisien Mahmoud Ben Mahmoud sur les affres de l'intégrisme et Karma de l'égyptien Khaled Youcef, qui fait rencontrer deux destins. Ce film est, d'ores et déjà retenu pour une diffusion en salles en Algérie. De retour au bercail, Merzak Allouache présentera en avant-première mondiale le mardi 12 novembre à 19h, Paysages d'automne sa dernière fiction très attendue qui traite de questions graves relatives aux migrations. Deux hommages sont prévus à l'occasion de cette rencontre. Le premier, sera rendu le 4 novembre, au grand cinéaste Moussa Haddad, décédé le 17 septembre dernier et le second à la productrice de documentaires suédoise Inger Servolin, qui sera à Alger pour présenter Lettre à Inger de Maria Lucia Castrillon. Le silence des autres qui évoque les exactions du régime franquiste fera l'objet d'une présentation par Almudena Carracedo, Robert Bahar et José Maria Galante Serrano, un personnage du documentaire. Ainsi, trois jury s'acquitteront de la délicate mission de départager les lauréats : Pierre-Henri Dellau (illustre monsieur du cinéma), Saâd Khiari et Mouni Boualem. En hors compétition, beaucoup de belles surprises dont...le documentaire de Jean Asselmeyer, intitulé, André Ravéreau et l'Algérie : et le site créa la ville, qui sera projeté en avant-première aussi. Ce film est consacré à l'architecte français qui s'est inspiré dans ses travaux des formes architecturales de la vallée du M'Zab. Abou Leilà a été retiré par son réalisateur Amine Sidi Boumédienne. Idem pour Heliopolis de Djaffar Gacem. Le directeur artistique, Ahmed Bedjaoui et la présidente du festival ont, en conférence de presse largement expliqué les raisons de ces retraits. Deux tables rondes compléteront le programme. L'Italienne Anna Bucca , la réalisatrice burkinabaise, Apolline Traoré, la réalisatrice française Jacqueline Gozland, l'écrivaine italienne Luciana Castellina et la productrice algérienne Amina Haddad, animeront les débats autour du thème «Femmes de cinéma, femmes au cinéma». L'autre intervention portera sur l'écriture d'un scénario de fiction traitant d'un sujet historique, la représentation des femmes par le cinéma. Enfin est aussi prévu un master-class sur le travail de montage comme une «troisième écriture d'un film». Le moins que l'on puisse dire est que, cette 10e édition s'annonce prometteuse même si elle intervient dans un contexte particulier. Certains s'interrogent, à juste titre d'ailleurs, sur l'opportunité et la pertinence d'une telle manifestation cinématographique en ces temps d'inquiétude et de perte de repère. A ces derniers, il nous faut préciser que les images traduisent des sentiments et des émotions et expriment des idées et des pensées. Bien plus que les autres médias, l'œuvre filmique, en excitant la curiosité et en éveillant l'esprit, participe au développement de la conscience critique, esthétique et politique des masses. Les films mettent en relation, informent, expliquent, propagent des informations et donc contribuent à la compréhension de réalités parfois complexes. Le cinéma, en tant que fenêtre sur le monde, offre des possibilités multiples en matière de raffermissement des idées. Le film et à fortiori un festival de cinéma peut, à tout le moins, constituer une opportunité exceptionnelle pour se découvrir et découvrir, via le regard des cinéastes, les réalités contemporaines. Il offre, par ailleurs, aux uns comme aux autres, des possibilités d'échanger des points de vue sur l'avenir et sur les mouvements majeurs de l'histoire en marche. Il aide enfin à comprendre et à faire comprendre ce que les films disent, font ressentir et transmettent comme émotion aux gens qui vont les voir et pour lesquels ils ont été réalisés. Les Algériens signalent, en ce moment même, leur besoin de changer d'histoire, leur besoin de liberté, leur force collective et leur désir de démocratie. Ils souhaitent accompagner la conscience collective et poursuivent la lutte pour défendre les libertés artistiques, morales, professionnelles et économiques de la création cinématographique. Le film est une fenêtre ouverte sur le monde. Empêchons quiconque veut la refermer pour mieux nous asphyxier ! |
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