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Le
sursaut inattendu des magistrats, s'il a paralysé les cours et les tribunaux,
semble pousser en même temps à remettre sur la table le projet politique basé
sur «un mandat de transition constituant».
En constatant lundi dernier que l'appel à la grève lancé par 13 syndicats affiliés à la CSA (Confédération des syndicats autonomes) a été bien suivi, des syndicalistes ont fait fi de leurs revendications sociales et ont affirmé s'inscrire en droite ligne avec celles du mouvement populaire qu'ils qualifient de «légitimes». L'on rappelle qu'il est fait état ces derniers temps d'une radicalisation de ce qui est appelé «la matrice du hirak» en faveur d'un « non catégorique aux élections du 12 décembre prochain ». (Voir Le Quotidien d'Oran du 27 octobre 2019). Si le « hirak » a diminué en nombre, il a réussi à contaminer de nombreux secteurs en y propageant son esprit protestataire au sein de milliers de travailleurs qui arpentent depuis quelques jours les rues pour reprendre en cœur son « non aux élections ». La grève des magistrats déclenchée depuis le dimanche dernier est venue appuyer d'une manière forte tous les mouvements de protestation qui sont enclenchés ici et là à travers le pays et par différentes corporations. L'éducation -enseignants et élèves-, la formation professionnelle, la santé, des collectifs de travailleurs de certaines entreprises publiques notamment dans les villes intérieures, et autres des travailleurs contractuels. Quel qu'en soit le nombre de ceux qui crient leur détresse économique et sociale, il vient grossir celui persistant qui décrie les « manœuvres du pouvoir pour préserver le système en place ». Annoncées et décrétées comme étant la solution ultime pour une sortie de crise la moins dangereuse, les élections présidentielles du 12 décembre prochain n'agréent pas tous les Algériens. Et tant que la contestation se fait entendre, il y a malaise en la demeure. Les grèves qui se maintiennent ces jours-ci augurent d'une montée au créneau de milieux qui veulent contredire le Haut Commandement de l'Armée et l'amener à changer d'option contre une autre plus consensuelle. L'idée d'un mandat de transition constituant reprend du souffle Entre ceux qui veulent obliger la société à participer à des élections présidentielles « dans des conditions difficiles et ne permettant pas un scrutin libre et transparent » et ceux qui œuvrent sournoisement pour forcer la main au chef d'état-major de l'ANP et le contraindre à accepter la mise en place d'une Assemblée constituante pour une durée indéterminée, il y a une voie qui (re)surgit, celle qui repose sur «un mandat transitoire constituant». C'est le président du SNPSP (Syndicat national des praticiens de santé publique) qui l'a évoquée lundi dernier dans le sillage de sa satisfaction du suivi de la grève observée par 13 syndicats de la CSA. (Voir Le Quotidien d'Oran du mardi 28 octobre). Lyes Merabet a déclaré qu'«il faut revenir aux élections présidentielles, plutôt à un mandat de transition constituant au lieu d'une période de transition ouverte à tous les risques». Le président du SNPSP a noté au passage que l'idée n'était pas nouvelle et qu'elle a même été discutée avec l'opposition. Mais sans suite. Cette voie semble reprendre du souffle au milieu de ce tumulte politico-socio-médiatique qui fait bouillonner le pays. Les tenants d'un tel projet veulent sortir du carcan étroit d' «une Assemblée constituante» et planchent sur l'éventualité de transformer le rendez-vous des élections présidentielles en une période de concertation entre les représentants du pouvoir et ses contradicteurs pour examiner le pourquoi du comment donner forme à «un projet consensuel en faveur de l'élection d'une personnalité nationale pour un mandat de transition constituant». Hier, le Dr Lyes Merabet a pris tout son temps pour nous expliquer le sens d'une telle initiative. «C'était notre position dès les premières semaines de la révolution, qui a été validée le 20 avril dernier», dit-il. Le président du SNPSP affilié à la CSA précise qu'«aujourd'hui, on est en décalage par rapport à l'évolution du mouvement populaire, mais il est nécessaire de réfléchir à un projet de sortie de crise, trouver une issue par le dialogue et la concertation». Il reconnaît que « le dialogue a eu lieu mais dans des conditions qui ne siéent pas aux aspirations des millions d'Algériens qui sont sortis pour réclamer le changement; il a été décrié par tout le monde; on est allé vers un dialogue de sourds, un monologue... » «On risque d'aller vers la violence» Il évoque « la solution des élections présidentielles du 12 décembre prochain imposée par le pouvoir et qui reste une voie » pour souligner qu' «elle ne fait pas le consensus, on est en rangs dispersés, des élections oui mais pas dans ces conditions». Preuve en est pour lui, « la révolte est toujours là, on risque d'aller vers l'affrontement, vers la violence ». La 2ème solution est, dit-il, «celle d'une minorité qui reste adossée à des positions extrêmes et extrémistes (période de transition illimitée et Assemblée constituante - ndlr) qui ne sont pas les nôtres». La troisième est celle que les syndicats autonomes prônent et que Merabet résume en «un projet de solution consensuelle concertée, qui ne peut se faire en dehors d'une période de transition mais limitée par un mandat». Projet en prévision duquel il appelle l'institution militaire à convaincre «tous les partenaires de se mettre autour d'une table pour le discuter». En fait, cette voie a déjà été proposée par un grand nombre de partis politiques, la société civile et des catégories socioprofessionnelles. Mais Merabet la présente comme étant une proposition quelque peu rénovée au regard de l'évolution de la situation nationale. «Elle ne doit pas être imposée, la solution est dans le consensus le plus large après une véritable concertation, un véritable débat autour d'une table qui doit réunir l'ensemble des partis politiques, des associations non partisanes, la société civile, les syndicats, les corps socioprofessionnels, les étudiants issus du mouvement populaire (?)». Il estime que «l'institution militaire ou le pouvoir réel doit s'inscrire dans la démarche parce que le pouvoir réel doit assurer la mise en œuvre de toutes les décisions qui seront prises». Des personnalités nationales éligibles à cette mission transitoire, il n'a pas d'autres noms que ceux qui ont toujours circulé, Taleb Ibrahimi, Hamrouche, Benbitour, Rahabi, ces anciens responsables qui connaissent bien le fonctionnement du système. Un départ du gouvernement «symbolique» Avant toute chose, « le pouvoir doit mettre en place toutes les conditions requises à la tenue et à la réussite de la démarche », dit-il. La CSA exige à cet effet «la satisfaction immédiate des revendications du mouvement populaire, en tête, le départ du gouvernement et la libération des détenus du hirak». Merabet note que « le départ du gouvernement Bedoui peut être symbolique, par le départ du 1er ministre ou de certains de ses ministres ». Des voix s'élèvent depuis dimanche dernier pour réclamer le départ du ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, à qui il est reproché d'avoir provoqué la fronde des magistrats. Pour rappel, le départ du gouvernement Bedoui dans son ensemble est exigé depuis longtemps mais n'a jamais eu d'écho auprès du général de corps d'armée qui lui-même en est le vice-ministre de la Défense. C'est peut-être à cause de cette situation inédite que Gaïd Salah refuse d'en prendre cas. « Il veut éviter que Bensalah décide ou pas de le reconduire à son poste même s'il reste chef d'état-major de l'ANP », nous disait hier un responsable. L'observation n'a pas de sens quand on sait qu'un Bensalah, fatigué qu'il est, veut être lui-même libéré de sa fonction de chef d'Etat qui l'épuise. La CSA qui se veut, selon Merabet, « un fédérateur et un facilitateur pour que les gens se rassemblent autour d'un projet consensuel » exige aussi la prise de « mesures d'apaisement, la libération des détenus » pour tempérer les esprits frondeurs et alléger les tensions. Ses adhérents se réunissent la semaine prochaine pour examiner le projet voulu en vue de le proposer «à une discussion et à un débat les plus larges qu'ils soient ». La première question qui vient à l'esprit est «qui va voter et comment et sur quelles bases sera choisi le candidat du consensus ?» Tout est dans cette conjecture qui n'a jamais abouti à force de dissensions au sein de la classe politique même et de ses auxiliaires sous-tendus par des problèmes de leadership. Encore faut-il aussi que le pouvoir incarné par Gaïd Salah déclare forfait à propos des élections présidentielles et accepte d'adhérer à une idée qu'il a déjà rejetée par un passé récent. |
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