Les personnalités politiques et universitaires qui ont signé et
rendu publique une déclaration dans laquelle elles suggèrent au Pouvoir le
report de l'élection présidentielle dont le scrutin a été fixé pour le 12
décembre prochain ont pris la précaution de ne pas se positionner contre ce
rendez-vous électoral, à quoi le haut commandement de l'armée et son chef d'état-major
n'entendent substituer aucune autre démarche et surtout pas celle d'une
transition qui le repousserait plus loin dans le temps. De la part de certaines
d'elles, cette précaution indique qu'elles ont pris acte que le Pouvoir ne
déviera pas de son projet d'organiser l'élection présidentielle et qu'il est
déterminé à le faire aboutir, en dépit des fortes oppositions qu'il suscite. A
ce Pouvoir, elles tentent désormais de faire entendre qu'il peut, sans renoncer
à l'organisation de cette élection, créer les conditions qui en feront un
«rendez-vous réussi et consensuel» d'autant qu'elles admettent que «la majorité
du peuple ne rejette pas de façon absolue l'élection présidentielle». Ce qui
est une façon pour elles de reconnaître que l'unanimité populaire contre cette
échéance électorale, dont se réclament les radicaux du Hirak
pour en exiger l'annulation, n'est pas la réalité qui prévaut au sein de
l'opinion algérienne.
Le report que demandent les signataires de la déclaration, même
présenté comme une décision pouvant servir à donner lieu à la réalisation d'un
consensus national sur une sortie de la crise qui aurait l'adhésion de toutes
les parties prenantes à celle-ci, sera probablement refusé par le Pouvoir du
fait pour qui un tel recul est inenvisageable car signifiant qu'il n'a pas la
maîtrise autant qu'il le prétend de la situation induite par la crise
politique. Cette maîtrise, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah s'en est encore prévalu dans son allocution de
mardi devant les cadres de la marine nationale, sans que l'on sache s'il
répondait ainsi directement aux personnalités signataires de la déclaration
rendue publique, presque concomitamment avec sa prise de parole. Gaïd Salah a non seulement martelé que le processus
électoral en cours se poursuivra parce qu'il met «la locomotive de l'Algérie
sur la bonne voie, orientée vers la bonne destination», mais il a aussi prévenu
que l'armée ne permettra à personne de perturber ou d'entraver le processus
électoral. Dans la crise politique dans laquelle le pays est plongé, le Pouvoir
de fait qui entend lui administrer sa propre solution et les plus radicaux de
ses opposants sont adossés sur des intransigeances qui sont réfractaires à des
médiations qui cherchent à établir un pont entre eux et à les convaincre de la
nécessité de construire un compromis national pour une solution durable à la
crise dont le pays ne peut plus continuer à en faire les frais.