|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
«Nous
ne pouvons concevoir la prochaine échéance présidentielle que comme le
couronnement d'un dialogue aboutissant à un consensus», affirment, dans une
déclaration rendue publique, hier, dix-neuf personnalités nationales,
syndicalistes, universitaires et avocats. Signée par Ahmed Taleb Ibrahimi, Abdenour Ali Yahia, Ahmed Benbitour,
Ali Benmohamed, Abdelaziz Rahabi,
Noureddine Benisaad (LADDH), Sadek
Dziri (syndicat UNPEF), Lyès
Merabet (syndicat SNPSP), Arezki Ferrad
(historien), El Hadi Hassani (association des Ouléma), Nacer
Djabi (sociologue) et d'autres universitaires, la
déclaration estime que si « la majorité du peuple ne rejette pas de façon
absolue les élections présidentielles », elle ne réclame pas moins que des
«mesures d'apaisement» et des «conditions nécessaires au déroulement libre et
transparent du prochain scrutin». La déclaration, qui s'adresse aux tenants du
pouvoir, estime que « le blocage politique actuel dans lequel se retrouve le
pays n'est autre que la conséquence des méthodes d'un pouvoir personnel qui a
toujours compté sur la fraude dans toutes les consultations populaires pour
proclamer des résultats programmés à l'avance». «Aujourd'hui, force est de
constater que parmi les résultats les plus manifestes de cette confiscation de
la volonté populaire, le renforcement de la mainmise du pouvoir sur la vie
politique, et sa persistance à vider les institutions nationales de leurs
fonctions vitales, y compris celle du contrôle, et à écarter le peuple de
l'exercice de sa mission principale qui est d'assurer la légitimité du pouvoir
et de préserver la souveraineté nationale sacrée». Pour les
signataires, «la mobilisation populaire et sa détermination à satisfaire ses
revendications légitimes pour l'instauration de la souveraineté du peuple sur
l'Etat et ses institutions indiquent clairement que le processus enclenché le
22 février ne s'est pas seulement limité à l'empêchement du 5ème mandat, mais
il s'est étendu au rejet des pratiques ayant conduit le pays à la situation que
nous vivons» et «l'aspiration à l'ouverture d'une ère nouvelle qui verra la
mise en place d'un Etat de droit selon les critères contenus dans la
Proclamation du 1er novembre 1954».
La déclaration considère que les réponses du «système politique» aux revendications du «Hirak» sont restées «conformément à ses anciennes pratiques, pensant à tort qu'il ne s'agissait là que d'un évènement conjoncturel». «C'est pourquoi, il s'est contenté d'orienter les regards vers la lutte contre la corruption pour atténuer la colère populaire», alors que «la lutte contre ce fléau (?) nécessite d'abord la lutte contre l'autoritarisme politique à travers l'instauration d'un système démocratique basé sur l'alternance au pouvoir, la séparation des pouvoirs, le respect de l'indépendance de la justice, des droits de l'homme, et des libertés individuelles et collectives», ajoute le document. La déclaration rappelle qu'il n'est pas de la responsabilité du Hirak populaire de «fournir des solutions politiques toutes prêtes pour une transition d'une période qui a trop duré à une ère dont l'avènement s'annonce difficile», qualifiant la présidentielle prévue le 12 décembre de «passage en force», rappelant que la mise en place de l'Autorité nationale indépendante des élections «s'est faite sans accord consensuel avec les acteurs politiques et les élites sociales», perdant de fait «toute indépendance». Espérer la possibilité de parvenir à une solution «En dépit de toutes ces données qui dénotent clairement une volonté politique de répondre sélectivement aux revendications légitimes du Hirak», les personnalités signataires de la déclaration affirment continuer à «espérer la possibilité de parvenir à la solution de la crise politique actuelle», tout en appelant «à la poursuite du Hirak» et «en saluant le degré élevé de conscience des manifestants pour leur pacifisme». Néanmoins, la déclaration estime qu'en «contrepartie», le pouvoir «doit prendre» des «mesures d'apaisement» pour «réunir les conditions nécessaires au déroulement libre et transparent du prochain scrutin». Il s'agit de: satisfaire les «revendications relatives au départ des symboles restants du pouvoir déchu et démantèlement des réseaux de la corruption sous toutes ses formes», la «libération immédiate et sans condition des détenus d'opinion, jeunes et moins jeunes, étudiants et activistes du Hirak», « respect du droit constitutionnel de manifester pacifiquement, levée de toute entrave à l'action politique et à la liberté d'expression dans tous les média, notamment l'espace audiovisuel public et privé», «levée des entraves aux marches populaires pacifiques et à l'accès à la capitale», «cessation des poursuites et des arrestations illégales d'activistes politiques» et établissement d'un «dialogue sérieux et responsable» avec «toutes les parties favorables à ces revendications». S'adressant au Hirak, le communiqué des dix-neuf personnalités invite « toutes les tendances du Hirak à plus de retenue et de vigilance afin d'éviter tout slogan attentatoire aux personnes et aux institutions et d'exclure tout ce qui constitue une source de fitna ou de haine préjudiciables à l'unité nationale ». Dissiper les «craintes de l'institution militaire» «Nous ne pouvons concevoir la prochaine échéance présidentielle que comme le couronnement d'un dialogue aboutissant à un consensus. Notre pays a en effet besoin de l'apport de tous ses enfants pour élaborer une vision commune dont l'objet ne sera nullement de reconduire le régime actuel même sous un habillage nouveau, mais d'être le point de départ d'une vie politique nouvelle dans le cadre d'une unité nationale renforcée par sa diversité politique et culturelle, et qui dissipe toute crainte de l'institution militaire d'une autorité civile constitutionnelle », note également le document. Pour ces personnalités, «il est certain qu'une entente de cette importance et un consensus de ce niveau épargneront au pays les risques de l'enlisement et lui permettront de faire solidairement un saut qualitatif et non en rangs dispersés». Et concluent que «s'aventurer à organiser des élections présidentielles comme annoncées, sans consensus national préalable, attisera le mécontentement populaire et aggravera la crise de légitimité du pouvoir», ce qui «pourrait servir de prétexte aux immixtions étrangères que nous refusons avec force dans tous les cas et sous n'importe quelle forme». «Il est donc inconcevable d'envisager la tenue d'élections libres et transparentes dans de pareilles circonstances. Par conséquent, nous invitons le pouvoir de fait à procéder avec sagesse et objectivité, à une nouvelle lecture de la réalité afin de ne pas contrecarrer les revendications légitimes du peuple en faveur d'un changement pacifique des mécanismes et des pratiques de gouvernance ». |
|